Turbulences scientifiques autour de Katrina

Au lendemain du passage du cyclone Katrina dans le Golfe du Mexique, la communauté scientifique des Etats-Unis s’interroge sur le lien entre l’occurrence et la violence des cyclones tropicaux et le réchauffement climatique. Les travaux du professeur Kerry Emanuel du MIT, qui venait de publier un article dans Nature soulignant une corrélation entre l’augmentation de la température de surface des océans tropicaux et l’accroissement de l’énergie cyclonique, avaient été abondamment cités.
Cependant, les opinions des climatologues restent divisées à ce sujet et les simulations des modèles sont contradictoires, certaines concluant par exemple à une diminution à l’horizon 2020 du nombre total de cyclones, environ 90 par an actuellement.
Un élément supplémentaire vient d’être apporté au débat sous la forme d’un article publié dans le numéro du 16 septembre du magazine Science. Utilisant des données satellitaires de la période 1970-2005, Peter Webster, du Georgia Institute of Technology, Greg Holland, du National Center for Atmospheric Research (Boulder, Colorado) et leurs collègues, montrent que le nombre de cyclones intenses (forces 4 et 5) a été multiplié par 2 en 35 ans, tandis que le nombre de cyclones plus modérés (forces 1 à 3) a diminué. En revanche, sur les 10 dernières années, le nombre total d’épisodes cycloniques, mesuré en (cyclone x jour) a globalement diminué de près de 25%.
Des études dendrologiques comme celles conduites au Département de Sciences de la Terre et de l’Univers (Earth and Planetary Sciences) de l’Université du Tennessee à Knoxville permettent d’explorer sur de plus longues durées les relations entre le nombre de cyclones et les variations climatiques. Les cyclones modifient en effet localement la composition isotopique de l’eau de pluie, anomalie qui est enregistrée dans les cernes des arbres. Claudia Mora, directeur du département a ainsi présenté au mois d’août, à la deuxième conférence Earth System Processes (Calgary, Canada), les résultats d’une recherche sur la fréquence des cyclones dans l’Atlantique Nord entre 1580 et 1997, à partir de données extraites de pins de Géorgie (Pinus Elliottii et Pinus Palustris). La validité du proxie isotopique a été confirmée sur la période 1770-1997 par confrontation des observations historiques et des rapports isotopiques de l’oxygène. Des données d’arbres subfossiles ont ensuite permis de montrer que les cyclones tropicaux étaient peu fréquents sur la période 1580-1640 qui correspond à une partie du Petit Age Glaciaire. Ces résultats semblent en partie contradictoires avec les observations récentes et le débat scientifique est donc loin d’être clos…

Source :

– Article de Science : Webster, P.J., G.J. Holland, et al. 2005. Changes in tropical cyclone number, duration and intensity in a warming environment. Science 309(Sept. 16):1844-1846.
Résumé de l’article : https://www.sciencemag.org/cgi/content/abstract/309/5742/1844, Préprint : https://www.eas.gatech.edu/research/links/Webster_weather.pdf
– Communication de Claudia Mora (abstract) : https://gsa.confex.com/gsa/2005ESP/finalprogram/abstract_88986.htm
– Un point sur le débat : https://www.sciencenews.org/articles/20050917/bob8.asp
– Un article de la presse quotidienne :
www.sfgate.com/cgi-bin/article.cgi?f=/c/a/2005/09/16/MNGLDEOPFA1.DTL&hw=hurricane&sn=005&sc=714

Rédacteur :

Philippe Jamet, [email protected]

Partager

Derniers articles dans la thématique