La rotation des cultures pourrait permettre d’améliorer la résilience du secteur agricole américain face au changement climatique

average_value__1_

Image : USDA, 2012 Ag Census Web Map

Dans un article publié dans la revue Nature le 5 octobre, deux scientifiques – dont un issu de University of New York – émettent des recommandations stratégiques pour que le secteur agricole américain subisse relativement peu les conséquences du changement climatique.

Il s’agit selon ces scientifiques de réaffecter les cultures afin de réduire les pertes agricoles causées par les conséquences du changement climatique sur le sol américain. Ils s’appuient sur le modèle hiérarchique bayésien des rendements pour déterminer le potentiel économique d’une réallocation des terres, pour six types de cultures : maïs, riz, blé, coton, soja et orge. Leurs projections soutiennent la thèse d’une adaptation considérable des cultures à travers les régions, dans un scénario RCP 8.5 (Representative Concentration Pathway), qui correspond à une augmentation des températures d’entre 3,2 et 5,49°C par rapport aux niveaux pré-industriels d’ici 2100. Ils montrent que si les cultures restent les mêmes dans le futur, les profits agricoles totaux pour ces six produits chuteront de 31% dans le cadre des températures atteintes en 2070 sous ce scénario. Néanmoins, si les cultures sont changées et qu’une rotation est opérée, il est possible d’éviter les chutes de rendements et de maximiser les augmentations, permettant ainsi d’éviter la moitié de ces pertes économiques. Les régions voient alors leurs cultures modifiées dans 57% des cas.

Les scientifiques simulent ainsi la répartition la plus adaptée des productions agricoles concernées, selon l’augmentation des températures d’ici 2070. Les schémas spatiaux des effets des températures extrêmes varient selon les cultures. Le maïs et le coton témoignent d’une sensibilité moindre dans le Sud du pays, ce qui reflète l’adaptation des variétés de graines et des pratiques agricoles permettant de minimiser les pertes. Pour le blé et l’orge, cette adaptation dépend de la disponibilité en eau, les régions sèches étant plus sévèrement impactées par des températures extrêmes. Ces deux types de céréales sont principalement cultivés dans des régions plus fraiches, tandis que le coton est plus présent dans les zones à climat doux. D’après cette étude, les cultures de soja seraient idéalement réaffectées au nord du pays. Une surface de 5% en terres méridionales ne serait plus économiquement viable, ce qui signfie que les agriculteurs doivent dès lors identifier de nouvelles zones cultivables.

Les scientifiques rappellent que l’agriculture est un des secteurs les plus exposés au changement climatique, et que son adaptation passe par des investissements en irrigation, en R&D et nécessite des dizaines d’années de planification. Le potentiel d’adaptation des cultures doit être mieux appréhendé par les agriculteurs eux-mêmes ainsi que par les décideurs politiques. Ces opportunités sont à la fois générées par les écarts de températures d’une région à l’autre, ainsi que par la sensibilité des cultures aux températures extrêmes. Néanmoins, l’existence de pertes résiduelles montre que la rotation des cultures n’est pas une panacée et que de nouvelles variétés de graines, ainsi que d’autres pratiques innovantes d’adaptation sont nécessaires. Si le mouvement des cultures présente un certain potentiel de réduction des pertes causées par le changement climatique, il ne les élimine donc pas totalement.

Rédactrice : Juliette Paemelaere, Chargée de mission coopération scientifique INRAE, [email protected]

Partager

Derniers articles dans la thématique
,