Classements universitaires et collaborations à l’international : la recherche au cœur des attentes

Résultats d’un sondage sur le rôle des classements universitaires et des critères pris en compte en vue d’établir une collaboration internationale, selon des chercheurs de l’Arkansas, de l’Oklahoma, de la Louisiane et du Texas.
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Introduction

La science se pratique souvent via des collaborations sur le plan national et international, mais comment les laboratoires américains choisissent-ils leurs partenaires ? Quelle est l’importance des classements universitaires dans ces choix ? Le Service pour la Science et la Technologie de Houston a réalisé une enquête afin de préciser, par une approche qualitative et quantitative, quelques-unes des approches liées à l’utilisation des classements des universités par les américains dans le secteur couvert par le poste qui comprend l’Arkansas, l’Oklahoma, la Louisiane et le Texas.

 

Matériel et méthode

Un questionnaire a été conçu et envoyé à des chercheurs américains affiliés à des universités de ces quatre Etats. Les informations obtenues comportent le titre de la personne interrogée (ex. : Assistant Professor, Associate Professor, Dean, Professor, Provost, etc.) ; les types de classements universitaires (ARWU, THE, etc.) avec lesquels les répondants sont les plus familiers ; la fréquence d’utilisation de ces classements lors de la recherche de partenariats académiques ; ainsi que les autres critères qui leur semblent importants à prendre en compte lorsqu’ils envisagent une collaboration universitaire.

Afin d’atteindre un nombre statistiquement représentatif et ainsi extraire des résultats potentiellement robustes, 410 contacts ont été sollicités par mél ou via les réseaux sociaux entre le 2 et le 13 novembre 2020. Des 63 réponses obtenues –principalement au Texas-, seules les réponses émanant des : Assistant Professor, Associate Professor, Professor et Researcher (n=37) ont été prises en compte pour cet article.

 

Résultats

Tous les répondants sont issus d’établissements d’enseignement supérieur (18 établissements différents), principalement au Texas. Les organisations ayant le plus de répondants sont l’université de Texas A&M (College Station) et l’université UT Austin (Austin), suivies de Tulane University (Nouvelle-Orléans), University of Houston (Houston) et UT Southwestern Medical Center (Dallas).

Cette analyse se concentre sur les réponses des : « Assistant Professor » (5 réponses), « Associate Professor » (9 réponses), « Professor » (18 répondants) et « Researcher » (5 réponses), soit un total de n=37 réponses. Le titre le plus fréquent (mode) est donc celui de « Professor » (49%), comme présenté dans la figure interactive 1.

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Figure 1 : Titre des répondants.

L’activité de recherche des répondants (figure interactive 2) est plutôt dans la biologie (27%), la physique (14%) et l’ingénierie (11%).

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Figure 2 : Domaines d’activité de recherche des répondants (NA : Non-Available : donnée non communiquée).

A la question « Quel est le classement universitaire avec lequel vous êtes le plus familier ? », des proportions proches ont répondu le « Times Higher Education » (43%) et le classement de Shanghai (41%).

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Figure 3 : Classements universitaires les plus connus (NA : Non-Available : donnée non communiquée).

A la question « Lorsque vous projetez d’établir une collaboration scientifique dans l’enseignement supérieur, prenez-vous en compte les classements universitaires ? », 43% a répondu « rarement » et 27% a répondu « jamais ».  Vingt-deux pour cent (22%) a répondu « souvent ». Les réponses « rarement » ou « jamais », totalisent donc 70% des réponses obtenues, tandis que les réponses « toujours » ou « souvent » totalisent 24%.

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Figure 4 : Fréquence de l’utilisation des classements universitaires lors d’un projet de collaboration (NA : Non-Available : donnée non communiquée).

Concernant le projet d’établir une collaboration scientifique dans l’enseignement supérieur, la plus importante proportion (62%) a déclaré que la réputation de l’établissement était moins importante que celle du chercheur, alors que seulement une fraction pensait l’inverse (8%). Dix-neuf pour cent (19%) des répondants estiment que la réputation de l’établissement était aussi importante que celle du chercheur. Une minorité (Other) a soulevé le fait que ce soit plus le niveau scientifique plutôt que la réputation qui serait déterminante (5%).

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Figure 5 : Importance relative de la réputation de l’institution et/ou du chercheur lors d’un projet de collaboration internationale (NA : Non-Available : donnée non communiquée).

Pour comprendre davantage les critères conduisant à un choix de collaboration, les répondants ont eu la possibilité de faire part de leur approche. Le nuage de mots ci-dessous synthétise l’axe choisi : la recherche (et non pas un classement ou une structure donc).

Figure 6 : Nuage de mots des critères prise en compte lors de l’élaboration d’une collaboration internationale. Comme il apparaît clairement sur cette représentation, la recherche est au centre des préoccupations (plus que les classements par exemple ou que l’institution).

En réorganisant/synthétisant les réponses textuelles, les critères qui ressortent (figure 6) sont surtout reliés au chercheur et sa recherche, et, dans une moindre mesure à son institution :

  • Recherche
    • qualité de la recherche actuelle mais également des travaux passés
    • pertinence par rapport aux intérêts du chercheur américain
    • alignement, complémentarité et concordance des recherches, sujets d’intérêt mutuel,
    • bénéfices mutuels
    • environnement de la recherche : qualité des installations, qualité scientifique des collègues, des étudiants et du réseau
  • Chercheur
    • niveau scientifique, expertise, valeur intellectuelle
    • éthique du chercheur / intégrité de la recherche
    • relations interpersonnelles, capacité à communiquer clairement le travail
    • volonté de coopérer
  • Institution
    • intérêt/appui institutionnel pour la collaboration
    • culture de l’institution

Discussion

Les résultats indiquent qu’une majorité de répondants sont des « Professors » (49%), et une part relativement importante sont des enseignants-chercheurs moins seniors sur leur poste (« Assistant Professor » et « Associate Professor »).

L’activité de recherche des répondants est répartie dans des proportions semblables entre la biologie (27%), et les sciences physiques (25% composés de : physique (14%) et ingénierie (11%)).

Si le classement de Shanghai est bien connu en France, les résultats de cette enquête indiquent que les 2 classements universitaires les plus familiers sont ici celui du Times Higher Education (43%) et du classement de Shanghai (41%), à des niveaux comparables. Notons une absence de réponse (11%), et une faible proportion (5%) qui dit n’être pas familière avec ces classements.

Nous pouvons remarquer également que les classements de Leiden et le QS n’ont pas été sélectionnés par ces catégories de répondants. Remarquons enfin que le classement U.S. News & World Report, publiant des classements annuels depuis 1985 et très populaire aux Etats-Unis n’a pas été mentionné dans la rubrique autre (« Other »).

Globalement (84%), même si les classements universitaires sont connus, il est intéressant de noter que très peu des répondants (3%) utilisent « toujours » ces classements lorsqu’ils projettent d’établir une collaboration scientifique dans l’enseignement supérieur. De même, les réponses combinées de « toujours » et « souvent » ne totalisent que 24%. Il apparait en fait que la majorité dit n’utiliser les classements universitaires que « rarement » (43%), et que plus des deux tiers (70%) ne les utilise « rarement » ou « jamais ».

Les chercheurs sont constamment amenés à évaluer leurs travaux ainsi que ceux de leurs pairs (par exemple lors de la lecture d’articles de recherche, d’évaluation de projets ou d’articles scientifiques, lors de conférences, virtuelles ou non). Il est donc possible qu’ils préfèrent ne pas confier à un tiers le soin d’évaluer un autre chercheur spécialisé dans un domaine connexe. De plus, un classement attribue un rang au niveau global d’une institution, et donc apporte des éléments qui peuvent être perçus comme de seconde importance par rapport à une collaboration spécifique entre 2 chercheurs.

Les données soulignent qu’en vue d’établir une collaboration scientifique, la majorité des répondants (63%) déclare accorder moins d’importance à la réputation de l’institution qu’au chercheur. Dix-neuf pourcent (19%) considèrent que les 2 sont d’importance égale, tandis que seulement 8% estiment que la réputation de l’organisation prime sur celle du chercheur. Globalement, il apparaît donc que l’importance de l’institution est moindre que celle du chercheur.

Cette tendance est confortée par le nuage de mots qui montre la prépondérance du mot « recherche » (et non institution par exemple) et les nombreuses attentes qui y sont rattachées : qualité de la recherche (actuelle mais également des travaux passés) ; pertinence de la recherche par rapport aux intérêts du chercheur américain ; alignement, complémentarité et concordance des recherches ; sujets de recherche d’intérêt mutuel ; qualité de l’environnement de la recherche (dont qualité des installations, qualité scientifique des collègues, des étudiants).

Les attentes au niveau du chercheur concernent sa valeur intellectuelle (niveau scientifique, expertise), mais comprennent aussi son éthique ou l’intégrité de ses recherches. Les répondants font aussi mention de l’importance des relations interpersonnelles du chercheur et de sa capacité à communiquer clairement le travail, ou encore de sa volonté de coopérer.

L’institution est prise en compte, mais de façon moindre (comme vu plus haut quantitativement avec les diagrammes circulaires). A cet égard, les préoccupations s’articulent autour de l’intérêt et de l’appui institutionnel pour la collaboration, ainsi qu’au sujet de la culture de l’institution. Ils peuvent traduire l’interrogation du chercheur américain qui souhaite s’assurer que la collaboration qu’il souhaite initier aura des chances d’aboutir et sera peut-être même soutenue pour l’institution étrangère, ce qui serait bien sûr un gage de pérennité pour la collaboration en question.

En complément des publications, notons qu’un site internet peut apporter des éléments de réponse à un chercheur américain susceptible de collaborer avec un chercheur français. Selon les sites des participants à ce sondage, notons les rubriques suivantes :

  • Research (mots clefs et description succincte de l’approche utilisée)
  • Publications ou Selected Publications (l’ensemble ou une sélection d’articles avec des liens hypertexte pointant sur les articles, idéalement en accès libre)
  • Lab Members (membres actuels de l’équipe pouvant aussi inclure le devenir des anciens étudiants).
  • Life in the Lab ou Lab Activities (rubrique souvent illustrée de photos d’événements réalisés par ou avec des membres de l’équipe de recherche)
  • Grant & Contract Support (permettant de valoriser des financements de projets précédents)
  • Related Facilities (valorisant des équipements propres à l’équipe, au département ou à l’institution)
  • Contact Us

Un site internet institutionnel, regroupant les différentes équipes de recherche et les rubriques mentionnées ci-dessus, voire contenant des positions officielles ou des informations sur les collaborations à l’international, peut contribuer à envoyer un message positif au chercheur étranger souhaitant collaborer.

Conclusion

Ces données, portant sur des « Assistant Professor », « Associate Professor », « Professor » et « Researcher », même si elles sont limitées (n=37 réponses), restreintes tant géographiquement qu’au niveau des postes balayés, suggèrent que la prise en compte des classements internationaux (ex : classements de Shanghai et du Times Higher Education) interviendrait peu dans les stratégies de collaborations internationales des universités sondées.

Développer une collaboration est une démarche à la fois stratégique et scientifique. En effet, le chercheur ne peut tisser qu’un nombre limité de collaborations pour répondre à une question scientifique relativement spécifique dans un temps donnée (typiquement la durée de vie du projet, a minima, soit 3 à 5 ans généralement).

A ce titre, un classement attribue une note globale à l’institution à laquelle est rattachée le chercheur. Il n’est donc pas surprenant que les acteurs de la recherche ayant répondu ici aient tendance à relativiser l’importance de l’institution. Par contre, les résultats de cette analyse font apparaitre de nombreuses attentes concernant le chercheur et ses recherches, ainsi que son environnement de travail ou son réseau.

Enfin, de manière générale, notons qu’idéalement, une coordination semble souhaitable entre les acteurs de la recherche et leur institution afin de bénéficier respectivement des efforts des approches ascendantes (« bottom-up ») et descendantes (« top down »). En conciliant tactique (à court terme) et stratégie (à moyen ou long terme), les chances de développer une collaboration internationale pertinente et pérenne peuvent ainsi être augmentées.

 

Rédacteur

Renaud Seigneuric, Attaché pour la science et la technologie à Houston. attache-phys at ambascience-usa.org

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