Charbon : pas de veine pour l’industrie extractive

La bataille du charbon continue de faire rage, notamment sur le front minier. L’administration Obama avait affirmé dès son arrivée au pouvoir qu’elle tenterait de revenir sur la réglementation de dernière minute établie par l’administration Bush, ouvrant la voie à l’extraction par dynamitage des sommets de montagne – technique dite "mountaintop removal" ou MTR en abrégé (voir BE Etats-Unis 145). Il s’agit là du plus récent rebondissement dans une saga récurrente aux Etats-Unis. La filière charbonnière subit depuis plusieurs années déjà, mais avec une intensité accrue depuis l’automne 2008, une série d’assauts, tant sur les procédés d’extraction que sur la pollution résultant de la combustion dans les centrales électriques et jusqu’au stockage des cendres. La bataille donne lieu à d’importantes campagnes publicitaires, pour lesquelles l’industrie charbonnière aurait dépensé 500 millions de dollars en 2008 selon certaines estimations. De l’autre côté, les associations environnementales répondent par des spots publicitaires dont le message est: "there is no such thing as clean coal". Et les opposants au "charbon propre"continuent de faire pression sur les parlementaires, multipliant les manifestations devant certaines centrales et les actions de désobéissance civile.

L’administratrice de l’EPA, Lisa Jackson, a annoncé lundi 27 avril son intention d’examiner à la loupe les plus de 150 permis actuellement en cours d’instruction. Cette annonce intervient alors qu’une cour d’appel en Virginie de l’Ouest avait cassé, le 17 février dernier, un jugement en première instance qui limitait le droit d’employer la technique du MTR. En appui de sa collègue, le secrétaire au Département de l’Intérieur (dont le portefeuille comprend les concessions minières) s’est également prononcé contre le développement du mountaintop removal. Ken Salazar a demandé qu’un juge fédéral examine de nouveau la possibilité de remettre en vigueur la règlementation de 1983 qui requiert que les activités minières se situent à une distance minimum de 30 mètres (100 pieds) de tout cours d’eau, sauf si l’exploitant peut prouver que ni la qualité ni la quantité d’eau ne seront affectés. C’est cette règle qui avait été suspendue par les réglementations de la dernière heure émise par l’administration Bush.

Mais la prise de position de Ken Salazar ne satisfait pas les associations de protection de la nature, telles que Sierra Club et Earthjustice. Celles-ci considèrent que le procédé reste extrêmement destructeur pour le paysage et potentiellement dangereux pour les populations avoisinantes. Par conséquent, les environnementalistes exigent un arrêt complet du MTR et Earthjustice annonce qu’elle continuera son action en justice même si le secrétaire à l’Intérieur obtient gain de cause sur la remise en vigueur de la règle des 30 mètres.

En attendant que les cours fédérales se déterminent sur le sujet, l’EPA continue d’exercer une pression accrue sur le Corps of Army Engineers pour que les autorisations d’exploiter soit sévèrement encadrées. L’industrie, par l’intermédiaire du Vice président de sa fédération professionnelle (la National Mining Association) Carol Raulston, a regretté les retards prévisibles dans l’instruction des permis d’exploitation qui risquent, selon Mme Raulston, d’affecter plus de 60.000 emplois miniers. "C’est une préoccupation récurrente à travers toutes les Appalaches en raison de l’impact potentiel sur les emplois" a-t-elle affirmé.

Sans nier l’impact sur la filière et ses employés, les environnementalistes minimisent le nombre total d’emplois menacés (car la décision de l’EPA n’implique pas de fermetures à court terme) et rappellent les conclusions d’un rapport de l’EPA, datant de 2005, selon lequel plus de 1150 km (700 miles) de rivières auraient été ensevelies entre 1985 et 2001 dans les seules Appalaches. A l’époque, ce rapport affirmait également que sans autre mesure restrictive, 6000 km2 (équivalents à 2 fois la superficie de l’Etat du Rhode Island) auraient disparu d’ici 2012.

A l’heure où se négocient les contours de la future loi "Climat" dite Waxmann-Markey et où les coulées de cendres des bassins de rétention sont accusés de créer des risques pour la santé des populations environnantes (voir BE Etats-Unis 149), l’étau semble se resserrer sur l’industrie charbonnière. Il lui faut désormais pousser les feux sur les projets de capture et de stockage du CO2. En effet, une vraie percée sur ce front lui permettrait de maintenir son acceptabilité sociale, qui semble de plus en plus ténue hormis dans les bassins charbonniers.

Source :

– Site de l’EPA: https://www.epa.gov/region3/mtntop/index.htm
– Mountaintop Mining fact sheet – National Mining Association (fédération professionnelle de l’industrie extractive): https://www.nma.org/pdf/fact_sheets/mtm.pdf
– BE Etats-Unis 145 – La déréglementation de l’extraction charbonnière atteint des sommets: https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/56897.htm
– BE Etats-unis 149. Quand charbon rime avec pollution. https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/57353.htm
– BE Etats-Unis 156 – Manifestation à la centrale électrique du Congrès: Non au charbon!: https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/58137.htm
– WBIR le 30/04/09 – EPA identifies potentially dangerous coal ash sites: https://www.wbir.com/news/green/story.aspx?storyid=86306&catid=137

Pour en savoir plus, contacts :

– "Obama seeks reversal of mountaintop removal rule" – Washington Post du 27/04/2009: https://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2009/04/27/AR2009042702877.html
– "Appeals court reverses rule on mountaintop removal": – Environment News Service du 17/02/2009: https://www.ens-newswire.com/ens/feb2009/2009-02-17-092.asp
Code brève
ADIT : 59069

Rédacteur :

Marc Magaud ([email protected])

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