La péridotite, principale roche du manteau terrestre, pourrait absorber d’importantes quantités de dioxyde de carbone (CO2) et contribuer aux différents projets industriels de capture et de stockage géologique du CO2. De récentes recherches, menées à l’Institut de la Terre "Lamont-Doherty" de l’université de Columbia, ont mis en évidence le fait que le dioxyde de carbone, au contact de la péridotite et dans des conditions optimum de température et de pression, cristalliserait en profondeur pour former des minéraux. Cette réaction chimique permettrait ainsi de stocker plusieurs gigatonnes de dioxyde de carbone par an sous la forme de calcite, magnésite ou dolomite.
La péridotite est une roche issue de la cristallisation du magma. Celle-ci se trouve principalement en profondeur, à une trentaine de kilomètres de la surface. Quelques affleurements de péridotite ont cependant été relevés proche de la surface terrestre et résultent de l’activité tectonique passée. Cette roche se trouve en quantité importante en Oman et sur certaines îles du pacifique (Papouasie Nouvelle-Guinée, Calédonie…). Quelques dépôts sont aussi présents en Californie et sur d’autres régions du globe.
Si le processus naturel permettant la minéralisation du dioxyde de carbone au contact de la péridotite et de l’atmosphère est connu des géochimistes, ceux-ci ne pensaient pas que la même réaction avait lieu en profondeur. En effet, lorsque l’eau et le dioxyde de carbone s’infiltrent en profondeur dans la roche, ceux-ci tendent à s’isoler du milieu extérieur. Avec l’augmentation de température et de pression, les ions de magnésium et de bicarbonate dissous dans l’eau précipitent avec le dioxyde de carbone pour former des minéraux. Cette précipitation entraine une augmentation de volume de la roche avec pour conséquence une fracturation de la formation géologique. De ce phénomène résulte la création de tout un réseau de fissures augmentant la surface d’échange entre l’eau et la péridotite.
Selon les chercheurs, ce processus naturel pourrait être largement intensifié en utilisant les techniques de l’industrie pétrolière. En effet, une des utilisations industrielles proposées par les scientifiques serait d’injecter de l’eau à forte température et à teneur élevée en dioxyde de carbone afin de fracturer volontairement la péridotite et d’augmenter considérablement les surfaces d’échange entre l’eau contenant le gaz et la roche. L’injection d’eau permettrait alors de démultiplier les capacités de la roche à absorber du CO2 par un facteur d’un million, permettant le stockage d’une gigatonne de CO2 pour chaque kilomètre cube de péridotite.
L’utilisation industrielle de ces travaux de recherche est cependant limitée à l’accessibilité de la péridotite. Des estimations calculées par l’université de Columbia ont montré que le coût de transport et de traitement de cette roche sur les sites industriels émetteurs de GES est actuellement trop élevé. Seuls les pays proches des affleurements de péridotite pourraient alors bénéficier de cette découverte. Selon les calculs de l’université de Columbia, les formations de l’Oman permettraient d’absorber 4 à 5 gigatonnes de CO2. Les pays ne possédant pas de péridotite devront alors recourir aux techniques industrielles consistant à injecter et à stocker en profondeur le CO2 sous forme de gaz. Ces techniques sont cependant jugées plus risquées si l’on tient compte du risque de fuite encouru par le stockage d’un gaz.
Source :
– Scientists say peridotite rock can soak up CO2 : https://uk.reuters.com/article/scienceNews/idUKTRE4A59IB20081107
– Air Capture of CO2 via Peridotite Carbonation : https://www.thebreakthrough.org/blog/2008/11/air_capture_of_co2_via_peridot.shtml
Pour en savoir plus, contacts :
In situ carbonation of peridotite for CO2 storage : https://www.pnas.org/content/early/2008/10/31/0805794105.abstract
Code brève
ADIT : 56660
Rédacteur :
Agathe Dumas, [email protected]