Au niveau mondial, on estime globalement que plusieurs centaines de candidats-vaccins contre le SARS-CoV-2 sont en développement. Cette course pour produire un vaccin contre le virus, dominée par les Etats-Unis, implique aussi bien des agences nationales, que des hôpitaux ou centres universitaires, et des entreprises.
La majorité de ces essais cliniques pour les vaccins utilise les plateformes actuelles de production de vaccins et des technologies classiques – virus atténué ou protéine Spike entière – mais qui entraînent des risques d’effets secondaires et de maladie aggravée (par analogie avec le vaccin contre la Dengue). Une approche plus ciblée, également mise en œuvre, consiste à choisir une portion de la protéine, généralement le site de fixation du récepteur. Cette stratégie répond à l’urgence d’obtenir un vaccin anti-SARS-CoV-2. Cependant cette région de la protéine est très variable et sujette à une évolution dans le temps. Elle ne garantit donc pas une efficacité du vaccin lors des mutations du virus (comme la D614G ou d’autres qui pourraint survenir).
Pour contourner ces limitations, une nouvelle société, Phylex Biosciences, a été créée au début de la pandémie de COVID-19 avec l’objectif de développer un vaccin universel anti-coronavirus. Cette ambition repose sur la grande similitude entre SARS-CoV-1 et SARS-CoV-2, notamment au niveau de régions très conservées de leurs séquences génomiques, peu sujettes aux mutations. Dès lors, la stratégie choisie par la startup consiste à concevoir – par analyse et comparaison des séquences, brevets déposés – l’antigène dans de courtes régions conservées entre CoV-1 et 2 – une petite partie de la protéine Spike -, et de mettre une soixantaine de copies de cet antigène dans des particules de type VLP (virus-like particle) qui miment le virus. Le recours à ces régions plus stables du génome laisse espérer que le vaccin ainsi élaboré restera efficace même en cas de mutation du virus ; ceci en ferait un vaccin universel contre tous les types de coronavirus.
Cette ambition de développer un vaccin universel contre les maladies infectieuses saisonnières – proposée initialement par Bill Gates à Donald Trump – a déjà été initiée aux Etats-Unis pour lutter contre la grippe, via un ordre exécutif de la Maison-Blanche publié le 19 septembre 2019 afin d’améliorer le système de production de vaccins, rendre les vaccins saisonniers plus efficaces et – à terme – obtenir un vaccin universel. Bien que pouvant paraître idéale et d’actualité, cette approche sera difficile et pourrait présenter des failles, voire ne pas être possible du tout selon Mark Denison, qui dirige un laboratoire de recherche sur les coronavirus à l’université de Vanderbilt (Tennessee). Selon Allen Embry, chef de la branche des maladies respiratoires au National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), des efforts seraint déjà en cours, non spécifiquement pour cette épidémie, mais pour penser les approches vaccinales universelles contre les coronavirus de la même façon que pour les vaccins contre la grippe. Le NIAID’s Vaccine Research Center développe une approche similaire à celle de Phylex pour tenter d’obtenir un vaccin universel contre les coronavirus. Le NIAID finance aussi pour 4 ans les travaux sur un vaccin universel contre la grippe, menés par Thomas Kupper, chef dermatologiste au Brigham and Women’s Hospital (Boston, MA), et lui a récemment attribué une subvention supplémentaire pour réaliser un vaccin universel contre les coronavirus et le tester sur un modèle rongeur (rat ou souris).
En France, c’est l’entreprise Lyonnaise Osivax qui s’est vu attribuer (le 8 juillet 2020) une subvention de 32,6 M € de la Commission Européenne et du Gouvernement français pour poursuivre ses travaux sur le développement d’un vaccin universel contre la grippe, et appliquer sa technologie pour un vaccin contre le SARS-CoV-2.
Phylex Biosciences a été créée à Del Mar, au nord de San Diego (CA), par un entrepreneur français spécialisé en biotechnologie, Pascal Brandys (Chief Executive Officer), ex-CEO de Genset et CompuVax et Président et Directeur exécutif de Biobank Technology Ventures LLC, en tandem avec le Dr Jens Herold (Chief Scientific Adviser), spécialiste du coronavirus depuis 1990, responsable depuis 2012 des projets biopharmaceutiques de Boehringer Ingelheim. La startup profite de l’écosystème biomédical extraordinaire de San Diego et de la capacité de sous-traitance auprès d’experts dans leur domaine.
Brandys a pu expliquer son positionnement et sa stratégie au cours d’un entretien qu’il a eu avec les Attachés Scientifiques de Los Angeles et de Houston, et également au travers d’un webinaire (Zoom) réalisé le 7 juillet 2020 auquel une soixantaine de personnes – scientifiques (dont Kip Thorne, prix Nobel de physique 2017), journalistes, etc – de 4 continents ont assisté. Il a notamment décrit les cinq points majeurs qui conditionnent la réussite du développement d’un vaccin : sécurité, efficacité, durée d’immunisation, prix, capacité de production à grande échelle. Sur ce dernier point, le développement ultérieur du vaccin en lignées cellulaires, sur cellules de mammifères, sera réalisé par l’entreprise Californienne ATUM, qui a signé un partenariat en ce sens avec Phylex en juin 2020.
A des considérations scientifiques, technologiques et financières, s’ajoutent des enjeux géopolitiques relatifs à la sécurité nationale d’approvisionnement en vaccin ou traitement contre le SARS-CoV-2. Des exemples récents d’interventions politiques auprès d’entreprises biopharmaceutiques démontrent qu’un vaccin est considéré comme une ressource vitale qui peut donner lieu à toute sorte de tractation ou de mesure restrictive. Pour pallier à ces risques, il est probable que chaque pays voudra garantir une solution nationale et que chaque entreprise cherchera donc à produire son futur vaccin sur trois continents, Europe, Asie et Amérique du Nord.
Rédacteurs : Pascal LOUBIERE (AST Los Angeles), Renaud SEIGNEURIC (AST Houston)