L’Higher Education Act (HEA) adopté à l’origine en 1965 régit les aides financières aux étudiants et doit être renouvelé périodiquement. Alors que la dernière échéance était fixée à 2003, il a fallu 7 ans de négociations et 14 extensions provisoires avant que cette loi ne soit finalement ré-autorisée en août 2008 avec 5 ans de retard. Cette nouvelle version est de loin la plus volumineuse (1158 pages) et comprend une variété de mesures de politique d’enseignement supérieur allant bien au-delà des simples aides aux étudiants.
Ces derniers sont actuellement confrontés à des augmentations importantes des frais d’inscription, à un système complexe de demande d’aides financières ainsi qu’à une industrie des prêts étudiants teintée de conflits d’intérêt et de corruption. Deux grands objectifs du HEA sont de rendre les études supérieures plus accessibles et de protéger les intérêts des étudiants face aux prêteurs privés.
Le premier objectif passe tout d’abord par des mesures destinées à limiter la hausse des frais d’inscription, et concernant d’une part les universités et d’autre part les Etats fédérés. Les universités sont ainsi tenues de rapporter au Ministre de l’Education le montant des frais d’inscriptions qu’elles pratiquent et de fournir les raisons pour lesquelles elles augmentent leurs prix. En outre, le Ministère de l’Education devra publier la liste des universités les plus chères, celle des universités les moins chères et celles dont les frais d’inscription ont le plus augmenté. Les étudiants auront également accès en ligne à la liste des spécialisations les plus cotées et aux taux de réussite aux examens ainsi qu’à un programme qui leur permettra d’estimer le coût de leur formation.
En raison d’une situation économique particulièrement difficile, de nombreux Etats ont récemment réalisé des coupes dans leurs budgets dédiés à l’enseignement supérieur, contribuant ainsi à l’augmentation des frais d’inscriptions. Le HEA oblige les Etats à maintenir l’augmentation de leurs financements au profit de l’enseignement supérieur à un rythme au moins égal à l’augmentation moyenne relevée sur les cinq années précédentes, pour un total d’au moins 10% de leur budget. Si les Etats ne se plient pas à cette exigence, le gouvernement fédéral ne co-financera plus certains programmes. Cette mesure a été accueillie plus que fraîchement par les Etats fédérés qui déplorent cette intrusion de l’Etat fédéral dans la gestion de leurs dépenses. Ce type de mesure empêche en effet les Etats de rediriger au besoin leurs financements vers d’autres domaines tels que la santé et la sécurité, qui relèvent également de leur compétence. En outre, ils hésiteront probablement à augmenter leur soutien à l’enseignement supérieur en période faste, craignant de ne pas pouvoir maintenir leur effort les années suivantes.
Par ailleurs, le HEA simplifie le processus de demande d’aides fédérales en ligne pour les étudiants. L’une de ses mesures phares est l’extension du bénéfice des bourses Pell (bourses fédérales sur critères sociaux) à l’année calendaire plutôt qu’à la seule année universitaire. Le HEA contient également de nombreuses autres mesures à l’intention des étudiants à revenus faibles, de la première génération à accéder à l’enseignement supérieur, issus de minorités, ou encore handicapés. Plus largement, cette loi multiplie les programmes de bourses (plus de 60), répondant ainsi aux demandes d’une variété de groupes d’intérêt. Cela a pour effet à la fois d’ajouter à la complexité du système d’aides et de disperser les ressources.
S’agissant des prêts étudiants privés, le HEA requière que les établissements d’enseignement supérieur ainsi que les organismes prêteurs adoptent des codes de conduite stricts. Il demande également à ce que soient fournies aux étudiants les informations nécessaires sur leurs options d’emprunt et de remboursement, et notamment les taux d’intérêt. De plus, il donne aux étudiants un délai de trois jours pour renoncer au prêt.
Une disposition qui obligeait les prêteurs à obtenir auprès de l’université un certificat de scolarité de l’étudiant ainsi que des informations sur le montant des frais de scolarité a été abandonnée. Cette exigence aurait permis aux universités d’être averties des intentions de l’étudiant, de le conseiller sur les autres options disponibles (prêts fédéraux, bourses publiques et privées…) et de vérifier s’il remplit les conditions pour obtenir une aide fédérale. En effet, 20% des étudiants en licence qui ont eu recours à un prêt privé en 2004 n’ont pas épuisé les options de prêt fédéral au préalable. Les prêts fédéraux ont des taux d’intérêt fixes modestes et permettent des aménagements en cas de maladie ou de chômage, ainsi qu’un remboursement en fonction des revenus. En comparaison, les prêts privés représentent un réel risque financier. Dans la version finale de la loi, les étudiants restent en théorie tenus d’informer le prêteur des coûts de leur formation (et donc de s’en renseigner auprès de l’université).
Au-delà des dispositions purement liées au coût et au financement des études, cette loi contient des mesures dans une variété de domaines :
– Elle interdit au Ministère de l’Education d’intervenir dans la définition des critères utilisés par les agences d’accréditation pour évaluer les établissements d’enseignement supérieur en termes de performance des étudiants. Elle reconfigure également la commission qui conseille le Ministère de l’Education sur les questions d’accréditation pour que ses membres soient élus non plus seulement par le Ministre mais également par la Chambre des Représentants et le Sénat.
– Elle crée des programmes destinés à éveiller l’intérêt des étudiants pour la science, la technologie et les langues étrangères, en collaboration avec des entreprises et d’autres parties prenantes.
– Elle cherche à améliorer la formation et le recrutement des enseignants, notamment en sciences et en technologies.
– Elle encourage les étudiants à choisir des emplois au service du public en leur faisant grâce d’une partie du remboursement de leur prêt (jusqu’à 10.000 dollars) s’ils choisissent par exemple de devenir infirmiers, éducateurs ou pompiers.
– Elle renforce la sécurité sur les campus.
– Elle encourage les universités à adopter des pratiques durables et efficaces du point de vue énergétique.
– Elle enjoint aux universités de créer des plans pour donner aux étudiants des moyens légaux de télécharger des films et de la musique et ainsi que d’explorer des technologies permettant d’arrêter le partage de fichiers pair à pair.
– Elle introduit de nouvelles mesures pour lutter contre les moulins à diplômes (des institutions qui délivrent des diplômes selon des standards de qualité douteux et sans reconnaissance par les organismes d’accréditation officiels).
– Elle rend les coûts des manuels plus facilement gérables, notamment en rendant les prix plus clairs et disponibles à l’avance ainsi qu’en interdisant la pratique systématique d’offres groupées comprenant différents produits.
Les membres du Congrès se disent soulagés par l’adoption de cette loi aux proportions éléphantesques. Il serait réducteur de dire que la montagne a accouché d’une souris puisque cette loi constitue un grand pas en avant vers plus d’intégrité et de transparence dans la pratique des prêts et vers la réduction du coût des études et une plus grande accessibilité. Cependant, des progrès sont encore à réaliser et malgré les 7 ans qu’il aura fallu pour peaufiner cette loi, elle reste un véritable patchwork de mesures diverses et variées et manque d’efficacité dans de nombreux domaines, en raison notamment de la multiplication des programmes, de la simplification incomplète du système d’aides fédérales, de l’absence d’une véritable obligation pour les universités de réduire la croissance de leurs frais d’inscriptions, ou encore de la multiplication des formalités à remplir pour les étudiants et pour les établissements qui prendront du temps et coûteront inévitablement de l’argent. Il reste à espérer que la ré-autorisation du HEA à l’horizon 2013 sera moins chaotique apportera de véritables réponses.
Source :
– "Battles Over State Spending and Black Colleges Slow Higher-Ed Bill" – Kelly FIELD – The Chronicle of Higher Education – 24/07/2008 – https://chronicle.com/daily/2008/07/3955n.htm
– "With Compromises, Higher-Ed Bill Could Move Through Congress This Week" – Sara HEBEL – The Chronicle of Higher Education – 28/07/2008 – https://chronicle.com/daily/2008/07/3984n.htm
– "7 Years, 1,158 Pages … and Almost Done" – Doug LEDERMAN – Inside Higher Ed – 30/07/2008 – https://www.insidehighered.com/news/2008/07/30/hea
– "House and Senate Negotiators Approve Compromise Higher Education Act" – Kelly FIELD – The Chronicle of Higher Education – 30/07/2008 – https://chronicle.com/daily/2008/07/4037n.htm
– "HEA: A Huge, Exacting Accountability Bill" – Doug LEDERMAN – Inside Higher Ed – 01/08/2008 – https://www.insidehighered.com/news/2008/08/01/hea
– "Long-Overdue Higher-Education Bill Is Close to Becoming Law" – Kelly FIELD – The Chronicle of Higher Education – 01/08/2008 – https://chronicle.com/daily/2008/08/4077n.htm
– "Congress Creates Numerous New Grants Programs, to Secretary’s Dismay" – Kelly FIELD – The Chronicle of Higher Education – 04/08/2008 – https://chronicle.com/news/article/4931/congress-creates-numerous-new-grant-programs-to-secretarys-dismay
– "Conservatives Claim Some Victories in Democratic Congress’s Higher-Education Bill" – Kelly FIELD – The Chronicle of Higher Education – 06/08/2008 – https://chronicle.com/daily/2008/08/4131n.htm
– « How 5 Key Issues Were Handled in the Higher Education Act’ – The Chronicle of Higher Education – 08/08/2008 – https://chronicle.com/weekly/v54/i48/48a01202.htm
– "The New Higher Education Act: Where It Comes Up Short" – The Chronicle of Higher Education – 08/08/2008 – https://chronicle.com/weekly/v54/i48/48a01901.htm
– "A Bill That Took Longer Than a Bachelor’s Degree" Kelly FIELD – The Chronicle of Higher Education – 08/08/2008 – https://chronicle.com/weekly/v54/i48/48a00102.htm
– "Buried in Vast Higher-Education Bill Is Another Expansion of Loan Forgiveness" – Kelly FIELD – The Chronicle of Higher Education – 11/08/2008 – https://chronicle.com/news/article/4973/buried-in-vast-higher-education-bill-is-another-expansion-of-loan-forgiveness
– "President Bush Signs Legislation to Renew the Higher Education Act" – Kelly FIELD – The Chronicle of Higher Education – 14/08/2008 – https://chronicle.com/news/article/4996/president-bush-signs-legislation-to-renew-the-higher-education-act
– "Education Secretary Protests New Grants in Reauthorization Bill" – Kelly FIELD – The Chronicle of Higher Education – 15/08/2008 – https://chronicle.com/weekly/v54/i49/49a01302.htm
– "President Signs HEA Overhaul into Law" – Rob BOISSEAU – FYI: The AIP Bulletin of Science Policy News – 14/08/2008 – https://www.aip.org/fyi/2008/084.html
– "Higher Education Opportunity Act Signed Into Law" – Committee on Education and Labour – House of Representatives – 14/08/2008 – https://edlabor.house.gov/micro/coaa.shtml
Pour en savoir plus, contacts :
– "Les études supérieures aux Etats-Unis sont de plus en plus onéreuses" – Estelle BOUZAT – BE Etats-Unis 98 – 5/11/2007 – https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/51664.htm
– "Nouvelle mesure pour alléger l’endettement des étudiants" – Marie PARSY – BE Etats-Unis 63 – 26/01/2007 – https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/41003.htm
– "L’endettement des étudiants" – Marie PARSY – BE Etats-Unis 46 – 8/09/2006 – https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/38964.htm
– "Quelques données sur le financement des études undergraduate" – Marie PARSY – BE Etats-Unis 45 – 31/08/2006 – https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/38760.htm
Code brève
ADIT : 55841
Rédacteur :
Estelle Bouzat – [email protected]