Bientôt un médicament oral contre la COVID-19 ?

L’administration Biden prévoit d’investir 3,2 milliards de dollars dans un programme visant à accélérer la recherche et le développement de traitements antiviraux qui pourraient être disponibles au public d’ici la fin de l’année.

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Au total, 317,9 millions de doses de vaccin contre la COVID-19 ont pu être administrées sur le territoire des Etats-Unis à ce jour. Cela représente 177,1M de personnes qui ont reçu au moins 1 dose (soit 53,3% de la population) et 149,7M de personnes qui sont complètement vaccinées (45,1% de la population). Pour autant, 300 personnes ont encore succombé à la maladie rien que la semaine dernière.[1]

Dans le cadre de l’American Rescue Plan[2], l’administration de Biden prévoit d’investir 3,2 milliards de dollars dans un programme visant à accélérer la découverte, le développement et la fabrication de médicaments antiviraux contre la COVID-19.[3]

 

Un programme donnant de l’espoir sur les investissements à venir

 Ce plan,  annoncé par le Ministère de la Santé et des Services Sociaux (Human Health Services – HHS) et nommé Antiviral Program for Pandemics, soutiendra la recherche afin d’identifier et d’accélérer la mise à disposition de solutions thérapeutiques et garantir au public l’accès à ces médicaments.

Ce nouveau programme contribuera notamment à accélérer les essais cliniques de quelques médicaments candidats prometteurs. Si tout se passe bien, certains d’entre eux pourraient être prêts d’ici la fin de l’année. Le Antiviral Program for Pandemics soutiendra également la recherche de médicaments entièrement nouveaux, non seulement pour le coronavirus, mais aussi pour les virus qui pourraient causer de futures pandémies.[4]

Anthony S. Fauci, Directeur de l’Institut National des Allergies et des maladies Infectieuses (NIAID) des NIH, et David Kessler, responsable scientifique de la task force COVID-19 de l’administration Biden, ont commencé à réfléchir à cette idée à la fin de l’année dernière avec l’émergence de variants du SARS-Cov-2 qui entrave la lutte contre la pandémie. « L’objectif est de redynamiser le programme antiviral du pays au cours des trois à cinq prochaines années. Ce qui est devenu plus clair, au fur et à mesure que la pandémie se précise, c’est que nous devons le faire cet automne », a déclaré M. Kessler.[5]

« Grâce à des collaborations multidisciplinaires entre des scientifiques de premier plan du monde universitaire et de l’industrie, cet investissement de l’American Rescue Plan pour créer ce nouveau programme contribuera à stimuler l’innovation médicale en s’appuyant sur l’extraordinaire succès que nous avons connu dans le développement des vaccins anti-COVID-19″, a déclaré M. Fauci.[6]

L’Operation Warp Speed (rebaptisée Countermeasures Acceleration Group par l’administration Biden), le programme de l’administration Trump visant à accélérer la recherche sur le COVID-19, a investi beaucoup plus d’argent dans le développement de vaccins que dans les autres traitements, une lacune que le nouveau programme tentera de combler.

Lors d’une interview que j’ai pu mener vendredi dernier auprès de Kara Carter, vice-présidente exécutive chez Dewpoint Therapeutics, et Ann Kwong, conseillère scientifique chez Virokine Therapeutics, elles m’ont confié à quel point elles étaient optimistes vis-à-vis de ce nouveau programme, ces financements pouvant inciter les investisseurs à élargir leurs portefeuilles dans ce domaine.

 

Un partenariat public-privé pour sauver encore plus de vies

Grâce aux actions menées au sein du Département américain du HHS, impliquant notamment deux de ses opérateurs, le NIAID-NIH et la Biomedical Advanced Research and Development Authority (BARDA), qui fait partie du HHS Office of the Assistant Secretary for Preparedness and Response (ASPR), ce plan répondra au besoin urgent d’antiviraux pour traiter la COVID-19 en accélérant la disponibilité de médicaments pour prévenir les formes graves et sauver des vies. Il permettra également de créer des plates-formes pérennes pour la découverte et le développement d’antiviraux contre d’autres virus à potentiel pandémique, contribuant ainsi à mieux préparer la nation à faire face aux futures menaces infectieuses.

Le plan prévoit plus de 300 millions de dollars pour la recherche et le soutien aux laboratoires, près d’un milliard de dollars pour l’évaluation préclinique et clinique, et près de 700 millions de dollars pour le développement et la fabrication par l’intermédiaire du NIAID et de la BARDA.

Il accélèrera et étendra les efforts actuels de l’administration pour soutenir les essais cliniques visant à tester les médicaments candidats prioritaires pour la COVID-19 et pour soutenir le développement avancé des thérapies les plus prometteuses. Grâce à un partenariat public-privé sans égal appelé ACTIV[7] (Accelerating COVID-19 Therapeutics and Vaccines), 19 candidats ont été identifiés et classés par ordre de priorité pour être testés dans le cadre d’essais cliniques sur des patients en  ambulatoire et hospitalisés atteints du COVID-19.

Concernant l’arrivée de ces médicaments sur le marché, les avis divergent. Selon Anthony Fauci et Kara Carter, certains devraient être disponibles d’ici la fin de l’année, mais selon Ann Kwong, il faudra encore un an pour terminer les essais cliniques, déposer une demande d’autorisation européenne et obtenir son approbation.

« De nouveaux antiviraux qui préviennent les formes graves et les décès dus à la COVID-19, en particulier des médicaments oraux qui pourraient être pris à domicile au début de la maladie, seraient des outils puissants pour lutter contre la pandémie et sauver des vies », a déclaré le Dr Anthony Fauci.

 

De premiers essais laborieux et d’autres plus prometteurs

Au début de la pandémie, les chercheurs ont commencé à tester les antiviraux déjà existants sur des personnes hospitalisées pour des cas graves de COVID-19 comme l’hydroxychloroquine (un antipaludéen), le lopinavir et le ritonavir (des médicaments contre le VIH) et l’ivermectine (un antiparasitaire), mais beaucoup de ces essais n’ont pas montré de résultats probants. L’une des raisons est qu’ils ont été testés à un stade beaucoup trop avancé de la maladie. Les scientifiques savent maintenant que le meilleur moment pour tenter de bloquer le SARS-Cov-2 est dans les premiers jours de la maladie, lorsqu’il se réplique rapidement et que le système immunitaire n’a pas encore initié son système de défense [8].

De nombreuses personnes surmontent leur infection et se rétablissent, mais chez d’autres, le système immunitaire dysfonctionne et endommage les tissus de l’hôte au lieu des virus. Ce sont ces réactions qui conduisent de nombreuses personnes atteintes de COVID-19 à l’hôpital alors que la réplication du coronavirus s’atténue. Ainsi, un médicament qui bloque la réplication au début de l’infection pourrait très bien échouer dans un essai sur des patients qui ont progressé vers des stades plus avancés de la maladie.

Des chercheurs du monde entier testent d’autres antiviraux déjà connus pour leur efficacité. L’un de ces composés, appelé molnupiravir, a été mis au point en 2019 par des chercheurs de l’université Emory et a été testé contre des virus, notamment celui de la grippe et le virus de l’encéphalite équine vénézuélienne. En partenariat avec Ridgeback Biotherapeutics de Miami, l’équipe d’Emory a mené des expériences sur des souris qui ont été si prometteuses que Merck a approché l’équipe pour que le médicament fasse l’objet d’essais cliniques chez l’homme pour la COVID-19. « Nous avons pensé que cette molécule était vraiment étonnante », a déclaré Daria Hazuda, vice-présidente de la recherche sur les maladies infectieuses et les vaccins chez Merck.

Cependant, dans un essai sur des patients hospitalisés, le molnupiravir n’a semblé avoir aucun effet sur la maladie. En avril, les deux entreprises ont annoncé qu’elles abandonnaient l’essai.

Toutefois, elles ont démarré une deuxième étude l’automne dernier, cette fois-ci pour tester le médicament sur des personnes récemment diagnostiquées avec la COVID-19. Cet essai se poursuit, et Merck recrute des volontaires présentant un risque d’infection plus élevé, comme des personnes âgées souffrant d’obésité et de diabète. Selon Mme Hazuda, l’essai devrait donner des résultats d’ici octobre.

Le ministère de la santé et des services sociaux a d’ores et déjà annoncé qu’il achèterait à Merck 1,7 million de doses de molnupiravir pour un coût de 1,2 milliard de dollars, si l’essai en cours est concluant et débouche sur une autorisation de mise sur le marché de la Food and Drug Administration. Le gouvernement pourrait chercher à conclure des accords similaires pour deux autres antiviraux dont les essais cliniques sont bien avancés, selon le Dr David Kessler, responsable scientifique de l’équipe de réponse au COVID-19 de l’administration Biden.

L’un des deux autres antiviraux dans le viseur du gouvernement est l’AT-527, développé par Atea Pharmaceuticals. Ce composé s’est déjà révélé sûr et efficace dans le traitement de l’hépatite C, et les premières études ont suggéré qu’il pourrait également être efficace contre la COVID-19. Roche s’est associée à Atea pour le tester chez l’homme, et les deux sociétés mènent actuellement un essai clinique de phase avancée. [9]

Le deuxième antiviral a été créé par des scientifiques de Pfizer, à partir d’une molécule initialement conçue au début des années 2000 comme un médicament potentiel contre le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère). Ce médicament était resté sur les étagères pendant des années, mais au printemps dernier, les scientifiques ont décidé de modifier sa structure pour qu’il puisse agir contre la protéase du nouveau coronavirus. Plus de 200 chercheurs de Pfizer ont uni leurs efforts pour mettre au point la molécule, connue pour l’instant sous le nom de PF-07321332.

Le médicament avait été conçu pour être administré par voie intraveineuse, mais les chercheurs de Pfizer ont réussi à modifier sa structure pour qu’il fonctionne sous forme de comprimés. Lorsque le médicament a été administré à des souris par voie orale, il a atteint des niveaux suffisamment élevés dans l’organisme pour bloquer le cycle du SARS-Cov-2. Pfizer a lancé un essai clinique en mars pour étudier son innocuité chez l’homme et prévoit de passer à une phase d’essai ultérieure le mois prochain.

Face à ces résultats encourageants, Kara Carter est plutôt optimiste vis-à-vis de ces différentes pistes. Pour Ann Kwong, il est encore trop tôt pour s’avancer sur quoi que ce soit, les essais précliniques pouvant donner des résultats probants mais qui, à des stades plus avancés, se révèlent finalement peu ou pas suffisamment efficaces.

 

Des recherches scientifiques effectuées pour de futures épidémies

Même si la prochaine génération de comprimés n’arrive pas avant quelques années, de nombreux scientifiques affirment que cet effort de recherche sera un bon investissement pour l’avenir. « Elle pourrait aider à faire face à cette pandémie et à fournir potentiellement une première ligne de défense pour la prochaine », a déclaré Mark Namchuk, directeur de la therapeutic translation à la faculté de médecine de Harvard.

Le programme soutiendra non seulement la recherche sur les molécules qui agissent contre les coronavirus, mais aussi contre d’autres agents pathogènes à haut risque, tels que les flavivirus, responsables de maladies comme la dengue et la fièvre du Nil occidental, et les togavirus, responsables de maladies transmises par les moustiques comme le chikungunya et l’encéphalite équine orientale.

« Il y aura toujours une menace », a déclaré le Dr Fauci. « Je pense qu’il y aura un besoin à long terme de ces médicaments ».

 

Rédactrice

Céline DUCLOS, Attachée adjointe pour la Science et la Technologie – Consulat Général de France à Boston, [email protected]

 

 

[1] Chiffres en date du 21 juin communiqués par l’Ambassade de France de Washington DC.

[2]  Ce projet de loi fournit une aide supplémentaire aux américains pour faire face à l’impact continu du COVID-19 sur l’économie, la santé publique, les gouvernements des États et des collectivités locales, les particuliers et les entreprises.

[3] https://www.hhs.gov/about/news/2021/06/17/biden-administration-invest-3-billion-american-rescue-plan-as-part-covid-19-antiviral-development-strategy.html?utm_source=STAT+Newsletters&utm_campaign=11e12cba46-MR_COPY_02&utm_medium=email&utm_term=0_8cab1d7961-11e12cba46-151008129

[4] https://www2.bostonglobe.com/2021/06/17/nation/pill-treat-covid-19-us-is-betting-it/?p1=BGSearch_Overlay_Results

[5] https://www.washingtonpost.com/health/2021/06/17/drugs-for-covid/

[7] Action mise en place dès avril 2020 sous la précédente administration

[8] https://www.nytimes.com/2021/06/17/health/covid-pill-antiviral.html?referringSource=articleShare

[9] Mise à jour du 02/07/2021 : Selon un communiqué de presse datant du 30 juin (https://www.fiercebiotech.com/biotech/roche-and-atea-s-small-early-data-peek-sees-experimental-covid-drug-slash-viral-load), des essais cliniques de phase 2 ont montré une bonne réduction de la charge virale chez les patients infectés par le Covid-19 en utilisant ce traitement.

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