Vaccins à ARNm et le cas emblématique de Moderna

Les vaccins à ARNm dont aucun n’a encore été approuvé par la FDA sont devenus l’eldorado des stratégies innovantes en vaccinologie. L’essai du NIH avec le candidat vaccin contre le SARS-nCoV-2 de Moderna Therapeutics a terminé son recrutement début mai alors que  les résultats dévoilés d’un premier essai de vaccin mRNA contre le virus ZIKA étaient riches de promesses. La BARDA a promis $483M à cette entreprise pour augmenter les capacités de production de doses vaccinales tout en diversifiant ses approches et en investissant avec Johnson & Johnson jusqu’à un milliard de dollars sur un projet vaccinal développé avec le Beth Israel Deaconess Medical Center à Boston.

Dans une stratégie de réouverture progressive de l’économie, la recherche contre le coronavirus s’est développée selon trois axes, 1) diagnostics d’une infection actuelle pour limiter la propagation de la maladie, 2) diagnostics d’une infection passée pour permettre à certains de retravailler, et 3) recherche thérapeutique pour soigner les personnes atteintes de formes graves. L’ensemble de ces mesures visaient à gagner du temps jusqu’à ce qu’un vaccin soit enfin disponible, alors que les stratégies de mise en place d’une immunité de masse s’étaient avérées intenables compte tenu d’une part d’un coût humain catastrophique, d’autre part de la possibilité d’une immunité temporaire induite par l’infection ainsi que de soupçon de réactivation du virus après guérison. 

Percée de la stratégie innovante des vaccins à ARN dans l’écosystème vaccinal

Les recherches sur les vaccins ont donc été foisonnantes : dans un article publié le 9 avril par la revue Nature, des chercheurs ont recensés plus d’une centaine de projets vaccinaux dans le monde, à des stades divers d’avancement, dont 78 confirmés actifs et 73 à un stade expérimental ou préclinique

Cinq d’entre eux étaient déjà passés en phase d’essai clinique au mois de mai

  • aux Etats-Unis, le mRNA-1273 de Moderna Therapeutics (Massachusetts) et le vaccin candidat à ADN INO-4800 d’Inovio basé à Philadelphie (cf ND-2020-0173982)
  • en Chine, les candidats Ad5-nCoV de Cansino Biologicals, ou LV-SMENP-DC et aAPC de Shenzhen Geno-Immune Medical Institute. 

Ces premiers essais signaient la percée de la technologie extrêmement innovante des vaccins à ARN ; environ 10% des projets vaccinaux étaient basés sur cette technologie pour laquelle aucun vaccin commercial n’existait encore.  Le principe repose sur la production par les cellules du corps de protéines reproduisant l’enveloppe du coronavirus et déclenchant la réponse immunitaire. Aux Etats-Unis, si Moderna a pris la tête de cette technologie, plusieurs entreprises se sont positionnées immédiatement derrière dont le géant Sanofi qui a annoncé le 27 mars avoir signé un accord avec l’entreprise Translate Bio basée dans le Massachusetts afin de produire un vaccin à ARN, et, Arcturus Therapeutics, une entreprise basée à San Diego a annoncé le 9 avril qu’elle était en train de produire un lot clinique pour juin afin de lancer la phase I sur 76 volontaires dont des personnes âgées dès l’été à Singapour

Avant de lancer la phase I d’un vaccin candidat contre le SARS-nCoV-2, Moderna avait cependant déjà lancé des premiers essais chez l’homme de vaccin mRNA, dont les premiers résultats (sur des effectifs qui restent faibles cependant) ont été à la base de la décision de la FDA d’autoriser aussi rapidement l’essai clinique avec le mRNA-1273. Des résultats préliminaires de son vaccin candidat contre le virus ZIKA ont été publiés le 14 avril par Moderna et montraient d’ailleurs que les doses injectées entraînent un taux de séroconversions impressionnant de 94,4% ! 

Le NIH, promoteur de l’essai clinique avec le mRNA-1273, a achevé le recrutement initial de volontaires sains sans alerte de sécurité ; au total ce sont quarante-cinq volontaires âgés de 18 à 55 ans qui ont reçu des doses du vaccin candidat. Le NIH a depuis élargi la première phase de l’essai pour inclure trois groupes de participants âgés de 51 à 70 ans, et trois groupes de participants âgés de 71 ans et plus. Au début du mois de juin, Moderna annonçait de premiers résultats encourageants.

La Biomedical Advanced Research and Development Authority (BARDA) a fait le pari d’un investissement massif dans les unités de production de Moderna Therapeutics

Le directeur général de Moderna, Stéphane Bancel, a déclaré jeudi 16 avril 2020 que la BARDA, s’était engagée à verser jusqu’à 483 millions de dollars pour accélérer le développement de son vaccin expérimental. L’objectif était de permettre à la biotech de produire le vaccin 24 heure sur 24, sept jours sur sept, et à hauteur de dizaines de millions de doses par mois en 2021. Ce calendrier semblait encore plus optimiste que celui présenté le 23 mars par Moderna dans lequel l’entreprise prévoyait de demander une approbation d’urgence – à l’automne – pour des catégories de personnes ciblées dont le personnel de santé, et une disponibilité pour la population générale d’ici 12 à 18 mois. 

Le Boston Globe rapporte les propos de Rick Bright, encore directeur de la BARDA à l’époque, pour lequel l’augmentation de la production pendant que la phase 1 est en cours pourrait permettre de gagner des mois sur le développement des vaccins COVID-19 .

Moderna qui disposait déjà d’une usine de $130 million à Norwood dans le Massachusetts prévoyait d’embaucher jusqu’à 150 nouveaux employés aux Etats-Unis afin que l’entreprise puisse augmenter ses capacités de production de deux shifts sur 5 jours à trois shifts sur 7 jours. Cela impliquait que Moderna qui avait initié ses recherches et la production des doses vaccinales contre le SARS-nCoV-2 sur ses fonds propres, puisse poursuivre cette activité de R&D tout en n’asséchant pas les financements dédiés à ses autres projets de développement thérapeutiques.

Au mois d’avril, tous les œufs n’étaient pas bons à mettre dans le même panier : la BARDA  a en effet annoncé le 30 mars qu’elle investissait avec Johnson & Johnson plus d’un milliard de dollars dans le développement et les capacités de production d’un vaccin candidat développé avec un laboratoire du Beth Israel Deaconess Medical Center à Boston et qui est basé sur l’utilisation d’un autre virus utilisé comme cheval de Troie porteur des antigènes nécessaires à la réaction immunitaire. 


Rédacteur : Anne PUECH (SST  Boston)

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