Soutien à l’innovation dans les PMI-PME américaines : décisions importantes du Congrès sur fond d’indifférence

L’information est de taille mais elle est passée presque inaperçue aux Etats-Unis et à fortiori en Europe. C’est le 31 juillet 2009 que devaient expirer les deux principaux programmes de soutien à l’innovation concernant les quelque 6 millions de PMI-PME américaines, le SBIR et STTR [1]. Le premier, et le principal, concerne l’innovation, le second les transferts de technologies. Depuis son introduction en 1982, les deux programmes ont permis de financer 100.000 projets pour une valeur de 24 milliards de dollars. D’une façon générale, et les rapports d’évaluation sont unanimes sur leurs qualité et retombées, les deux programmes ont contribué à faire progresser le niveau technologique et la compétitivité des Etats-Unis. Grâce à ces programmes, 85.000 brevets ont été produits et l’on estime à plusieurs millions de postes hautement qualifiés le volume d’emplois créés.

L’argent fédéral semble également utilisé à bon escient puisque les budgets de ces programmes représentent à peine 4% des fonds fédéraux pour la recherche alors que les PMI-PME emploient aux Etats-Unis près de 40% des chercheurs et ingénieurs et qu’elles génèrent 13 à 14 fois plus de brevets par employé que les grandes entreprises.

Au cours des dernières semaines, les deux chambres du congrès (la Chambre des représentants et le Congrès) instruisaient le nouveau projet de loi visant au renouvellement et à l’amélioration du programme dont l’administration est assurée par le SBA et l’évaluation par le CNR [2]. Le travail parlementaire a été rondement mené même si les deux chambres ont du accorder leurs violons en créant une "conference", c’est-à-dire un comité conjoint de taille limitée qui a eu pour mission d’établir un consensus sur le projet de loi. Le différend, qui s’est également exprimé sur la colline du Capitole où plusieurs chefs d’entreprises se sont réunis pour protester, portait sur la levée partielle et plafonnée de la restriction introduite en 2005 par la SBA sur la présence de société de capital risque dans l’actionnariat des entreprises candidates au programme.

Ce changement trouve son origine dans une évaluation du CNR qui démontrait que la restriction de 2005 décidée par la SBA sur la présence de sociétés de capital risque dans les entreprises candidates au SBIR avait eu pour effet d’exclure entre 4,1 et 11,9% de ces dernières, ces entreprises ayant par ailleurs un potentiel supérieur en matière d’innovation. Le CNR concluait également que les restrictions "simplistes" imposées par la SBA avaient "diminué l’impact positif des investissements de recherche consentis par le pays dans le domaine des SDV" et que cela était (…) "contraire au principe même de la mission de la SBA qui veut que les fonds fédéraux contribuent à la valorisation de la recherche".

Le résultat des courses va dans le sens des recommandations de la CNR puisque la restriction est levée mais assortie d’un plafond et de conditions. Ainsi le NIH, principale institution fédérale concernée par le SBIR et au coeur de la question de la participation du capital risque dans les entreprises de biotechnologies, se voit désormais autorisé à rendre éligibles les entreprises détenues majoritairement par des sociétés de capital risque, à la condition que l’actionnariat d’une seule de ces sociétés ne dépasse pas 49%. A ceci s’ajoute un plafond, le NIH ne pouvant pas accorder plus de 18% de son budget SBIR à des entreprises possédées par des sociétés de capital risque.

Mais, comme souvent aux Etats-Unis, ce qui a cristallisé les débats est sans doute de bien moindre importance que le reste des dispositions qui ont une portée assez normative jusqu’en 2020. Et qui va sans doute modifier le paysage du soutien fédéral de l’innovation aux Etats-Unis. Il s’agit tout d’abord de la dotation des SBIR et STTR. Chaque année jusqu’en 2020, le pourcentage d’augmentation du SBIR [3] croîtra de 0,1% pour atteindre 3,5%, soit environ 3,8 milliards. Une somme considérable. Quant au STTR, sa progression est identique mais court jusqu’en 2015 pour atteindre à cette date 0,6%. En revanche, le SBIR ne sera pas abondé par le plan de relance de l’Administration qui avait pourtant prévu des rallonges budgétaires exceptionnelles pour les principales organisations fédérales finançant la recherche.

Mais ce n’est pas tout, deux autres nouveautés vont donner au programme SBIR un nouvel élan. Il s’agit tout d’abord des montants alloués pour les projets en phase 1 qui passent à 150.000 dollars (au lieu de 100.000) et à 1 million pour les projets en phase 2 (au lieu de 750.000). L’autre disposition concerne la suppression de l’obligation de passer par la phase 1 [4] pour postuler à la seconde.

Au total, cette nouvelle loi, passée sous silence par la presse, vient confirmer la nouvelle importance accordée par les pouvoirs exécutif et législatif aux questions d’innovation technologique aux Etats-Unis. De toute évidence, les autorités fédérales souhaitent, même en temps de crise et de grosses difficultés budgétaires, actionner tous les leviers possibles pour faire en sorte que le pays conserve son avance technologique et puisse rapidement sortir de la mauvaise conjoncture grâce à l’innovation. La nouvelle loi apporte également du crédit à l’idée que les autorités fédérales n’envisagent pas de grands plans mobilisateurs ni de réformes institutionnelles majeures dans le domaine de l’innovation technologique.

[1] Pour comprendre le fonctionnement de ces programmes, le lecteur se reportera à notre BE Etats-Unis 169 du 12 juin 2009 : "Soutien à l’innovation dans les PMI-PME et capital risque : l’Administration fédérale a-t-elle fait fausse route ?" – https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/59484.htm

[2] Voir BE 169 du 12 juin 2009 : https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/59484.htm

[3] L’assiette du SBIR et STTR repose les fonds fédéraux à la recherche. Ainsi toutes les agences fédérales finançant la recherche pour un montant supérieur à 100 millions ont pour obligation de consacrer 2,5% de leur dotation au programme SBIR et 0,3% au STTR. Voir BE 169 du 12 juin 2009 : https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/59484.htm

[4] Voir description des phases dans le BE 169 du 12 juin 2009 : https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/59484.htm

Source :

– "Funding Bill for Start-Ups Criticized", Kim Hart, Washington Post, 08/07/09: https://mobile.washingtonpost.com/detail.jsp?key=408897&rc=tech&p=1&all=1
– "A Helping Hand For Venture Capital?" Melanie Lindner, Forbes, 10/07/09: https://www.forbes.com/2009/07/10/small-business-grants-entrepreneurs-finance-sbir.html?feed=rss_entrepreneurs

Pour en savoir plus, contacts :

S.1233 "To reauthorize and improve the SBIR and STTR programs, and for other Purposes" – https://sbc.senate.gov/legislation/S.1233final.pdf
Code brève
ADIT : 60022

Rédacteur :

Antoine Mynard, [email protected]

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