Les promesses énergétiques des nanomatériaux piézoélectriques

Imaginez un téléphone portable qui n’a jamais besoin d’être rechargé. Comment ? En convertissant les ondes sonores qu’il produit en énergie dont il a besoin pour fonctionner. Cela n’est pas aussi tiré par les cheveux qu’il n’y paraît, grâce aux récents travaux de Tahir Cagin, un professeur d’ingénierie chimique à Texas A&M University.

De plus le principe est bien connu. Il est même séculaire : il s’agit d’utiliser les matériaux piézoélectriques, découverts par les frères Pierre et Jacques Curie en 1880. De nombreuses applications des matériaux piézoélectriques existent depuis longtemps. Ils sont par exemple utilisés comme détecteurs très précis : si d’un côté en leur appliquant un voltage relativement important on induit une très faible déformation mécanique (de l’ordre du picomètre/volt), de l’autre les matériaux piézoélectriques produisent un voltage lisible pour une très faible déformation : cela peut être utilisé dans des balances très précises. On les utilisait même dans les sonars pendant la première guerre mondiale, ils détectaient les changements de pression dans l’eau en produisant un signal électrique. On les trouve également dans des nanopositionneurs, car le voltage à appliquer ne nécessite pas d’être d’une très grande précision pour le nanopositionnement de matériel d’optomécanique. Nos processeurs sont cadencés par des cristaux de quartz, un matériau piézoélectrique bien connu. C’est moins connu, mais ils sont aussi utilisés pour leurs propriétés de génération d’énergie, certaines discothèque en Europe ayant équipé leur pistes de danse de piézoélectriques pour l’alimentation des lumières et du son !

A l’échelle du nanomètre, les matériaux réagissent différemment. Un piézoélectrique nanométrique est susceptible de se déformer sous des forces infiniment plus faibles que le mouvement d’une foule sur la piste de danse d’une discothèque, car les propriétés changent drastiquement à cette échelle. Cagin et ses partenaires de University of Houston ont démontré qu’un matériau piézoélectrique, lorsqu’il est assez petit, voit son efficacité de conversion s’améliorer à la hauteur de 100%. Assez petit ? Entre 20 et 23 nm d’épaisseur pour être précis ; en effet lorsque l’épaisseur est plus petite ou plus grande, la conversion d’énergie décroît significativement. Les résultats théoriques, détaillés dans l’article publié dans Physical Review B, peuvent potentiellement avoir des applications pour l’électronique basse puissance comme nos téléphones portables, nos ordinateurs portables, nos pda ou nos autres gadgets électroniques qu’on utilise quotidiennement et dont on ne se passe plus. L’autonomie des batteries de tous ces appareils électroniques demeure un obstacle technologique majeur face aux fonctionnalités qui n’ont de cesse de s’améliorer, et qui demandent toujours plus d’énergie. Tous ces dispositifs high tech contiennent des composants de taille nanométrique, et c’est pourquoi la découverte de Cagin et de son équipe pourrait représenter une grande avancée dans un domaine où la demande de consommation est très importante, donc économiquement très porteur. En conséquence, les dispositifs auto-alimentés suscitent un intérêt majeur de la part de différentes agences fédérales américaines.

Les applications militaires ne sont pas en reste. La DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), agence du Department of Defense, est constamment à l’affut de méthodes pour générer de l’énergie électrique pour les équipement électroniques portables des soldats sur le champ de bataille. On peut citer comme exemple l’utilisation de l’énergie issue des mouvements, en marchant par exemple. Et les capteurs, comme ceux utilisés pour détecter des explosifs, pourraient tirer grand avantage de la technologie auto-alimentée, qui pourrait réduire les besoins en batteries. Même les déformations des ondes sonores, comme les ondes de pression dans les gaz, liquides et solides pourraient être exploitées pour alimenter les nano et micro dispositifs du futur, si ces matériaux sont manufacturés de manière appropriée.

L’équipe est actuellement en train d’étudier le comportement de différents matériaux piézoélectriques à l’échelle nanométrique. Ils exploitent les différentes constitutions chimiques et physiques, et cherchent le moyen d’améliorer les performances de ces matériaux. L’énergie étant une des questions politiques les plus importantes dans le monde moderne, on peut s’attendre à voir de plus en plus de recherches allant dans ce sens, pour exploiter toute l’énergie perdue et la recycler. Et avec un peu de chance, on aura enfin des téléphones portables dont on n’aura plus à recharger les batteries dans un futur pas si lointain.

Source :

– "Power Harvesting Research Could Bring about Next Generation of Electronics", Texas A&M University, 1er Décembre 2008 – https://www.che.tamu.edu/department/power-harvesting-research-could-bring-about-next-generation-of-electronics
– "Piezoelectrics Promise To Create Energy from Everything", 2 décembre 2008 – https://www.scientificblogging.com/welcome_my_moon_base/piezoelectrics_promise_create_energy_everything
– "Dramatic enhancement in energy harvesting for a narrow range of dimensions in piezoelectric nanostructures" – https://scitation.aip.org/getabs/servlet/GetabsServlet?prog=normal&id=PRBMDO000078000012121407000001&idtype=cvips&gifs=yes

Pour en savoir plus, contacts :

Sur la piézoélectricité : https://www.techno-science.net/?onglet=glossaire&definition=6756
Code brève
ADIT : 56995

Rédacteur :

Alban de Lassus, [email protected]

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