Biodiversité : extinction de voix contre voie d’extinction

Du 8 au 10 décembre s’est tenue à Washington la conférence annuelle du National Council for Science and the Environment (NCSE), puissant réseau d’environ 500 organisations, universités, ONG, Think tanks et industries. Le NCSE a pour mission de faciliter l’interface entre scientifiques et décideurs politiques et de synthétiser les problématiques scientifiques en vue de la prise de décision. Cette 9è édition, centrée sur la biodiversité, a réuni 800 participants. Des intervenants de très haut niveau, (présidents d’ONG, directeurs de laboratoires ou d’institutions, parlementaires) se sont succédés à la tribune, tentant de faire la synthèse des recommandations issues de plus de 50 ateliers.

Un cri d’alarme mobilisateur

La communauté scientifique se montre très inquiète de la vitesse d’érosion de la biodiversité, dont les conséquences, pour celles qui sont connues, peuvent être dramatiques. Le Directeur du Smithonian, Cristian Samper, a identifié 5 facteurs principaux d’extinction ou de menace des espèces : la transformation des habitats, la sur-exploitation, les espèces invasives, la pollution et la changement climatique.

Mais, pour mesurer la perte, il faut connaître la situation. Les ONG environnementales et les chercheurs en écologie ont donc tiré la sonnette d’alarme sur la méconnaissance du phénomène. Malgré l’Evaluation des Ecosystèmes pour le Millénaire, aucun point zéro ("baseline") n’a encore été établi. Carl Safina, expert de la biodiversité marine, appelant à une refonte des mécanismes existants, affirmait que "le résultat de la protection de la biodiversité au XXè siècle est le suivant : nous ne savons pas ce qui existe, nous ne savons pas à quel rythme nous le perdons, et nous ne connaissons pas les conséquences de cette perte."

L’ours polaire passe du marketing à la médecine

Au cours des séances plénières, l’ours polaire, qui fait l’objet d’une campagne médiatique soutenue à la télévision américaine, a été cité, non pas en raison de sa valeur symbolique, mais en raison de son intérêt sur le plan de la recherche médicale. En effet, Ursus maritimus est le seul animal connu ne perdant pratiquement pas de masse osseuse pendant ses 5 mois d’immobilité et n’ayant pas besoin d’uriner durant l’hibernation, deux caractéristiques que le corps médical considère comme clés pour progresser dans la lutte, respectivement contre l’ostéoporose et l’insuffisance rénale. Dans un pays où le diabète est une priorité de santé publique, la capacité de l’animal à accumuler d’énormes réserves de graisses sans jamais montrer de symptômes diabétiques intrigue également.

De l’exaspération à l’action

Le sentiment de soulagement lié au changement d’administration était palpable dans l’assistance, tant les scientifiques issus des disciplines environnementales ont eu le sentiment d’être tenus à l’écart, au cours des 8 années passées. Misant sur le réengagement de leur pays dans les forums multilatéraux, les participants se sont réunis en ateliers thématiques, dont sont issues quelques 200 recommandations pour mettre un coup d’arrêt à l’érosion de la biodiversité. En anticipation du rapport en bonne et due forme qui devrait être édité par la National Academy of Science en mars prochain, les recommandations ont été synthétisées et présentées à l’équipe de transition d’Obama par les instances dirigeantes du NCSE dès le 12 décembre.

Les principales recommandations du NCSE, en synthèse, sont les suivantes :
1. L’ Administration Obama doit reconnaitre les interconnections entre perturbation climatique globale et érosion de la biodiversité,
2. La recherche en matière de biodiversité et la préservation de celle-ci peuvent former une part importante de l’effort de l’Administration Obama pour projeter le leadership américain dans le monde,
3. La biodiversité est un socle fondamental de la richesse des Etats-Unis. Les Etats-Unis devraient engager des actions de court et de long-terme pour préserver cette richesse fondamentale,
4. La biodiversité est essentielle pour la sécurité nationale et pour la stabilité internationale,
5. Une information adéquate est essentielle afin de d’appréhender les bénéfices de la biodiversité et les services rendus par les écosystèmes (ndlr : incluant la valeur de ces services).

L’équipe des responsables chargés de mettre en oeuvre la politique environnementale du nouveau président étant formée (voir bulletin électronique n°146 du 15/12/08), il conviendra aux tenants d’une action forte pour préserver la biodiversité de faire entendre leur voix, malgré les multiples sollicitations auxquelles ces responsables doivent faire face.

Source :

"Biodiversity in a Rapidly Changing World" – Conférence annuelle du National Council for Science and the Environment – 8 au 10 décembre 2008

Pour en savoir plus, contacts :

– Recommandations de la NCSE au nouveau président pour la préservation de la biodiversité : https://www.ncseonline.org/Conference/Biodiversity/Congressional%20Visits/Transition%20Memorandum%207%20edited.doc
– Mémorandum de la NCSE sur la place de la science pour la prise de décision en matière d’environnement et d’énergie : https://www.ncseonline.org/Conference/Biodiversity/Recommendations/Breakout%20Recommendations%201st%20edited%20draft.pdf
– Encyclopedia of Life : https://www.eol.org/
– "Nominations en cascade pour l’Energie et l’environnement" – BE Etats-Unis 146 (15/12/2008) : https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/56996.htm
Code brève
ADIT : 57072

Rédacteur :

Marc Magaud ([email protected])

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