Avenir encore incertain pour la station internationale malgré l’enthousiasme scientifique

Une audition du Sous-Comité à l’Espace et à l’Aéronautique de la Chambre des Représentants a eu lieu jeudi 24 Avril dernier afin d’évaluer la situation et l’avenir de la Station Spatiale Internationale (ISS). Le premier panel de témoins était composé de responsables scientifiques représentant les "utilisateurs" de la station. Il ont insisté sur le formidable potentiel de l’ISS en matière de recherche scientifique, de commerce, de médecine, de technologie et d’éducation pour les Etats-Unis, dénonçant par là même un manque d’efforts pour soutenir les activités de recherche qui doivent "rentabiliser" et crédibiliser la construction de la station.

Le Dr. Edward Knipling du Département de l’Agriculture a rappelé les bénéfices potentiels des recherches en micro-gravité pour l’agriculture américaine et la protection de l’environnement grâce à la compréhension des mécanismes cellulaires.

Cheryl Nickerson, du Biodesign Institute en Arizona, a prédit de probables grandes découvertes en matière de Santé avec des innovations apportées dans la recherche sur les maladies infectieuses, le cancer, le vieillissement ou encore l’atrophie musculaire ou osseuse grâce aux expériences menées en micro-gravité.

Le directeur de Spacehab -entreprise privée qui a déjà réalisé des charges utiles scientifiques pour la station- Thomas Pickens a également évoqué des perspectives de recherche intéressantes concernant l’étude du diabète, de la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson. Mr Pickens a dit avoir compris que les applications scientifiques n’aient pas été une priorité de la NASA durant la construction de la station mais a mis en relief le besoin de retour sur investissement pour le contribuable américain qui pourrait bénéficier des progrès ainsi réalisés dans différents domaines.

Louis Stodieck, Directeur du centre de recherche Bioserve Space Technologies a quant à lui proposéer la constitution d’une organisation indépendante de la NASA qui serait en charge du management des activités de recherche de la station – à savoir une ISS National Lab Management Organization. Il a suggéré l’utilisation d’un Space Act Agreement afin de former un partenariat public/privé remplissant ce rôle. Mr Stodieck a même évoqué la nécessité d’utiliser la station jusqu’en 2020 et éventuellement plus tard afin d’exploiter au mieux sa productivité.

Enfin, les 4 témoins ont souligné la nécessité d’un transport fiable vers et depuis l’ISS afin de ravitailler la station en vivres et en matériels scientifiques. D’après Stodieck, une fréquence de 4 ou 5 vols par an serait indispensable. En résumé, la communauté scientifique reconnaît les formidables possibilités ouvertes par un laboratoire spatial telle que la station pour leurs études et aimeraient pouvoir la rentabiliser un maximum durant ses 5 à 10 ans d’exploitation. Le Congressman Dana Rohrabacher (R-Californie) a par ailleurs ironisé sur les promesses de découvertes scientifiques évoquées par les témoins, en précisant que ce genre de rhétorique lui était familière mais qu’il aimerait par dessus tout voir aboutir les recherches. Nick Lampson (D-Texas) a déclaré que la NASA semblait s’être écartée de sa priorité scientifique puisque l’équipage de la station ne consacre que 3 heures par semaine à des activités scientifiques (cela dit, de nombreuses expériences ne nécessitent pas d’intervention humaine régulière).

Le second panel, composé de Bill Gerstenmaier – Responsable des Opérations Spatiales à la NASA , Cristina Chaplain de la GAO (Government Accountability Office) et de Jeffrey Sutton – Directeur du National Space Biomedical Research Institute -, a ensuite été interrogé. La question de la fin de la construction de la station et de son ravitaillement a alors monopolisé le débat, d’autant que les navettes spatiales seront clouées au sol après 2010, c’est-à-dire après l’achèvement de la station si tout se passe comme prévu.

Bill Gerstenmaier a rappelé la stratégie de la NASA qui fait confiance au respect du planning des 8 derniers vols de navettes pour finir la station avant de compter sur les véhicules de ravitaillement européens ATV et japonais HTV et sur les véhicules commerciaux issus des COTS (Commerciel Orbital Transportation Services) pour acheminer ressources et matériel sur la station après 2010.

Cependant, Ms Chaplain a mis en doute la réussite de la stratégie de l’agence étant donné le peu de place pour des retards éventuels (dus à des éléments non contrôlables comme la météo lors des lancements par exemple) ou pour le moindre incident technique puisque le planning de la construction finale est particulièrement serré. Le moindre retard pourrait entraîner une redéfinition de la séquence d’assemblage et même mettre en péril l’utilisation de la station en tant que laboratoire.

La représentante de la GAO a aussi indiqué que le ravitaillement de la station et la rotation des membres d’équipage seraient des défis pour l’agence une fois les navettes hors-service au sol puisque les cargos existants – ou à l’étude – ont des capacités bien moindres. Elle a également précisé qu’aucun système ne permettrait de ramener sur Terre du matériel après 2010.

Le chairman Marc Udall (D-ém./Colorado) a souligné la nécessité des 2 vols de navettes additionnels prévus dans le budget de l’agence pour apporter des ressources de réserve à la station en vue de la période post-shuttle. Gerstenmaier a précisé que l’agence attendait l’approbation de l’Office of Management and Budget de la Maison Blanche à ce sujet.

Par ailleurs, répondant à des questions sur le prolongement de la durée de vie de la station, Gerstenmaier a déclaré que rien avait été fait pour empêcher une utilisation de l’ISS après 2016 mais qu’il faudrait anticiper au plus vite les risques de problèmes futurs causés par le vieillissement des modules.

L’Administrateur adjoint de la NASA a ensuite plaidé en faveur de l’allègement des restrictions apportées par les lois de Non-Prolifération INKSA (Iran-North-Korea-Syria Nonproliferation Act). En effet, les compagnies américaines privées du programme COTS qui utilisent des composants russes pourraient avoir des difficultés à développer leurs systèmes à cause de cette loi – par exemple, le moteur de la fusée Taurus 2 d’Orbital Sciences, une des 2 entreprises ayant reçu des fonds dans le cadre des COTS est le moteur russe NK-33. Un retard du développement des capacités de ravitaillement privées américaines pourrait être critique pour l’approvisionnement de l’ISS.

Enfin, le système AMS (Alpha-Magnetic Spectrometer), fruit d’une collaboration scientifique de 16 pays qui devait embarquer sur une navette pour rejoindre l’ISS a encore été évoqué par le Congressman Nick Lampson. Gerstenmaier a confirmé que le planning des vols de navettes restants ne laissait aucune opportunité de faire voler AMS et qu’une telle expérience nécessitant de la puissance à bord, des données , et un sytème de refroidissement, ne pouvait être introduite dans les plans de la station. Lampson a rappelé que ce vol représentait un engagement de l’agence et a déclaré que l’abandon d’AMS desservait la réputation américaine sur la scène internationale.

Avant de clore la session, le Chairman Udall a voulu en savoir plus sur l’incident du dernier vol Soyouz ramenant l’équipage de l’expédition 16 sur Terre. Il a exprimé son inquiétude au sujet de la fiabilité de la capsule russe qui représentera le seul moyen de transport d’équipes humaines vers l’ISS après 2010.

Source :

– House Science and Technology Committee, 24/04/2008 – https://science.house.gov/press/PRArticle.aspx?NewsID=2167
– Florida Today, 25/04/2008 – https://www.floridatoday.com/apps/pbcs.dll/article?AID=/20080425/NEWS02/804250333/1007/news02
– Houston Chronicle, 24/04/2008 – https://www.chron.com/disp/story.mpl/space/5729319.html

Rédacteur :

François Didelot [email protected]

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