Les mots comptent. Copernic le savait bien, quand il décida de ne pas publier son "hypothèse héliocentrique" de son vivant. Osiander, le théologien luthérien qui rédigea la fameuse préface du De Revolutionibus Orbium Coelestium, dans laquelle la théorie copernicienne n’est décrite que comme un instrument mathématique, le savait aussi.
Les opposants de la théorie de l’évolution, parmi eux les membres du Discovery Institute basé à Seattle, le savent également. Voilà qu’hier, 20 janvier 2009, ils se sont donc retrouvés dans la salle du conseil du Texas Board of Education, l’organisme qui décide, entre autre, des programmes scolaires du Texas. Ce Conseil doit en effet délibérer sur une proposition d’un panel d’enseignants de biologie chargés de la révision des curricula de l’Etat. Ces enseignants proposent que le passage qui demande aux étudiants de critiquer toute théorie scientifique, en exposant les forces et faiblesses ("the strengths and weaknesses") de chacune, soit remplacé par une incitation à "analyze and evaluate scientific explanations using empirical evidence".
J’avoue qu’il m’est, à première vue, difficile de comprendre la différence. Si l’on veut exposer les forces et les faiblesses d’une théorie scientifique, cela ne peut être fait qu’en la comparant à l’expérience. Cependant, les membres conservateurs du Board, ainsi que les experts "critiques" de l’évolution, soutiennent mordicus que la formulation proposée, incitant à analyser et évaluer les explications scientifiques à la lumière des données expérimentales, équivaudrait à une censure, et ne permettrait pas le développement des facultés critiques des élèves. Contrairement, bien entendu, à la formulation actuelle, qui, elle, favoriserait la réflexion.
L’enjeu réel du débat apparaît quand l’une des personnes interrogées par le Board sur la question demande au même Board d’obliger les éditeurs de manuels scolaires à introduire explicitement dans les textes les "faiblesses" de l’évolution. Le Texas est l’un des clients les plus importants des éditeurs américains. Les critères adoptés par le Conseil de l’Education cette année décideront des programmes scolaires en sciences pour toutes les écoles primaires et secondaires, pour les dix prochaines années. Et puisque les éditeurs n’aiment pas faire des différences, les manuels "anti-évolutions" pourraient bien se retrouver sur les bancs d’école de tout élève américain. Le débat va continuer dans les prochains jours, au cours desquels les "dogmatiques Darwiniens" (ainsi appelés par les créationnistes) célébreront le 200ième anniversaire de la naissance de leur "idole".
Terminologie qui peut faire sourire : cependant, les opposants de l’évolution s’attachent de plus en plus à montrer que cette dernière est une nouvelle sorte de religion. Ainsi, elle devrait être interdite dans les écoles, au même titre que le créationnisme. Une proposition dans ce sens a été récemment relayée par Warren Chisum, élu à la Chambre des Représentants du Texas. Lequel, à l’appui de sa thèse, invite à consulter le site web fixedearth.com, "The non-moving Earth & anti-evolution web page of The Fair Education Foundation, Inc."
Et oui, Copernic le savait bien…
Source :
– https://www.dallasnews.com/sharedcontent/dws/news/texassouthwest/legislature/stories/DN-evolution_22tex.ART.State.Edition1.4e90af7.html
– https://www.nytimes.com/2009/01/22/education/22texas.html?ref=us
Pour en savoir plus, contacts :
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Code brève
ADIT : 57451
Rédacteur :
Alberto Pimpinelli