Des scientifiques de la Henry Samueli School of Engineering and Applied Science, University of California de Los Angeles, dirigés par le Professeur Liao, ont réussi à modifier génétiquement une bactérie Escherichia Coli, bactérie souvent associée aux intoxications alimentaires, afin de la rendre capable de produire des alcools à longue chaîne de carbones, qui pourraient constituer des biocarburants plus énergétiques.
Un biocarburant (ou agrocarburant) est un carburant produit à partir de matériaux organiques renouvelables et non-fossiles. Cette production peut se faire à partir d’un ensemble de techniques variées : production d’huile, d’alcool par fermentation alcoolique de sucres ou d’amidon hydrolysé, de carburants gazeux obtenus à partir de biomasse végétale ou animale (dihydrogène ou méthane), ou de carburants solides comme le charbon de bois. Contrairement aux carburants fossiles, les biocarburants sont énergétiquement indépendants du pétrole et sont beaucoup moins polluants. Actuellement, le biocarburant commercialement disponible est l’éthanol, un alcool constitué d’une chaîne de deux atomes de carbone dont le rendement énergétique est limité (environ le tiers du rendement énergétique de l’essence).
Dans cette étude, les scientifiques de UCLA ont mis au point un système dans lequel l’activité d’élongation de la 2-isopropylmalate synthase est modifiée et la spécificité de substrat des enzymes secondaires est altérée. Introduit dans la bactérie Escherichia Coli, ce système biosynthétique non naturel permet la production d’alcool à long squelette de carbone (entre 5 et 8 atomes). Ces alcools à longues chaînes emmagasinent plus d’énergie dans un espace plus petit, donc sont plus énergétiques, et de plus ils sont plus facilement séparables de l’eau, de ce fait moins volatils et moins corrosifs que l’éthanol.
Cette étude montre comment la biologie synthétique peut permettre le développement d’approches innovantes pour répondre aux enjeux majeurs tels que la recherche de sources d’énergie renouvelable (dans cet exemple) mais également dans la lutte contre les maladies chroniques métaboliques.
La biologie synthétique est une nouvelle discipline de recherche en plein essor qui se situe à l’interface entre la biologie et l’ingénierie. Rappelons que chaque année a lieu "l’international Genetically Engineered Machines competition" (iGEM) . Cette compétition est organisée depuis 2003 par le MIT (Massachussetts Institute of Technology) et rassemble des équipes d’étudiants venant d’universités du monde entier, le défi étant pour elles d’inventer des systèmes biologiques synthétiques. En catalysant l’émergence de la biologie synthétique, iGEM participe à une véritable révolution dans la manière de pratiquer la biologie, favorisant l’open-source et la standardisation, et dont de nombreux scientifiques anticipent des retombées industrielles très significatives. Depuis 2007, des équipes françaises participent à ce concours et se placent parmi les finalistes à cette compétition.
La capacité de production de biocarburants de haute densité énergétique par des organismes vivants va permettre d’ouvrir de nouvelles perspectives en termes de réchauffement climatique et plus généralement en termes d’environnement, un problème mondial au coeur des préoccupations de chaque pays. En ce qui concerne les Etats-Unis, depuis 2007, l’USDA (United States Department of Agriculture) dispose d’un budget de 1.6 milliard de dollars pour la recherche sur les biocarburants. La loi de 2007 sur la sécurité et l’indépendance énergétique a fixé des objectifs quantitatifs ambitieux avec un volume de production de biocarburants de 9 milliards de gallons pour 2008, objectif qui devrait progressivement passer à 36 milliards de gallons d’ici 2022. Sur ces 36 milliards de gallons, 21 milliards devront provenir de biocarburants "avancés", dont 16 milliards tirés de la biomasse cellulosique et 5 milliards de biocarburants avancés indifférenciés.
Source :
– UCLA researchers make major advance in creating higher-density biofuels, Wileen Wong Kromhout, december 18, 2008 : https://newsroom.ucla.edu/portal/ucla/ucla-researchers-push-nature-beyond-76969.aspx
– La production de biocarburants à partir d’algues : nouvelles opportunités et nouveaux défis, Lila Laborde et Adèle Martial, BE Etats-Unis 143, 21 novembre 2008 : https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/56731.htm
– Expending metabolism for biosynthesis of nonnatural alcohols, Zhang et al, 2008, PNAS, December 30, 2008
Pour en savoir plus, contacts :
– Sur les biocarburants : https://fr.wikipedia.org/wiki/Biocarburant
– Sur le professeur Liao : https://www.seas.ucla.edu/~liaoj/people.htm
– Sur iGEM : https://2008.igem.org/Main_Page
Code brève
ADIT : 57354
Rédacteur :
Camille Arnaud, [email protected] – Mireille Guyader, [email protected]