Le président des Etats-Unis, Donald Trump, a annoncé lors de son discours sur l’état de l’Union du mardi 5 février, vouloir mettre un terme à l’épidémie de VIH aux Etats-Unis au cours des dix prochaines années. Cette annonce a été accueillie de manière extrêmement positive par les différentes associations et experts cliniques qui y voient tout d’abord un moyen de sensibiliser le public à ce virus qui continue d’infecter près de 40,000 personnes chaque année. L’objectif de ce plan est de réduire ce nombre d’infections par le VIH de 75% en cinq ans et de 90% en 10 ans comme l’a ensuite expliqué Alex Azar, le secrétaire à la santé.
D’après Donald Trump, il s’agit d’une opportunité sans précédent pour mettre fin à cette épidémie grâce à tous les traitements de prévention contre le VIH existants, mais également pour mettre en évidence les zones où le virus se répand le plus rapidement aujourd’hui.
En effet, il existe aujourd’hui des médicaments antirétroviraux qui permettent aux individus porteurs du VIH de diminuer leur charge virale. Si cette charge virale est maintenue en-dessous du seuil détectable, les patients peuvent en moyenne vivre plus longtemps et diminuer efficacement le risque de transmission du VIH à leur partenaire lors d’un rapport sexuel. Pour autant, pour que cela fonctionne, il est nécessaire que les personnes séropositives connaissent leur statut, ce qui n’est pas le cas à ce jour puisque 165.000 Américains ignorent qu’ils ont été contaminés.
Il existe également des traitements préventifs appelés Prophylaxie pré-Exposition (PrEP) tel que le Truvada, qui permettent de réduire de 97% le risque d’infection par le virus.
Enfin, grâce aux nouveaux laboratoires spécialisés ainsi qu’aux nouvelles techniques d’épidémiologie, il est possible de mettre en évidence les régions les plus touchées par l’épidémie et qui nécessitent des ressources supplémentaires pour l’endiguer.
Cependant aujourd’hui malgré tous ces traitements et outils existants, il existe encore des communautés et zones géographiques à risques qui ne bénéficient pas de manière égale de ces avancées. De plus, les données épidémiologiques récentes semblent montrer que la réduction du nombre de nouvelles infections a atteint un plateau. Plus de 50% des nouveaux cas de diagnostic du VIH en 2016 et 2017 aux Etats-Unis étaient concentrés sur 48 comtés, les zones les plus touchées étant souvent situées dans le sud.
C’est pour cela que de nombreuses mesures doivent être prises afin d’utiliser les outils existants de manière efficace. Le plan du gouvernement pour mettre fin à l’épidémie de VIH aux Etats-Unis devrait permettre de financer trois plans d’actions majeurs :
• Accroître les investissements dans les « points chauds » par le biais des programmes existants et efficaces comme le programme Ryan White sur le VIH/sida, ainsi qu’un nouveau programme passant par les centres de santé communautaires qui fourniront des médicaments pour protéger les personnes les plus exposées à l’infection.
• Utiliser les données pour identifier où le VIH se propage le plus rapidement et guider la prise de décision pour répondre aux besoins de prévention, de soins et de traitement au niveau local.
• Fournir des fonds pour la création d’une « HealthForce » locale dans les zones identifiées à risque afin d’étendre la prévention et le traitement du VIH.
Le gouvernement veut concentrer ses efforts sur quatre stratégies clés qui, ensemble, peuvent mettre fin à l’épidémie de VIH aux États-Unis : Diagnostiquer, Traiter, Protéger et Répondre.
A Atlanta en Géorgie, ce sont plus de 35 000 personnes qui vivent avec le VIH d’après un rapport du CDC qui accuse un manque de gestion dans le comté le plus peuplé de la ville et un accès trop limité aux traitements pour ses résidents.
Au cours d’un entretien avec le Dr Raymond Schinazi qui a découvert l’Emtricitabine, le principe actif présent dans le PrEP, nous avons eu l’occasion d’échanger sur le plan présenté durant le discours sur l’état de l’Union. D’après lui, ce plan est une excellente initiative et pourrait vraisemblablement « mettre un terme à cette épidémie en 2030 ». Il estime que, bien que le financement exact n’ait pas encore été communiqué, il devrait selon lui « être suffisant pour mener ce projet à bien ».
Le Dr Schinazi voit donc le futur de manière optimiste. Il explique que d’ici quelques années le Tenofovir Disoproxil, la prodrogue présente dans le Truvada devrait être remplacée par du Tenofovir Alafenamate (TAF) plus efficace et plus soluble permettant ainsi de diminuer nettement la taille des comprimés et les risques d’effets délétères sur les reins.
Dans le futur, une version injectable du PrEP devrait également voir le jour selon lui, permettant aux patients d’être protégés en recevant tous les 1 ou 2 mois le traitement par injection au lieu de devoir prendre un comprimé chaque jour. Ce médicament est en développement par les laboratoires VEEV basés à Georgia Tech et devrait avoir un coût moins important que la version orale et ainsi la concurrencer.
Pour lui, toutes ces perspectives devraient également jouer un rôle important dans l’éradication du virus en rendant le traitement plus pratique pour les patients et plus abordable en plus de tout ce que promet de faire le gouvernement pour améliorer le dépistage et l’accès aux traitements chez les populations et dans les zones à forts risques.
Rédacteur:
– Pierre Gourjon, Attaché adjoint pour la Science et la Technologie, Consulat Général de France à Atlanta, [email protected]
Sources :
https://www.hhs.gov/blog/2019/02/05/ending-the-hiv-epidemic-a-plan-for-america.html
https://www.modernhealthcare.com/article/20190209/NEWS/190209931
https://www.poz.com/article/fda-approves-gileads-singletablet-hiv-regimen-biktarvy