COVID-19 : des biohackers américains lancés dans une vaine course aux vaccins amateurs.

Le mouvement disparate des DIYBio (Do It Yourself Biology) qui a émergé au début des années 2000, avec les biologistes de garage, est appelé ainsi par référence au mythe des entrepreneurs subversifs créant leur startup dans un garage. Parallèle à l’essor de la biologie synthétique, le mouvement DIYBio a séduit jusqu’à Bill Gates qui a un jour déclaré que s’il était jeune aujourd’hui, il ne piraterait pas des ordinateurs, mais des molécules et des cellules.

La très grande majorité des biohackers américains travaillent dans des laboratoires communautaires, dont beaucoup opèrent en accord avec un Code d’éthique (Ethical Code for Safe Amateur Bioscience) élaboré par la communauté des biologistes amateurs. Une petite partie plus transgressive du mouvement BioDIY inclut des transhumanistes en quête de longévité, des apprentis cyborgs, ou des auto-expérimentateurs tels Aaron Traywick et Josiah Zayner qui se sont respectivement injectés en direct, un traitement contre l’herpes génital et un traitement visant à modifier par la technologie CrispR un gène impliqué dans la croissance de la masse musculaire. Josiah Zayner a par ailleurs réalisé une auto-transplantation fécale afin d’altérer son microbiome intestinal. Il est aussi président fondateur d’une start-up, Odin, qui vend par correspondance des kits permettant d’utiliser la technologie CrispR dans sa cuisine (ou son garage) afin de créer des levures qui brillent dans le noir ou de modifier génétiquement des rainettes. En août dernier, il a proposé lors du congrès Biohack the Planet, que les DIY radicaux effectuent leurs expériences en Dominique Républicaine, où se trouvent des malades suffisamment désespérés pour accepter de tester des traitements par thérapies géniques même dangereux, car ce pays ne possède pas de législation contraignante.

La survenue de l’épidémie de SARS-CoV-2 a résonné dans la communauté de ces biohackers qui se sont lancés dans la course au vaccin à titres personnels. C’est ainsi que dans une vidéo disponible sur YouTube (voir la séquence à 1 :11 :44), Justin Atkin, un autre biohacker, a annoncé s’être auto-injecté un vaccin à ARNm ayant entraîné la production d’anticorps. Quant à Josiah Zayner, il a mis en ligne sur sa chaîne YouTube des cours pour développer soi-même son propre vaccin anti SARS-CoV-2.

Parallèlement, quelques chercheurs plus ou moins directement rattachés à Harvard se sont lancés dans une initiative similaire appelée RadVac (Rapid Deployment Vaccine Collaborative). George Church, un scientifique reconnu du domaine de la biologie synthétique, a activement participé aux travaux de ce collectif et s’est administré lui-même le vaccin nasal qu’ils ont créé.

Les biohackers sont invités par email à demander leur kit de production du vaccin nasal. Probablement afin d’éviter d’être accusés par la FDA de piloter un essai clinique sous-marin, le collectif RacVac ne recueille aucune information clinique auprès des personnes ayant sollicité un kit, ni même ne sait si celles-ci se sont effectivement administrées le vaccin.

Ce mouvement fait apparaître de nombreuses questions éthiques liées aux  risques pris par les DIY alors que quelques mois après, des vaccins testés en situation contrôlée commencent à être déployés aux Etats-Unis et dans le monde

 


Rédacteur : Anne Puech (SST Boston)

 

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