Twitter, l’Iran, la Révolution, le Département d’Etat et les journalistes

Le Département d’Etat des Etats-Unis aurait demandé au réseau social Twitter de retarder des travaux de maintenance cette semaine afin d’éviter des perturbations de communications entre les utilisateurs iraniens s’organisant pour protester dans la rue depuis la réélection du Président Mahmoud Ahmadinedjad. Cette hypothèse illustre l’influence croissante des services de réseaux sociaux comme moyens de communications, la couverture des événements par les médias étrangers étant pendant ce temps là limitée par les restrictions du gouvernement iranien interdisant aux journalistes l’accès aux manifestations.

Si l’intervention du Département d’Etat n’est pas officielle elle a été confirmée par un responsable sous couvert d’anonymat. La Maison Blanche a quant à elle déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une directive du Secrétaire d’Etat mais de contacts de bas niveau entre employés de Twitter et du Département d’Etat. Cette initiative contrasterait avec les récents commentaires de Barack Obama qui affirmait la non-ingérence des Etats-Unis sur le sujet malgré sa profonde inquiétude sur le déroulement des élections.

Depuis vendredi 13 juin, les expatriés iraniens s’échangent leurs informations en se transmettant les tweets en provenance d’Iran. Certaines images et vidéos des violences de la police contre les manifestants ont également pu être diffusées grâce à des sites tels que Flickr ou Youtube. Twitter n’est ainsi pas le seul service Web utilisé par les électeurs en colère mais certainement l’un des plus robustes pour résister aux tentatives de filtrage du gouvernement qui a réussi à bloquer l’accès à l’omniprésent Facebook.

Il est difficile d’évaluer la quantité de tweets circulant actuellement en Iran, beaucoup de tweets étant émis par des expatriés et l’interface de Twitter ne supportant pas le Farsi. L’impact de Twitter à l’intérieur de l’Iran n’est probablement que modéré en raison de l’impossibilité de communiquer en Farsi, mais l’importance du réseau pour faire sortir les informations du pays est unanimement reconnue. Les informations principales sortent grâce à Twitter, les mouvements des journalistes étrangers étant limités et les réseaux téléphoniques partiellement coupés.

La qualification de "Révolution Twitter" à propos des manifestations iraniennes par les journalistes américains est certainement exagérée dans la mesure où les citoyens se sont majoritairement organisés à l’ancienne mais elle témoigne de l’intérêt croissant pour des formes de communication alternatives, plus rapides, plus directes mais aussi plus difficiles à vérifier. Les chaines d’informations nationales, et CNN en particulier, n’ont pas immédiatement exploité les vagues d’informations diffusées sur Twitter. Mais, s’exposant à de nombreuses critiques d’utilisateurs rassemblés autour du mot clé #cnnfail, symbolisant la faillite de la chaîne concernant le suivi des événements, l’ensemble des grands médias américains a relayé après quelques jours les informations, images et vidéos véhiculées par les tweets échangés autour du sujet.

L’usage de nouvelles technologies par des mouvements contestataires dans le but d’échapper à la censure d’un gouvernement n’est pas une première. A une moindre échelle les contestataires moldaves avait également eu recours à Twitter pour diffuser leurs messages il y a quelques mois. Plus tôt encore, durant les derniers jours de l’Union Soviétique les dissidents utilisaient des services de fax pour propager leurs idées dans le pays.

Source :

– The Internet Underground Captures The Turmoil In Tehran, 16 juin 2009 – https://www.cbsnews.com/blogs/2009/06/16/world/worldwatch/entry5092445.shtml
– Twitter delays down time to aid Iranian protesters,16 juin 2009 –
https://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2009/06/16/AR2009061601221.html
– Iran’s Twitter Revolution? Maybe Not Yet, 17 juin 2009 – https://www.businessweek.com/technology/content/jun2009/tc20090617_803990.htm

Rédacteur :

Franz Delpont [email protected]

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