Concertations internationales sur le COVID-19 pilotée par l’Office of Science and Technology policy de la Maison Blanche

Kelvin Droegemeier, Directeur de Office of Science and Technology Policy (OSTP) à la Maison Blanche, a mis en place début mars une téléconférence hebdomadaire réunissant les experts mandatés par les ministères de la recherche de 14 pays et de l’Union Européenne pour partager des informations sur les apports de la science dans les réponses nationales au COVID-19. Le Dr Eric D’Ortenzio, médecin épidémiologiste à l'Inserm, coordinateur scientifique du réseau REACTing, a été mandaté par le Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation pour participer à ces réunions au nom de la France. Parmi les premiers résultats concrets de ces discussions, dès la mise en place de ces rencontres, on peut citer l’incitation des éditeurs de revues scientifiques à rendre immédiatement accessibles toutes les publications sur le COVID-19 et les coronavirus et la mise en place d'une base de données ouverte (CORD-19) sur la plateforme Kaggle. Un appel aux experts de l'IA a également été lancé pour aider les chercheurs à s'y retrouver dans l'explosion du nombre de publications sur le COVID-19, le SRAS-CoV-2 et les coronavirus associés.

Le Bureau de la politique scientifique et technologique de la Maison Blanche (Office of Science and Technology Policy, OSTP)1 a lancé début mars un appel aux ministres de la recherche de plusieurs pays pour mettre en place une téléconférence hebdomadaire réunissant les conseillers scientifiques mandatés par ces ministères pour partager des informations sur les apports de la science dans les réponses nationales au virus COVID-19.

Cette réunion téléphonique se tient tous les mercredis à 6h00 (heure de Washington DC) et sont animées par Kelvin Droegemeier, Directeur de l’OSTP2. Lorsque la crise a amorcé un ralentissement, en mai, ces réunions sont devenues bi-mensuelles.

Les sujets abordent le partage des données, la distribution géographique et l’utilisation des données, les caractérisation du virus et des mutations, les essais cliniques thérapeutiques, les tests (diagnostic, surveillance), le développement de vaccins etc.. L’annexe 1 décrit les agendas et résultats des discussions des réunions du 18 et du 25 mars à titre d’illustration du contenu de ces téléconférences.

Les pays participant à ces appels hebdomadaires sont l’Allemagne, l’Australie, le Brésil, le Canada, l’Espagne, la France, l’Inde, l’Italie, le Japon, la Nouvelle-Zélande, le Portugal, la République de Corée, le Royaume-Uni et Singapour, ainsi que l’Union européenne. L’annexe 2 liste les experts qui participent à ces réunions hebdomadaires au nom de leur pays.

Pour la France, le Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a mandaté le Dr Eric D’Ortenzio pour participer à ces réunions.

Le Dr D’Ortenzio est médecin épidémiologiste à l’Inserm, coordinateur scientifique du réseau REACTing, un consortium multidisciplinaire rassemblant des équipes et laboratoires d’excellence, afin de préparer et coordonner la recherche pour faire face aux crises sanitaires liées aux maladies infectieuses émergentes. A ce titre, avec le soutien du ministère des Solidarités et de la Santé et du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, 20 initiatives scientifiques ont été sélectionnées par le conseil scientifique de REACTing. Elles portent sur des thématiques aussi diverses que la modélisation de l’épidémie, la recherche de traitement ou la prévention.

Parmi les aspects concrets de ces téléconférences, deux initiatives notables peuvent être signalées :

L’incitation des maisons d’édition scientifique

Pour soutenir les efforts visant à contenir et à atténuer la pandémie COVID-19, la recherche scientifique fondamentale et l’innovation sont essentielles pour faire face à cette crise mondiale. Étant donné l’urgence de la situation, il était particulièrement important que les scientifiques et le public puissent accéder aux résultats de la recherche dès que possible. Il a été instamment demandé aux éditeurs de revues scientifiques de s’engager volontairement à rendre leurs publications sur le COVID-19 et les coronavirus, ainsi que les données disponibles à l’appui, immédiatement accessibles dans PubMed Central et autres dépôts publics appropriés, tels que la base de données COVID de l’Organisation mondiale de la santé.

Cet appel a été immédiatement entendu et près d’une quarantaine de maisons d’édition ont accepté de mettre en libre accès toutes leurs productions relatives aux coronavirus en général, et au COVID-19 en particulier.

La mise en place de la plateforme KAGGLE dédiée au COVID-19

En réponse à la pandémie, la Maison Blanche et une coalition de groupes de recherche américains ont préparé une base de données de recherche ouverte COVID-19 (Covid-19 Open Research Dataset ou CORD-19). CORD-19 est une ressource qui, au début du mois d’avril 2020, donnait accès à plus de 45 000 articles scientifiques, dont plus de 33 000 en texte intégral, sur le COVID-19, le SRAS-CoV-2 et les coronavirus associés. Cet ensemble de données, disponible gratuitement, est fourni à la communauté mondiale des chercheurs impliqués dans la recherche pour lutter contre cette pandémie. La base de données est actualisée chaque semaine.

Cet ensemble de données a été créé par l’Institut Allen pour l’IA en partenariat avec l’Initiative Chan Zuckerberg, le Centre pour la sécurité et les technologies émergentes de l’Université de Georgetown, Microsoft Research et la Bibliothèque nationale de médecine – NIH, en coordination avec l’OSTP.

C’est à partir de cette base de données que le Service pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de France aux Etats-Unis a conçu l’outil CORD19 Publications Dashboard (https://fscience-old.originis.fr/cord19-publications-dashboard/) qui fournit une cartographie géographique des recherches menées à travers le monde et permet entre autres fonctionnalités, d’identifier les collaborations internationales.

Par ailleurs, le nombre de publications sur le sujet devenant extrêmement important et difficile à suivre, un appel aux chercheurs en intelligence artificielle a été lancé (au format hackaton) pour développer des outils d’exploration automatique de textes et de données et aider ainsi à l’analyse de la base de données CORD-19.


Auteur : Yves FRENOT (CST Washington)

Notes :

1 En 1976, le Congrès américain a créé le Bureau de la politique scientifique et technologique de la Maison Blanche (Office of Science and Technology Policy, OSTP) pour fournir au Président et aux autres membres du Bureau exécutif des conseils sur les aspects scientifiques, techniques et technologiques de l’économie, de la sécurité nationale, de la sécurité intérieure, de la santé, des relations étrangères, de l’environnement, entre autres sujets.

L’OSTP dirige également les efforts de coordination des politiques scientifiques et technologiques entre les agences, aide l’Office de la gestion et du budget (Office of Management and Budget, OMB) à effectuer un examen et une analyse annuels des budgets fédéraux de recherche et de développement.

2 Nommé en janvier 2019 alors que ce poste a été laissé vacant par le Président Trump depuis son élection en 2017, Kelvin Droegemeier était auparavant vice-président de la recherche et professeur de météorologie à l’Université de l’Oklahoma. Sa spécialité est les phénomènes météorologiques extrêmes, les prévisions météorologiques numériques et l’assimilation de données. Il a rempli deux mandats de six ans au sein du National Science Board, l’organe directeur de la NSF, dont les quatre dernières années en tant que vice-président. Il a été nommé à cette positon par les présidents George W. Bush et Barack Obama, et confirmé à deux reprises par le Sénat des États-Unis. Il a également siégé et présidé de nombreux conseils et comités nationaux et est membre de l’American Meteorological Society et de l’American Association for the Advancement of Science. Il a été nommé en 2017 secrétaire du cabinet de l’Oklahoma pour la science et la technologie.


Annexe 1 : Réunions téléphoniques hebdomadaires organisées par l’OSTP

Réunion téléphonique du 18 mars 2020

Points à l’ordre du jour :

  • Caractérisation du virus et des mutations
  • Coordination des données à des fins de recherche et autres
  • Essais cliniques
  • Tests (diagnostic, surveillance)
  • Développement de vaccins
  • Connexion des académies nationales des sciences entre elles
  • Projet de lettre de remerciement aux éditeurs

Principales conclusions de la réunion :

  • Un consortium d’outils d’exploration de données est appliqué pour synthétiser des articles utilisant des outils d’intelligence artificielle dans des bases de données telles que Kaggle et PudMed.
  • Il est important que le partage des données se poursuive entre les nations afin de caractériser le virus.
    • La coordination des connaissances épidémiologiques est plus importante que jamais pour cartographier la dynamique des maladies.
    • La modélisation des données peut conduire à des réponses en matière d’infectivité, d’âge des personnes touchées, de comorbidité, de conservation des séquences génomiques, etc.
  • Des essais cliniques sont en cours dans le monde entier et il est essentiel de partager les analyses intermédiaires le plus tôt possible.
  • Le comité permanent des académies nationales américaines sur les maladies infectieuses émergentes et les menaces sanitaires du 21e siècle a répondu aux questions et se tient prêt à répondre à d’autres questions de la communauté scientifique. Le comité s’adresse également aux académies nationales d’autres pays pour tenter de renforcer la coordination.
  • Les efforts de développement de vaccins restent robustes à l’échelle mondiale, avec d’autres essais de phase 1 qui devraient commencer dans un avenir proche et qui se poursuivront presque chaque semaine.
  • Le ralentissement de la propagation de COVID-19 est une priorité absolue pour chaque pays.

A faire, notamment :

  • Partagez les dépôts de séquençage génétique dans votre pays
  • Partagez les modèles animaux dans votre pays
  • Dès que possible, partagez des informations sur les tests sérologiques – suivi après la sortie des personnes infectées ; combien de personnes asymptomatiques, etc.
  • Kits de diagnostic – examinez si nous envisageons une approche commune pour demander aux entreprises de fournir des licences pour la fabrication locale de kits ou de composants pendant la durée de la crise (comme nous l’avons fait avec les éditeurs).

Réunion téléphonique du 25 mars 2020

Points à l’ordre du jour :

  • Sciences sociales (suggéré par le Japon)
  • Caractérisation du virus et des mutations
  • Coordination des données à des fins de recherche et autres
  • Modèle de l’OMS
  • Essais cliniques
  • Développement de vaccins
  • Supercalculateurs pour la recherche COVID-19
  • Tests sérologiques

La discussion de cette semaine a porté sur :

  • Les chercheurs en intelligence artificielle développant des outils pour analyser la vaste littérature sur les coronavirus lisibles par machine, mise à disposition dans le monde entier en réponse à un appel unifié pour un accès ouvert immédiat par les nations énumérées ci-dessus, en utilisant la plateforme Kaggle ;
  • Le partage des informations épidémiologiques et autres entre les points focaux nationaux ;
  • Travailler ensemble pour mieux comprendre l’impact des comorbidités et de la répartition par âge sur la COVID-19 ;
  • Diffuser des ressources pour améliorer la compréhension des perceptions et des comportements individuels et communautaires, y compris les impacts sur la progression de la maladie dans le monde ;
  • Promouvoir la collaboration multinationale et multidisciplinaire pour faire face à COVID-19 ; et
  • Mettre à jour le groupe sur les tests sérologiques, le développement de vaccins et de thérapies, et les essais cliniques dans chaque pays et partager les découvertes dès que possible.

A faire :

  • De nombreux pays ont partagé verbalement des informations sur les nouveaux essais cliniques – veuillez mettre à jour le fichier Excel dédié ou partager les informations avec le groupe directement.
  • De nombreux pays ont proposé de partager des données supplémentaires.
  • Les participants ont demandé que ceux qui effectuent des tests sérologiques partagent leurs données dès que possible ; ils ont également partagé des informations sur l’immunité et la sérologie et sur le développement d’anticorps.
  • Demande aux épidémiologistes d’utiliser des outils de données et de fournir un retour d’information sur la plateforme Kaggle, sur laquelle les chercheurs en intelligence artificielle développent des outils pour analyser la vaste littérature sur les coronavirus lisibles par machine. Point de contact : Lynne Parker, [email protected]
  • Prochain ordre du jour : inclure la modélisation, les tests sérologiques.
  • Explorer en groupe les moyens d’aider les pays à fabriquer rapidement des ventilateurs et d’autres matériaux indispensables, y compris des réactifs.
  • Explorer en groupe des moyens et des technologies de soutien permettant à des communautés de chercheurs de nombreuses disciplines d’interagir au niveau international sur COVID-19.
  • Proposition de partage des données par l’intermédiaire des points focaux nationaux – à venir.

Annexe 2 : Lead Participants

Australia

Alan Finkel, Chief Scientist, Government of Australia

Brazil

Marcos Pontes, Minister of Science, Technology, Innovation and Communication

Marcelo Morales, Secretary of Ministry of Science, Technology, Innovation and Communication

Canada

Mona Nemer, Chief Science Advisor, Government of Canada

European Union

Mariya Gabriel, Commissioner for Innovation, Research, Culture, Education and Youth

France

Eric Dortenzio, French National Institute for Health and Medical Research

Germany

Veronika von Messling, Director General of the Directorate for Life Science, Federal Ministry of Education and Research

Thomas Romes, Deputy Director General of the Directorate for Life Science, Federal Ministry of Education and Research

India

VijayRaghavan, Principal Science Advisor, Government of India

Italy

Dr. Giovanni Leonardi, DG for Research and Innovation in Healthcare, Ministry of Health

Dr. Walter Ricciardi, Public Health Counselor to the Ministry of Health and WHO-European Advisory Committee on Health Research (EACHR)

Dr. Paolo Villari, Professor in Public Health of « Sapienza » University of Rome, Advisor of the Minister of University and Research

Japan

Takahiro Ueyama, Executive Member, Council for Science, Technology, and Innovation (CSTI)

Korea

CHOI Kiyoung, Minister of Science and ICT

JEONG Byungseon, Vice Minister of Science and ICT

New Zealand

Juliet Gerrard, Chief Science Advisor, Government of New Zealand

Portugal

Manuel Heitor, Minister of Science, Technology, and Higher Education

Singapore

TAN Chorh Chuan, Chief Health Scientist and Executive Director, Office for Healthcare Transformation, Ministry of Health

Vernon LEE, Director, Communicable Diseases, Ministry of Health

Spain

Pedro Duque, Minister for Science, Innovation, and Universities

United Kingdom

Sir Patrick Vallance, Government Chief Scientific Adviser

United States

Kelvin Droegemeier, Director, White House Office of Science and Technology Policy

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