Impacts du COVID-19 sur l’agriculture américaine

Pour les États dans lesquels le poids de l’activité de production agricole et de transformation est supérieur à 5%, notamment ceux du Midwest et du sud-est, les mesures de confinement dues à la pandémie ont eu un impact significatif.

Afin de lutter contre la rapide expansion de l’épidémie, les États américains, dans leur majorité ont exhorté aux citoyens de rester chez eux (« Stay at Home Order »). Seuls les déplacements essentiels pour satisfaire les besoins de bases ont été autorisés. Dès lors, seuls les magasins de premières nécessités ont reçu l’autorisation de poursuivre leur activité et recevoir du public. Bien que ces décisions semblent porter leurs fruits sur un plan sanitaire, elles engendrent de nombreuses conséquences économiques dont le secteur agricole n’échappe pas.

Le secteur agricole et agro-alimentaire américain dans sa globalité représentait 1 053 Mds$ en 2017 soit 5,4% du PIB des États-Unis. L’activité de production et de transformation constituait un peu moins de la moitié de cette valeur (470 Mds$).

Bien qu’elle constitue une faible part du PIB à l’échelle fédérale, le poids de l’activité de production et de transformation diffère en fonction des États. Pour les États à dominance agricole, notamment ceux du Midwest et du sud-est, la part de ce secteur est supérieure à 5% et dépasse même les 10% de leur PIB pour certains (Dakota du Sud 10%, Iowa 11%, Nebraska 12%).

Au fil des ans le comportement alimentaire des Américains s’est transformé. Depuis 2010, le montant alloué par les américains dans la nourriture consommée en dehors du foyer dépasse celui concernant la nourriture consommée à la maison. Or, avec la fermeture de la quasi-totalité des restaurants, ce mode de consommation s’est brusquement modifié. Les achats de produits bruts en supermarché s’est fortement accru.

Impacts directs sur les filières

La crise du SARS-CoV-2 touche tous les pans du secteurs agricole et agro-alimentaire. Les conséquences se caractérisent par une baisse de la consommation, une perte de débouchés, une chute des prix sur les marchés, une diminution de la main-d’œuvre disponible et des difficultés logistiques. L’intensité de celles-ci varie en fonction des productions.

Bioéthanol

A l’échelle nationale, le secteur le plus touché, bien que para-agricole est celui du bioéthanol. Le confinement a entrainé une diminution drastique de la consommation de pétrole au plus bas niveau depuis 50 ans conduisant à une explosion des stocks et une baisse soudaine du cours du pétrole et, par répercutions celui du bioéthanol. En réponse à la surproduction et la baisse des cours, les producteurs de bioéthanol se sont vus contraints de réduire ou de cesser leur activité (48% de la capacité de production était à l’arrêt en avril).

La crise, en plus d’engendrer des pertes économiques liées à la chute du cours du bioéthanol et à la baisse d’activité, a un double impact sur le secteur agricole. Premièrement, en laissant sur le marché de grandes quantités de maïs pour lequel il sera difficile de trouver de nouveaux débouchés à court terme. En effet, selon le Département de l’Énergie (DOE), 38% du maïs produit aux USA a été transformé en bioéthanol en 2018 (140 Mt).

Deuxièmement, en limitant la production de drèche à destination des éleveurs. Les drèches sont les résidus issus de la distillation du grain en éthanol. Ce coproduit représente une bonne source de protéines pour l’alimentation animale. Les éleveurs assistent donc à une diminution de la disponibilité de drèches et en conséquence une augmentation de son prix.

Au cours du mois d’avril, les prix des drèches séchées (Iowa) ont atteint un maximum de 200 $/sh tn (short ton = 207 kg) contre 140 $/sh tn avant la crise). Néanmoins, ces tendances peuvent s’inverser à mesure de la reprise des cours du pétrole et de la production d’éthanol. Les cours repartant légèrement à la hausse depuis le début du mois de mai, on constate une diminution des cours des drèches autour des 160 $/sh tn fin mai.

Maraichage

Avec la fermeture des restaurants, des cantines scolaires et des complexes hôteliers et l’arrêt du secteur du tourisme et des croisières, la filière des cultures spécialisées a perdu ses principaux débouchés. En effet, les américains consomment principalement leurs légumes en dehors de leurs foyers. Ils sont moins enclins à les consommer chez eux car jugés contraignant à préparer.

De nombreux exploitants se sont retrouvaient dans une impasse. Ils se sont vus dans l’impossibilité d’écouler leur production due à la brusque disparition de leurs principaux débouchés. Par ailleurs, nombreux sont ceux qui ne pouvait pas expédier leur récolte vers le commerce de détail car celui-ci n’était pas en capacité d’absorber cet afflux massif de marchandises. D’autant plus que les conditionnements ne sont pas les mêmes. Les agriculteurs ne disposaient pas des moyens techniques nécessaires pour adapter le conditionnement à des formats consommateurs.

Nombreux ont été contraints de détruire leurs productions engendrant des pertes économiques non négligeables. Ainsi, à travers le pays les images de destruction de choux, haricots verts, salade, oignons, pomme de terre se succédèrent. La United Fresh Produce Association qui représente la filière estimait la perte causée par le COVID-19 le mois précédent à 1 Mds$ chaque semaine. A ce jour, les principaux États touchés sont la Floride et la Californie. Ce sont eux qui fournissent en majorité les fruits et les légumes durant la période hivernale. Ils estiment respectivement les pertes causées à 1 Mds/$ et 500 M$ au cours du mois d’avril. La crise devrait ensuite se décaler vers les prochains États à rentrer en production comme la Géorgie et la Caroline du Sud.

Enfin, le manque de main d’œuvre se fait cruellement ressentir dans la filière. Certaines récoltes ne sont pas mécanisables et nécessitent un fort besoin d’employés. Pour diverses raisons (peur, délais allongés ou arrêt dans les délivrances de visas, maladie, garde des enfants) un grand nombre d’exploitants ne parviennent plus à recruter suffisamment d’ouvriers et ne sont plus capables d’assurer les récoltes.

Filière laitière

La fermeture des écoles a entrainé la perte des principaux consommateurs de lait dans le pays. A cette période de l’année les vaches sont en pleine lactation et la production de lait est donc à son maximum. Là encore, de nombreux États sont touchés dont notamment le Wisconsin et l’Ohio. Au plus fort de la crise, la surproduction est estimée à 10% par l’International Dairy Foods Association. Cette part fut jetée car difficilement transformable en produits stockables tels que le beurre, le fromage ou le lait en poudre (14 millions de litres par jour selon Dairy Farmers of America). Cette action requiert des ajustements dans la chaine logistique et de transformation et ne ferait que décaler la surproduction vers ces produits.

Contrairement à d’autres productions il est impossible de la mettre en arrêt. Les charges des producteurs laitiers ne peuvent être diminuées. Dans le même temps ils ont assisté à une baisse de 40% de la valorisation du lait sur le marché entre février et avril (11 $/cwt (hundredweight ≈ 45 kg) fin avril contre 17 $/cwt début février). A ce jour, les cours ont légèrement augmenté mais se maintiennent autour de 12 $/cwt.

La crise pourrait avoir de lourdes conséquences sur la filière si elle perdure, d’autant que cette dernière ayant été fragilisée par des années de faibles prix du lait et de nombreuses faillites.

Filière animale

Comme pour les autres productions, la restauration hors foyer représentait une part importante en termes de débouchés pour les produits carnés. L’afflux massif de carcasses sur le marché a engendré une forte baisse des cotations sur les marchés (de 25 à 45% en fonction des espèces animales).

Pour contrer ces effets, les industriels ont eu recourt à la surgélation d’une partie des excédents. De leur côté, les éleveurs notamment porcins ont dû abattre une partie de leur cheptel sur leurs exploitations à cause de la fermeture des abattoirs. Ces procs n’ont pu être destiné à l’alimentation humaine et ont représentait une perte sèche pour les exploitants. Ils limitent également le nombre de têtes en engraissement.

La crise sanitaire impacte directement les ateliers d’abatage, de découpe et de transformation des pièces de viande. Le secteur est fortement concentré aux États-Unis. Le pays est constitué de grandes usines qui accueillant un nombre important d’ouvriers. Malgré les plaintes de nombreux employés quant au manque de mesures et de moyens de protection contre le virus, la plupart ont continué à opérer dans ces conditions.

En conséquence, une grande part d’entre eux ont accueilli des employés contaminés et ont constitué de véritables clusters. Par exemple 800 employés ont testé positif au coronavirus dans une usine de transformation de porc de Smithfield à Sioux Falls (Dakota du Sud). Dans l’Iowa, 58% des employés d’une usine Tyson Foods et 900 travailleurs de la même compagnie dans l’Indiana ont testé positif au Covid-19.

En réponse, beaucoup d’unités d’abattage et de découpe ont dû fermer, réduisant d’un quart la production de viande du pays fin avril. Pour éviter une pénurie de l’offre, la Présidence américaine a eu recourt au Defense Production Act pour ordonner le maintien de l’activité durant la pandémie. Dans le même temps, l’USDA a établi une liste non contraignante de recommandations afin d’améliorer la sécurité des employés.

Les usines ont pour la plupart rouverte, mais ces mesures ne font pas l’unanimité auprès des employés et des syndicats qui sont peu enclins à travailler dans ces établissements. Une famille en Pennsylvanie a même intenté un procès à JBS slaughterhouse car un de ses membres employés est décédé du coronavirus. Depuis le début de la pandémie, 18 244 employés des usines d’abattage et de découpe ont été contaminés et 67 sont décédés.

Filière céréalière

Le secteur des céréales semble moins touché à ce stade par les conséquences du coronavirus, même si les agriculteurs s’inquiètent des effets collatéraux liée au coronavirus. Les marchés du maïs et du soja ont connu une baisse de leurs cotations due à la diminution de production de biocarburants et des échanges à l’export. Bien que les céréales puissent être stockés, il représente un coût pour les exploitants. Pour ceux qui n’aurait pas vendu leurs stocks avant la crise, le coût de stockage et la perte de valeur pourrait conduire à des pertes importantes de revenu.

Cette baisse de liquidité serait susceptible d’impacter la capacité des céréaliers à entamer la saison 2020 et supprimer le filet de sécurité qu’ils s’étaient constitué. Par ailleurs, le manque de main d’œuvre risque d’impacter la saison des semis.

Mesures mises en place

Mesures économiques

Afin d’endiguer les pertes économiques du secteur agricole un plan de soutien de 19,5 Mds$ a été décrété (CARES Act) le 27 mars 2020. Il comprend :

  • 3 Mds$ de rachat de surplus de denrées périssables (lait, fruits et légumes, viande) à hauteur de 100 M$ par mois pour chaque catégorie ;

  • 16 Mds$ en paiements directs aux exploitations dont 5,1 Mds$ destinés à l’élevage bovin, 2,9 Mds$ pour la filière lait, 1,6 Mds$ pour la filière porcine, 3,9 Mds$ pour les grandes cultures, 2,1 Mds$ pour les cultures spécialisées et 0,5 Mds$ alloués aux autres cultures.

Ces différents plans, bien qu’appréciés, sont jugés insuffisants par les acteurs de la filière agricole et agro-alimentaire. Les paiements directs sont plafonnés à hauteur de 125 000$ par culture et 250 000$ par exploitation. Ces aides ne sont pas équitables car elles ne prennent pas en compte les coûts de production qui diffèrent grandement d’une culture à l’autre.
Par exemple, ils s’élèvent à 700$/acre pour le soja contre 4000$/acre pour le chou. Ces aides risques d’être insuffisantes pour les structures les plus touchées par la crise et dont les coûts de production sont les plus élevés (filière maraîchage et laitière).

Les plans de rachats subissent également des critiques. Les prix d’achat par l’USDA se calent sur les prix du marché actuel. Ces prix étant inférieurs à la normale, ils ne permettent pas de compenser les pertes de revenus.

Un autre plan d’aide économique de 484 Mds$ consistant à l’octroi de prêts aux PME (tous secteurs confondus agricoles ou non) a été votée le 23 avril (Economic Injury Disaster Loan). Les entreprises du secteurs agricoles n’étaient pas spécifiquement concernées par cette mesure et peu étaient éligibles. Face à l’ampleur du besoin du secteur, le Gouvernement a élargi l’éligibilité du plan le 4 mai à toutes les PME agricoles et agroalimentaires.

L’Administration Trump a également donnée accès au programme de soutien de versement des salaires de ces entreprises (Paycheck Protection Plan).

Ces différents plans, bien qu’appréciés, furent jugés insuffisants par les acteurs de la filière agricole et agro-alimentaire.

L’USDA a également mis en place un plan de 1,2 Mds$ de rachat de surplus de produits agricoles à destination des banques alimentaires et des organisations caritatives (Farmers to Families Food Box). Le budget alloue 461 M$ pour les fruits et légumes, 317 M$ pour les produits laitiers, 258 M$ pour les produits carnés et 175 $ pour la production de boîtes contenant l’ensemble de ces produits. Néanmoins, le choix de certaines entreprises comme prestataires dans la réalisation de ce programme fait débat. Certaines entreprises choisies n’ont aucune compétence dans le domaine alimentaire ou caritatif. Par exemple, une entreprise organisant des mariages luxueux et des conférences à San Antonio ou encore une société californienne spécialisées dans la finance se sont vues offrir des contrats.

Un nouveau plan d’aide massif a été voté le 15 mai (HEROES Act) et alloue de nombreuses aides pour le secteur.

Ce plan prévoit notamment :

  • 16,5 Mds$ de paiements directs aux exploitations agricoles. Les versements sont plafonnés à 250 000 $ par exploitation individuelle et 750 000 $ par coopérative ou structure à plusieurs actionnaires. Le plafond par culture a été supprimé. La principale préoccupation des exploitants est la peur que les fonds soient épuisés par les grosses compagnies et que certains exploitants soient lésés. Pour cela, les bénéficiaires recevront une première tranche de 80% de leurs allocations. Le reste sera versé à l’automne si le fond n’est pas épuisé ;

  • Une aide pour le secteur du bioéthanol. Les unités de production toucheront une aide de 0,45 $/gallon de bioéthanol produits entre le 1er janvier et le 1er mai 2020. Les usines qui ont été à arrêt recevront cette aide également. L’USDA prendra en compte 50% de la production du site sur la même période en 2019 ;

  • 0,5 Mds$ pour la filière laitière afin d’inciter la transformation du surplus du lait en produits laitiers à destination des banques alimentaires ;

  • L’augmentation de 15% du SNAP (Supplemental Nutrition Assistance Program) qui octroi des bons alimentaires. La valeur minimale du bon sera de 30 $ ;

  • 25 M$ au Farm to Food Bank Program pour prendre en charge les coûts des agriculteurs pour la récolte, la transformation, le conditionnement et le transport de leur production donnée aux banques alimentaires.

Mesures réglementaires

En vue de faciliter la réorientation des produits de la restauration vers le commerce de détail et de limiter les pertes alimentaires, le cadre réglementaire a été temporairement assoupli. Les nouvelles mesures sont les suivantes :

  • Exemption de l’obligation d’étiquetage nutritionnel pour les produits bruts vendus par les restaurants et pour les produits carnés redirigés de la restauration vers le commerce de détail ;

  • Exemption de l’obligation d’indication du pays d’origine pour les produits agricoles initialement destinés à la restauration redirigés vers le commerce de détail ;

  • Exemption de l’étiquetage des calories pour les plats à emporter vendus par les restaurants ;

  • Assouplissement des normes de classement des œufs pour permettre leur réorientation de la restauration vers les supermarchés.

Les risques encourus par l’agriculture à court et moyen termes

A ce stade, il est difficile d’estimer les conséquences réelles sur la filière agricole et la chaine alimentaire. La situation n’ayant pas de précédent comparable, elle rend les prévisions post-pandémie des impacts du coronavirus difficilement appréciables. De nombreuses incertitudes planent encore quant à la durée de l’épidémie, la période de réouverture complète du pays, la reprise économique ou le niveau d’intervention du gouvernement.

A l’heure actuelle la principale préoccupation pour maintenir la continuité de la chaîne d’approvisionnement repose sur le facteur humain. Un manque trop important d’employés pourrait aboutir à une cassure dans un ou des maillons de la chaîne (production, transformation, acheminement). Elle conduirait à une pénurie plus ou moins prononcée de certains produits.

Ensuite, si la situation de crise sanitaire et économique perdure et/ou s’accentue elle occasionnerait des impacts sévères sur la filière. Les pertes financières engendrées par la situation actuelle risquent de consommer la totalité de la trésorerie possédée par les exploitations et d’anéantir les recettes prévues.

Les exploitations déjà en difficulté financière et affaiblies par la guerre économique entre la Chine et les Etats-Unis couplée aux problématiques conjoncturelles actuelles pourraient ne pas se relever. De plus, le manque de trésorerie limiterait la capacité des exploitations à réaliser les campagnes futures. Elles devraient alors se tourner vers l’emprunt. Les taux d’emprunt, de même que les primes d’assurance sont susceptibles d’augmenter dans les mois à venir. Par ailleurs, le manque d’aisance financière devrait conduire la filière à limiter ses investissements impactant les co-acteurs dont les équipementiers (machines et outils). Ces derniers subissent déjà les conséquences de l’augmentation des taxes douanières sur les importations d’acier chinois. Pour finir, il est également envisageable que les exploitations soient victimes d’une baisse de leur valorisation.

Tous ces éléments constituent des menaces sérieuses pour le secteur et pourraient conduire à d’importants problèmes structurels.

Conclusion

Les conséquences engendrées par la fermeture des activités jugées non essentielles ont eu d’importantes répercussions sur l’ensemble de la filière agricole. L’Agriculture étant un secteur à forte inertie, le caractère brusque et imprévisible de la situation a rendu toute adaptation à très court terme impossible. Les principales conséquences sont la disparition des principaux lieux de consommation alimentaire (restaurants, cantines, hôtels, lieux de loisirs) et de la baisse de consommateurs due à l’arrêt du tourisme et des croisières, en autre.

Ces éléments ont engendré une baisse de la consommation alimentaire et une offre soudaine et massive sur le marché conduisant à la chute des prix. Même si dans le même temps, la consommation à domicile et l’achat de denrées alimentaires dans les supermarchés a augmenté, elle ne permet pas de compenser la diminution de consommation. Par ailleurs, des contraintes techniques et logistiques empêchent le transfert et l’absorption des productions destinées à la restauration hors foyer vers les supermarchés. Il est également difficile d’évaluer le coût du renforcement des mesures d’hygiène pour éviter le risque de contamination des produits alimentaires.

Une autre conséquence provoquée par la crise sanitaire est le manque d’ouvriers disponibles. Ce manque de main d’œuvre occasionné par la peur de contracter le virus et la limitation de délivrance de visas aux travailleurs étrangers déstabilisent toute la filière. Les ouvriers manquent pour la récolte, la transformation et la distribution des produits. Bien que le CDC (Centre de contrôle et de prévention des maladies) ait fait des recommandations pour les travailleurs agricoles, aucune action contraignante n’a été prise au niveau fédéral pour garantir la sécurité de ces travailleurs. D’autant plus qu’il est parfois difficile de respecter la distanciation sociale lors de travaux agricoles.

La crise engendre des milliards de dollar de pertes et touche principalement les denrées périssables non ou difficilement stockables ou transformables (fruits et légumes, lait, viande). Fautes de débouchés, de nombreux exploitants se voient contraints de détruire le surplus voire la totalité de leur production pour ne pas faire exploser leurs coûts. Le mois de mars a connu une augmentation de 23% des faillites d’exploitation agricole par rapport à l’année précédente. Par ailleurs, la forte diminution de la production d’éthanol laisse sur le marché des quantités massives de maïs.

Les filières maraîchères et de viande subissent également la concurrence de produits bon marché en provenance de l’étranger notamment du Mexique et du Brésil aggravant la situation. De plus l’exportation des surplus est rendue compliquée par la globalité de l’épidémie. Les autres puissances agricoles faisant faces aux mêmes problématiques. Enfin, la baisse de certaines devises étrangères rend les exportations de produits américains moins compétitives sur les marchés internationaux.

Dans le même temps, avec la perte massive d’emplois due au confinement, le pays assiste à une augmentation de la demande auprès des banques alimentaires. 70% d’augmentation entre mars et avril dont 40% des demandeurs le feraient pour la première fois.

Cette ambivalence, où d’un côté on assiste à une destruction de denrée alimentaires consommables et de l’autre à des files d’attente grandissantes dans les banques alimentaires s’explique par la difficulté logistique de relier les surplus aux associations qui nécessite des moyens techniques, financiers et humains importants et manquants.

Bien que mises à l’épreuve, les filières agricole et logistique survivent et continuent d’assurer la distribution de denrées alimentaires à des millions d’américains. A court terme, les risques de pénuries sont minces. Bien que la chute du prix du pétrole ait un impact positif en diminuant les charges de carburant et de certains intrants (engrais), ces baisses ne compenseront pas les pertes. Si la crise sanitaire et économique s’amplifie et/ou perdure, les effets pourraient menacer la viabilité économique de nombreuses exploitations déjà fragilisées et potentiellement nuire l’approvisionnement du pays en nourriture.

Auteurs : James DAT, Benjamin DOREILH (SST Chicago)

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