Avec les pesticides, les rhizomes rient jaunes

L’application de pesticides organochlorés serait une des causes des rendements décroissants observés dans les récoltes de l’agriculture industrielle. Sur la base de tests in vivo réalisés sur la luzerne (Medicago sativa, en anglais : alfalfa), le Dr Jennifer Fox de l’université de Tulane et ses collègues mettent en évidence le rôle perturbateur de certains pesticides sur la fixation de l’azote par les légumineuses. Il en résulterait un enrichissement moindre des sols en azote et des rendements plus faibles pour les cultures qui succèdent aux légumineuses dans les plans de rotation.

Les scientifiques ont soumis des plans de luzerne précédemment inoculés avec la rhizobactérie spécifique de ce végétal, Sinorhizobium meliloti, à divers pesticides organochlorés d’usage courant ou interdits, mais encore présents dans certains sols : chrysine, méthyl parathion, DDT, bysphénol, pentachlorophénol. Ils ont constaté, après 4 à 6 semaines, une forte diminution du nombre de nodules fixateurs d’azote atmosphérique (rhizomes), de la nitrogénase (réaction médiatisée par les enzymes produites par les bactéries symbiotiques et qui transforme l’azote gazeux en ammoniac), de la biomasse et du rendement (jusqu’à 30%).

Selon les scientifiques, les pesticides testés perturberaient la communication entre la plante légumineuse et les bactéries symbiotiques spécifiques. Le recrutement des bactéries qui initient la nodulation s’opère en effet par signalisation chimique. La légumineuse émet dans le sol des substances phytochimiques stimulatrices d’une bactérie spécifique et inhibitrices ou antagonistes des autres. Ce processus de signalisation serait perturbé par les pesticides. Pour éviter ces effets néfastes, sur les légumineuses comme sur les cultures qui leur succèdent, il conviendrait donc de sélectionner des produits phytosanitaires qui laissent indemnes le métabolisme initial des légumineuses.

Dans les 40 dernières années, la consommation mondiale de fertilisants azotés a été multipliée par 7 (par 2 aux Etats-Unis), celle des pesticides par 3. A pratiques agricoles constantes, les deux devraient encore être multipliées par 3 d’ici 2050 pour répondre à un doublement des besoins alimentaires, sans compter les besoins énergétiques croissants et qui provoquent actuellement des tensions sur les marchés des commodités agricoles. Les légumineuses sont des cultures particulièrement importantes aux Etats-Unis qui sont les premiers producteurs mondiaux de luzerne (275 millions de tonnes sur 460 en 2005) et de soja (Glycine max, 84 millions de tonnes sur 214).

Source :

https://pubs.acs.org/subscribe/journals/esthag-w/2007/june/science/rr_nitrate.html
– Jennifer E. Fox, et al., Pesticides reduce symbiotic efficiency of nitrogen-fixing rhizobia and host plants, PNAS, June 12 2007, vol. 104, no. 24, 10282-10287
https://www.pnas.org/cgi/reprint/104/24/10282 (texte intégral)

Pour en savoir plus, contacts :

– Utilisation des fertilisants aux USA : https://www.ers.usda.gov/Data/FertilizerUse/
– Base de données statistiques de la FAO : https://faostat.fao.org/site/291/default.aspx
– Biocarburants ou nourriture ? https://deltafarmpress.com/biofuels/061107-ethanol-grain/
https://www.businessweek.com/magazine/content/07_06/b4020093.htm
Code brève
ADIT : 43424

Rédacteur :

Philippe Jamet, [email protected] – Jean-Pierre Toutant, [email protected]

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