A l’heure actuelle, aux Etats-Unis, les jeunes docteurs doivent faire face à des périodes de formation longues, à une pénurie de postes au sein des universités, et à une concurrence croissante pour l’obtention des bourses de recherche, en particulier en sciences de la vie.
En conséquence, bien que l’on entende au sein des universités que le pays a besoin de scientifiques en plus grand nombre, des étudiants parmi les plus brillants du pays sont découragés et s’éloignent des carrières scientifiques. Les Etats-Unis restant la destination privilégiée des étudiants internationaux, les départements scientifiques des universités reçoivent souvent des demandes plus nombreuses de la part des étudiants étrangers, qui sont souvent mieux formés que les étudiants américains.
Depuis un certain nombre d’années, de nombreux rapports ont appelé à une réforme des programmes doctoraux, enjoignant notamment à former davantage les étudiants en vue d’un emploi au sein de l’université ou en dehors, à raccourcir la durée du doctorat et à limiter le nombre de diplômes délivrés dans certains domaines.
Cependant, la résistance au changement reste très importante. Des données récentes montrent ainsi que :
– la durée de formation des docteurs est très longue. En moyenne, dans le domaine des sciences, il faut six mois de plus aujourd’hui qu’en 1987 pour obtenir un doctorat. D’autre part, en chimie, en Angleterre il faut 3.5 ans à un étudiant pour obtenir son doctorat alors qu’un étudiant américain met presque deux fois plus de temps. Cette différence est à rapprocher de la nécessité pour beaucoup d’étudiants américains de travailler, y compris à mi-temps, pour financer leurs études, en particulier les droits acquittés auprès des universités. Cette contrainte trouve sa traduction dans le délai de réalisation du projet doctoral
– en physique, près de 70% des nouveaux docteurs accomplissent un postdoctorat alors que seulement 43% le faisaient en 2000.
Les jeunes scientifiques mettent donc plus de temps à gagner de l’argent et à véritablement commencer leur carrière et sont susceptibles de la commencer en ayant une dette à rembourser. Certains efforts sont cependant faits. Par exemple, la National Science Foundation, le National Health Institute, et le Howard Hughes Medical Institute ont mis en place des programmes permettant d’aider les jeunes scientifiques.
Malgré les difficultés rencontrées par les jeunes chercheurs, le gouvernement, les universités et l’industrie considèrent que les Etats-Unis ont besoin de plus de scientifiques et d’ ingénieurs (au sens de titulaires d’un Master ou d’un PhD dans une discipline relevant de l’ingénierie). Le Congrès a ainsi passé en août une loi (America Competes Act) prévoyant une augmentation drastique des budgets de la National Science Foundation, du bureau pour la science du ministère de l’énergie et d’autres divisions qui supportent les sciences physiques. Cependant, cette loi a valeur d’autorisation de programme, il restera à dégager les crédits correspondants.
Pour autant, une telle augmentation des fonds ne va pas nécessairement entraîner une amélioration substantielle de la situation pour les jeunes chercheurs. Ainsi, entre 1998 et 2003, le Congrès a doublé le budget des National Institutes of Health sans que cela entraîne une augmentation en proportion du nombre de postes permanents dans le domaine biomédical au sein des universités, alors que le nombre de doctorats décernés a augmenté de façon conséquente. Pire, davantage de jeunes s’étant dirigés vers un domaine prometteur et très médiatisé, on constate un engorgement tel pour l’obtention de postes qu’un jeune docteur ne peut en espérer un avant l’âge de 35 ans au moins. Il est donc devenu très difficile pour les jeunes docteurs d’obtenir un emploi permanent. Entre 1985 et 2003, le nombre de jeunes scientifiques dans un emploi temporaire a doublé, les chercheurs multipliant les postdoctorats.
Cette situation n’atteint pas uniquement les jeunes chercheurs. De nombreux scientifiques reconnus dans leur domaine sont également concernés. Ainsi, ils consacrent de plus en plus de temps à faire des propositions de projets pour obtenir des financements (grants) et voient en moyenne leurs propositions rejetées une ou deux fois avant d’être acceptées, ce qui les conduits à une certaine précarité pendant un an ou plus. Un jeune chercheur met ainsi plusieurs années à disposer de moyens propres pour conduire ses recherches. Un chercheur est au demeurant aussi évalué, en particulier lors de recrutements, en fonction de sa capacité à obtenir des grants. Ceci s’accompagne d’une plus grande difficulté pour les jeunes chercheurs pour obtenir des financements, préemptés en quelque sorte par les chercheurs les plus expérimentés, ce qui rend d’autant plus difficile et long leur recrutement sur un poste de titulaire.
Si un nombre toujours plus important de diplômés permet à court terme de fournir de jeunes scientifiques brillants et prêts à travailler dur pour une rémunération moindre et d’obtenir des résultats excellents au sein des laboratoires, cette situation n’est pas tenable sur le long terme.
Il résulte de toutes ces difficultés que les docteurs se dirigent de plus en plus vers des carrières en dehors de l’université, souvent à contre-coeur. Là encore, un travail important reste à faire afin de changer l’attitude de nombre d’universitaires vis-à-vis de l’emploi en dehors de l’université, attitude qui reste largement négative. En outre, dans certaines disciplines, les doctorants sont souvent trop peu initiés aux possibilités que leur offre le secteur privé.
Source :
The Chronicle of Higher Education, "The Real Science Crisis: Bleak Prospects for Young Researchers", Volume 54, Issue 4, Page A1, by Richard Monastersky, 21/09/2007 – https://chronicle.com/weekly/v54/i04/04a00102.htm?=attw
Pour en savoir plus, contacts :
– National Academy of Sciences : https://www.nasonline.org
– Rising Above the Gathering Storm: Energizing and Employing America for a Brighter Economic Future (2007), The National Academies Press, https://www.nap.edu/catalog.php?record_id=11463
– America COMPETES Act : https://thomas.loc.gov/cgi-bin/bdquery/z?d110:H.R.2272:
Code brève
ADIT : 51111
Rédacteur :
Estelle Bouzat, [email protected]