Coûts du système de santé et réformes des brevets : la boucle est bouclée !

On le sait tous, l’attention des médias et du public américain est actuellement accaparée par les débats qui entourent la réforme du système de santé et l’introduction d’une couverture médicale généralisée. Face à un tel dossier qui met aux prises d’un côté l’Administration Obama avec les chambres et de l’autre les deux tendances politiques du pays, la question de la réforme des brevets ne fait pas le poids surtout que seule une poignée d’experts sait de quoi on parle.

Mais en fouillant les sites et en interrogeant les experts du transfert de technologies, on s’aperçoit très vite que la réforme du système national des brevets continue d’agiter les praticiens, les grandes entreprises et les autorités publiques fédérales. Et qu’elle n’est pas sans lien avec la grosse affaire de la réforme du système de santé. J’en veux pour preuve la polémique suscitée par le dépôt d’un récent document[1] portant sur le régime de propriété intellectuelle des tests génétiques. Réalisé par un groupe de travail[2] chargé de faire des propositions à la puissance publique[3], le rapport préconise d’exempter de tout brevet les tests génétiques liés au cancer et à d’autres pathologies. Cette disposition aurait pour effet la mise à disposition de tous des résultats de recherche des universités sans avoir besoin d’acquérir des brevets ou de négocier des licences.

Les rapporteurs en sont arrivés à cette conclusion en arguant du fait que l’actuel régime des brevets, qui tend à garantir 20 ans de situation de monopole au détenteur, contribuait à freiner l’innovation et à gonfler les prix des matériels de diagnostic. Selon les auteurs, cette situation alourdit les coûts de santé en raison de l’émiettement du marché et de la myriade de laboratoires qui utilisent des systèmes de tests différents, parfois non homologués.

Naturellement, les détracteurs de ce rapport, en particulier l’industrie des biotechnologies[4] et les responsables d’universités, ont aussitôt donné de la voix. Pour les premiers, ce rapport est susceptible de porter un sérieux préjudice à l’avance technologique des Etats-Unis en matière de biotechnologies. Pour les seconds, le dommage se situerait au niveau de la remise en cause de la loi Bayh-Dole qui avait précisément pour objet de confier aux universités le soin de valoriser la propriété intellectuelle issue des projets de recherche financés par le Gouvernement fédéral. Mais ce n’est pas tout. Au sein même du SACGHS, certains experts comme Brian Stanton prennent leurs distances avec les conclusions du rapport en indiquant qu’elles sont "fondamentalement faussées" et que rien ne prouve que le régime de protection actuel porte préjudice à l’innovation dans ce secteur. Il va plus loin en recommandant au SACGHS de mettre fin à son orientation de travail et de réviser le rapport.

En guise de conclusion, il préconise même au Gouvernement de s’attaquer aux "questions endémiques" liées au système de santé plutôt que de toucher au régime de propriété intellectuelle des tests de diagnostic. Autre conclusion, et c’est bien là le seul mérite de l’étude contestée, elle fait le lien entre le système de santé américain servi par une forte décentralisation des approvisionnements (hôpitaux, médicaments, etc.) et la réforme du système national des brevets : la boucle est bouclée !

[1] "Final Draft Report on Gene Patents and Licensing Practises and their Impacts on Patient access to Genetic Tests"

[2] "Secretary’s Advisory Committee on Genetics, Health and Society" (SACGHS).

[3] A la secrétaire à la santé et aux services aux personnes, Mme Kathleen Sebelius.

[4] "Biotechnology Industry Organization" (BIO).

Source :

"TTOs wary of proposed regs that could weaken patent protection" : https://www.technologytransfertactics.com/content/2009/10/14/ttos-wary-of-proposed-regs-that-could-weaken-patent-protection/

Pour en savoir plus, contacts :

"UW calls proposal to change patent law ‘reckless’" de John Schmid : https://www.jsonline.com/watchdog/watchdogreports/63908132.html
Code brève
ADIT : 60897

Rédacteur :

Antoine Mynard, [email protected]

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