Climat : l’Académie des Sciences proposera ses recommandations pour "éviter l’ingérable et gérer l’inévitable"

Un mandat clair mais ambitieux

Les 30 et 31 mars dernier, l’impressionnante coupole de l’Académie des Sciences bruissait de conversations éclairées concernant le changement climatique et ses probables conséquences. Une brochette d’experts dignes des meilleures productions Hollywoodiennes était en effet réunie pour la première d’une série d’échanges concernant la politique scientifique américaine face à ce chantier, qualifié du "plus complexe auquel l’humanité ait jamais eu à faire face".

Mandatées par la loi d’Appropriation 110-161, la NOAA ("National Oceanic and Atmospheric Administration") et la NAS ("National Academy of Science") ont été amenées à créer un comité dont l’objet est l’étude du changement climatique et l’élaboration de recommandations destinées à éclairer le Congrès. Le comité scientifique doit, en s’appuyant sur la littérature scientifique existante et sur les nombreux experts nommés dans les 4 panels thématiques qu’il a lui-même établis, répondre aux questions suivantes:
– Quelles actions de court terme doivent être entreprises afin de répondre efficacement au changement climatique?
– Quelles stratégies de long terme, quels investissements et quelles opportunités doivent être poursuivies pour répondre à ce changement?
– Quelles sont les principales avancées scientifiques et technologiques nécessaires pour mieux comprendre et répondre au changement climatique?
– Quels sont les obstacles à surmonter et quelles actions sont requises pour les surmonter?

Sortir du débat entre sceptiques et tenants du changement climatique

Au cours de ces deux premières journées, les présentations ont été faites par des intervenants venus d’horizon très divers (universités, agences gouvernementales, presse, ONG environnementales, industriels, associations de collectivités locales, etc.) et ont couvert un vaste spectre de spécialités (économie, politiques publiques, biodiversité et impacts sur les écosystèmes, sécurité nationale, etc.). Les ramifications parfois insoupçonnées du changement climatique, telles que les conséquences sur la santé mentale des populations affectées par des événements climatiques extrêmes (dépression due à un déplacement forcé, syndrome de stress post-traumatique, etc.) ont ainsi pu être abordées.

De ces échanges ressortait le sentiment partagé quant à l’urgence de l’action. Et, par voie de conséquence, quant à l’importance d’une meilleure communication des enjeux auprès des décideurs et du grand public. De manière frappante, les intervenants ont rappelé les risques que présentent les débats internes à la communauté scientifique, lesquels peuvent paralyser les décideurs, voire fournir des arguments pour ne pas agir. L’un des participants a même souligné le risque qu’une "n -ième" étude soit instrumentalisée par les attentistes pour " ne pas prendre de décisions hâtives avant la publication des résultats ".

Stephen Schneider de Stanford s’est efforcé de montrer que le débat contradictoire et les explications concurrentes font partie du processus scientifique normal, lequel avance malgré un inévitable degré d’incertitude. Ce dernier, a-t-il insisté, ne doit pas laisser penser qu’il n’y a aucun consensus possible. Susan Solomon, co-présidente du Groupe 1 du GIEC et chercheur à la NOAA, a ainsi milité pour une séparation des éléments associés à une forte incertitude et ceux sur lesquels le doute n’est plus permis, le but étant de ne pas ralentir la mise en oeuvre d’actions (que ce soit de limitation des émissions ou d’adaptation aux conséquences).

Dans sa première prise de parole en tant que nouvelle administratrice de la NOAA, Jane Lubchenco a annoncé son souhait de créer un " Service Climat " similaire au " Service Météorologique ", afin de mieux coordonner les multiples intervenants dans les différentes agences fédérales. On constate en effet qu’en dehors d’une forte impulsion donnée par la nouvelle Administration, le travail inter-agence n’est pas encore opérationnel et que le changement, tant structurel que culturel, nécessaire à la prise en compte de toutes les facettes du changement climatique, se fera dans la durée.

Le processus mis en place par l’Académie des Sciences, qui se veut très participatif, permet à chacun de contribuer jusqu’au 17 avril sur le site spécialement conçu pour l’exercice. Les réunions suivantes, sur des formats divers, contribueront également à recueillir les remontées d’informations les plus larges possibles. Ensuite, le comité et les experts des panels scientifiques devront livrer leurs conclusions à l’issue du cycle de consultations, soit début 2010.

Simultanément, le Congrès prend des options

Cependant, par une curieuse coïncidence, alors que commence seulement le travail de l’Académie, la commission Energie et Commerce de la Chambre des représentants a introduit le 31 mars un projet de loi portant sur les objectifs de réduction d’émission de GES. Alors même que l’Académie des Sciences terminait son " sommet " !

Ce projet de loi, porté par MM. Waxmann et Markey, fixe des objectifs plus ambitieux que ceux annoncés à court terme par l’Administration Obama, avec des réductions de 3% d’ici 2012 par rapport au niveau de 2005, puis de 20% d’ici 2020 et enfin de 83% d’ici 2050[1]. Le télescopage des recommandations législatives et scientifiques peut surprendre. On serait en effet en droit de penser que les premières s’appuient sur les secondes. Mais il semble clair que le calendrier du Congrès obéit, en partie tout au moins, à l’échéance de Copenhague et à la pression du Président pour qu’une loi "climat" soit ratifiée les plus rapidement possible. Si le projet de loi est effectivement voté avant début 2010, alors le rapport de l’Académie des sciences arriverait, comme la proverbiale cavalerie… après la bataille!

[1] L’année de référence pour les scénarios du GIEC et donc pour les objectifs de l’UE est 1990

Source :

– Colloque "Summit on America’s Climate Choices" à l’Académie des sciences – Washington, les 30 et 31 mars 2009
– "Details trickle out on House’s climate and energy plan" – New York Times – page vue le 1/04/09 : https://www.nytimes.com/cwire/2009/03/31/31climatewire-details-trickle-out-on-waxmanmarkey-proposal-10357.html

Pour en savoir plus, contacts :

– Site dédié au Summit on America’s Climate Choices : https://americasclimatechoices.org/
– Site de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) : https://newsroom.ucla.edu/portal/ucla/carnesale-86785.aspx
Code brève
ADIT : 58585

Rédacteur :

Marc Magaud ([email protected])

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