Du Web 1 au Web 3, l’évolution d’internet
A l’origine, le Web 1 est un internet qui se veut ouvert. Des années 1990 à 2005, internet a des fins éducatives. Il est décentralisé, construit sur des protocoles ouverts, et gouverné par la communauté. Quelques utilisateurs publient du contenu via des pages web statiques tandis qu’une majorité consomme l’information.
De 2005 à 2021, le Web 2 démocratise l’accès à internet et apporte une dimension sociale. De grandes entreprises comme Google, Facebook, Amazon, centralisent les services proposées et facilitent l’expérience utilisateur. Il est désormais possible d’échanger du texte, des photos ou encore des vidéos. Cependant sur le Web 2.0, tout contenu est fongible. Une image peut être répliquée à l’infini, une vidéo rediffusée sur différentes plateformes et ceci sans trop se soucier du propriétaire du contenu originel.
Sur le Web 2, la véritable possession n’est qu’illusion. Un créateur qui publie du contenu sur Facebook, Youtube ou encore Instagram se défait instantanément de ses droits après publication et les lègue à une poignée de grandes entreprises centralisées (le plus souvent les GAFA). Alors que le créateur produit gratuitement, ou à très faible rétribution, du contenu, les GAFA le monétise et en accumule tous les revenus. La monétisation des données des utilisateurs est au cœur des business model du Web 2 et exerce un pouvoir de soumission sur ces derniers. Il suffit que la plateforme bannisse le compte d’un utilisateur, ou cesse de fonctionner, pour que tout le travail accompli, la communauté construite et la propriété intellectuelle de l’auteur soit supprimée. De plus, il n’y a aucune interopérabilité entre les plateformes. Un auteur à succès sur Amazon avec une excellente notation devra, s’il vient à changer de plateforme, tout recommencer à zéro et à nouveau faire ses preuves pour construire sa communauté, car actuellement les donnés ne sont pas transférables et chaise gardé des entreprises.
Le web 2 est un internet centralisé qui bénéficie uniquement à un petit groupe d’individus et où il n’y a ni rareté, ni unicité, ni propriété.
L’idée du Web 3, dont les prémices commencent tout juste, est de construire un internet décentralisé qui apporte de la valeur, du sens et de l’interopérabilité sur internet. On parle d’ailleurs du web 3 comme du web sémantique. L’objectif est d’introduire dans le monde numérique des valeurs du monde physique comme la rareté, l’unicité et la propriété. Le Web 3 se veut un internet partagé où chaque créateur, chaque développeur aura le contrôle sur ses données/son contenu et le bénéfice de sa monétisation.
Cette vision du web 3 repose en partie sur les technologies blockchain qui permettent de faire coexister sur internet à la fois du contenu fongible, sous format de token fongible comme les crypto-monnaies par exemple, et non-fongible, autrement dit sous la forme de Non-Fungible Token ou NFT.
Les NFTs, un véritable changement de paradigme pour le Web 3
Un NFT, Non-Fungible Token, ou jeton non fongible en Français, désigne un objet numérique auquel est attaché un certificat d’authenticité numérique.
Plus exactement, un NFT est un jeton cryptographique stocké sur une blockchain. Ce dernier est rattaché, voire dans la plupart des cas indissocié d’un fichier numérique, qui peut être une image, une vidéo ou encore un fichier audio. Alors que le fichier numérique seul est fongible, le NFT associé est non fongible, autrement dit, il possède une propriété unique.
Dans le monde physique, l’argent est fongible. Il est possible d’échanger des euros contre des dollars à condition que les valeurs respectives soient équivalentes. En revanche, les œuvres d’art ou encore les pièces de collections sont non fongibles. Elles sont uniques et ne peuvent pas être échangées contre un autre objet analogue.
Grâce aux technologies blockchains, cette même distinction est désormais possible dans le monde numérique. Alors que les cryptomonnaies sont fongibles et peuvent être échangées entre elles, les NFTs sont non-fongibles. Ce sont des objets uniques, rares et non interchangeables qui peuvent être possédés par un propriétaire unique inscrit dans le grand registre décentralisé qu’est la blockchain. Pour résumer, il est pertinent de retenir que contrairement aux crypto-monnaies qui sont définies par leur valeur, les NFTs sont définies par leur propriété unique.
Les NFTs amènent une réelle valeur ajoutée sur internet, celle d’apporter à des objets numériques des caractéristiques propres aux objets physiques : rareté, unicité et propriété. Au-delà d’intégrer la notion de possession, les NFTs offrent avant tout la place à l’existence de droits robustes pour les utilisateurs d’internet.
Exemples majeurs de la puissance du marché naissant des NFTs
Créé pour la première fois en 2014, les NFTs ont réellement touché le grand public à partir de 2017.
Sur la Blockchain, acheter un NFT équivaut à acheter la propriété exclusive de l’œuvre originale incluse dans ce NFT. Le créateur peut ainsi conserver ses droits d’auteur et de reproduction tandis que l’acheteur acquiert certains droits comme celui de publier l’œuvre en ligne. Grâce aux NFT les artistes peuvent vendre un fichier numérique comme il vendrait une œuvre physique, accéder à un marché mondial et bénéficier des ventes secondaires de leurs œuvres. Ils ne dépendent plus de l’infrastructure et de la distribution des plateformes qu’ils utilisent. En parallèle, l’acheteur par son achat peut soutenir un artiste, collectionner des œuvres d’art numérique et spéculer sur ces dernières.
Un exemple majeur sur le marché des NFTs est celui des CryptoPunks, considérée comme une des collections NFT précurseur des plus populaires. Les CryptoPunks sont une collection de 10 000 NFTs représentant des personnages pixelisés uniques, avec chacun des caractères différents.
La collection a débuté en 2017 alors qu’une grande partie du monde commençait tout juste son engouement pour le bitcoin. La vente la plus élevée a été réalisé en octobre dernier, pour le CryptoPunk #9998, vendu pour 530 millions de dollars .
Collection NFT CryptoPunks
CryptoPunk #9998, vendu pour 530 millions de dollars en Octobre 2021
Sur la scène Française, Sorare, la plus grande licorne de la FrenchTech avec une levée record de 680 millions de dollars et une valorisation de 4,3 milliards de dollars en septembre 2021 est un exemple de collection NFTs à succès. Sorare est une collection de 540 000 NFTs représentant des joueurs de foots, comme l’a été auparavant le cas des cartes panini. Avec plus de 150 000 utilisateurs actifs, la plus grosse vente de Sorare s’élève jusqu’à présent à 290 000 dollars, déboursés pour la carte NFT de Cristiano Ronaldo en mars dernier.
Collection NFT Sorare
Carte NFT de Cristiano Ronaldo vendu pour $290 000 en Mars 21
L’application des NFTs la plus concrète aux yeux du grand public se situe dans l’art et le divertissement. Pour autant, de nombreuses applications sont actuellement en développement dans bien d’autres domaines notamment dans le retail, le gaming, la supply chain ou encore l’évènementiel.
Toujours plus de nouveaux cas d’usage émergent chaque jour et la courses des NFT n’est pas prête de s’arrêter.
Définitions:
- Technologies blockchain : technologie qui permet de stocker et transmettre des informations de manière transparente, sécurisée et sans organe central de contrôle.
- Crypto-monnaies : nom donné aux monnaies virtuelles qui existent et sont utilisées sur les blockchains.
- Jeton cryptographique : élément numérique sécurisé par un ensemble de procédés visant à crypter des informations pour en assurer la confidentialité entre l’émetteur et le destinataire.
Ressources pour approfondire le sujet :
- L’histoire des NFT de 2014 à 2021 : https://www.artnews.com/list/art-news/artists/2021-year-of-the-nft-1234614022/dread-scott-white-male-for-sale/
- Les blockchains et la protection des données personnelles : https://fscience-old.originis.fr/les-blockchains-et-la-protection-des-donnees/
- Les startups blockchain de la Silicon Valley innovantes en matière de nouveaux algorithmes de consensus : https://fscience-old.originis.fr/les-startups-blockchain-de-la-silicon-valley-innovantes/
- NFT Canon, Future : https://future.a16z.com/nft-canon/
Rédaction :
Héloïse Pajot, Attachée adjointe pour la Science et la Technologie à San Francisco. contact: [email protected]