L’avenir des grandes universités publiques de recherche : l’appel de UC Berkeley en faveur d’une nouvelle donne financière

Jeudi 24 septembre 2009, près de 5.000 manifestants se sont réunis sur le campus de l’Université de Californie à Berkeley. Employés, professeurs et étudiants protestaient contre les conséquences des difficultés financières auxquelles est confrontée l’Université de Californie dans son ensemble [1] suite à la coupe de 813 millions USD [2] dans les subventions versées par l’Etat de Californie [3] : suppressions de postes, perspective d’une nouvelle augmentation des frais de scolarité- après une hausse de 45% sur les deux dernières années- ainsi que d’une diminution de 6% des nouvelles admissions pour la rentrée 2010. Ces subventions de l’Etat, sur un budget total de l’Université de 19,2 milliards USD en 2009, sont principalement destinées aux salaires des équipes pédagogiques et aux programmes de premier cycle, ce qui explique que ces secteurs soient les premiers touchés, tandis que le secteur de la recherche est encore relativement épargné.

Avec la crise économique, les diminutions des budgets des Etats consacrés à l’enseignement supérieur se conjuguent à une baisse des dotations privées et à une augmentation des demandes d’aide financière de la part des étudiants. Prises dans cet effet de ciseaux financier, les universités publiques ont en effet été amenées à augmenter leurs frais de scolarité, à compter davantage sur les étudiants originaires d’autres Etats et payant à ce titre des frais de scolarité plus élevés, et à réduire le nombre de nouveaux étudiants admis. A titre d’illustration, en 2008, les frais de scolarité de l’université de Berkeley pour un étudiant californien s’élevaient à 8.352 USD tandis qu’ils atteignaient 30.022 USD pour les étudiants originaires d’autres Etats [4].

Plus grave encore, ces difficultés financières, particulièrement aigues en Californie [5] mais plus générales pour les universités publiques relativement aux universités privées les mieux dotées, conduiraient selon de nombreux responsables à affaiblir la compétitivité des grandes universités publiques vis-à-vis de leurs homologues privées. Certains classements d’universités, comme le Times Higher Education ranking paru le 12 octobre 2009, semblent abonder dans ce sens, montrant par exemple la régression dans les classements de trois des principales universités publiques de recherche: l’Université de Berkeley qui occupait le 22ème rang mondial en 2007 occupe aujourd’hui le 39ème rang mondial. De même, l’Université du Wisconsin Madison est passée du 55ème au 61ème rang mondial entre 2007 et 2009. L’université d’Illinois à Urbana Champaign pour sa part serait sur une tendance plus irrégulière bien que descendante sur le moyen terme, ayant connu un rebond partiel depuis 2006 après une chute importante auparavant : 35ème en 2004 à 77ème en 2006 puis 63ème en 2009.

Soulignant que les 10 meilleures universités publiques accueillent 350.000 étudiants tandis que les 8 universités de la prestigieuse Ivy League accueillent moins du sixième de cet effectif, Robert Birgeneau, président de Berkeley, et Frank D. Yeary, vice-président, proposent un "plan de sauvetage" [6] de ces institutions publiques, dont la contribution fondamentale à l’effort national de formation et de recherche se double d’une d’une formidable garantie de mixité ethnique et sociale [7].

Il s’agirait de créer un système de financement mixte des Etats et du gouvernement fédéral en direction -pour commencer- de quelques unes des universités publiques américaines les plus reconnues. Un principe avancé par les dirigeants de Berkeley consisterait à accroître massivement les financements publics tout en les indexant sur les fonds privés recueillis par les universités de façon à ce que ne se relâchent pas les efforts de levée de fonds privés. La contribution fédérale dans cette proposition devrait (le tout calculé sur une moyenne de dix ans) s’élever au double des dotations privées obtenues, et l’apport de l’Etat fédéré serait égal à ces dernières. Les dépenses visant à maintenir l’excellence de ces universités proviendraient des intérêts de ce capital constitué.

Les institutions devraient dès lors être en mesure de maintenir leur niveau sans sacrifier à une hausse des frais de scolarité. Une partie de ces ressources publiques permettrait l’harmonisation des frais de scolarité et des aides financières entre les élèves, originaires ou non de l’Etat de l’université concernée, permettant comme le souhaite Robert Birgeneau d’accroître la diversité d’origines géographiques sur le campus de Berkeley [8].

Si le débat ne fait que commencer, il ne faut pas sous-estimer les difficultés auxquelles un tel mode de fonctionnement devrait faire face. Dans la mesure ou il favoriserait les établissements publics les mieux reconnus, ce système pourrait faire l’objet d’une levée de boucliers de la part des Etats ne disposant pas de grandes institutions d’enseignement supérieur, sans même mentionner l’aversion qu’une telle intervention du gouvernement fédéral susciterait de la part des puissants groupes anti fédéralistes.

[1] Qui regroupe 225.000 étudiants sur 10 campus

[2] Cumulés sur les deux derniers exercices fiscaux 2008-2009 et 2009-2010

[3] Subventions de l’Etat de Californie qui s’élevait en 2007 /2008 à 3257 millions de dollars

[5] Cette baisse du budget consacré a l’enseignement supérieur s’explique en partie par la "Proposition 13", amendement a l’article 13 de la constitution de l’Etat de Californie qui limite les impôts fonciers, dont beaucoup aujourd’hui demande l’abrogation notamment Robert Birgeneau, président de l’université de Berkeley

[8] Aujourd’hui les étudiants n’étant pas originaires de Californie représentent seulement 10% de la population étudiante totale de Berkeley.

Source :

– Rescuing our Public Universities – The Washington Post – 27 septembre 2009 : https://www.washingtonpost.com/
– Saving public Higher education- Inside Higher education- 1 octobre 2009 – Joseph E. Aoun : https://www.insidehighered.com/views/2009/10/01/aoun
– 5,000 at UC Berkeley protest tuition increases, furloughs, layoffs – MercuryNews – 25 septembre 2009 : https://www.mercurynews.com/alamedacounty/ci_13411072
– Crowds flood UC Berkeley in Protest – The Daily Californian – 25 septembre 2009
https://www.dailycal.org/article/106787/crowds_flood_uc_berkeley_in_protest

Pour en savoir plus, contacts :

– [4] US News – National Universities Rankings: https://colleges.usnews.rankingsandreviews.com/best-colleges/national-universities-rankings
– [6] Rescuing our Public Universities – The Washington Post – 27 septembre 2009 https://blog.dailycal.org/news/2009/09/28/rescuing-our-public-universities/
– [7] Saving public Higher education- Inside Higher education- 1 octobre 2009 – Joseph E. Aoun https://www.insidehighered.com/views/2009/10/01/aoun
– Sur les diminutions de budget des universités publiques : USA Today – Public universities predict hefty tuition hikes – 22 avril 2009 : https://www.usatoday.com/news/education/2009-04-21-tuition-public_N.htm
– Inside Higher Education – Tarnished Jewel – 13 juillet 2009 : https://www.insidehighered.com/news/2009/07/13/california1
– Sur le classement mondial des universités : World university rankings – Times Higher education : https://www.timeshighereducation.co.uk/hybrid.asp?typeCode=432&pubCode=1
– Sur les propositions de Birgeneau et Yeary – The Daily Californian – Notes from the field – 28 septembre 2009 : https://blog.dailycal.org/news/2009/09/28/rescuing-our-public-universities/
Code brève
ADIT : 60894

Rédacteur :

Marion Bruley, [email protected]

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