Première du classement des universités de médecine, Harvard souhaite ne plus y apparaître

La faculté de médecine de l’Université d’Harvard, ou Harvard Medical School, a récemment décidé de ne plus fournir de données à US News and World Report qui effectue chaque année, en se basant sur les données transmises par les universités, un classement très attendu et consulté, notamment par les jeunes étudiants souhaitant poursuivre des études supérieures au moment de leurs dépôts de candidatures. Pourquoi cette grande université se défait-elle d’un classement qui l’honore?
Harvard University / Crédit photo : Clay Banks, Unsplash

 

Dans une lettre ouverte à US News and World Report, George Daley, doyen de la faculté de médecine de l’Université d’Harvard, annonce renoncer au titre honorifique que lui fait le classement publié. Suivant ainsi le mouvement audacieux impulsé par les facultés de droits d’Harvard et de Yale, elles-mêmes suivies par une douzaine d’autres facultés de droit, Harvard est une des premières universités à rompre avec ce système de classement dans le domaine de la médecine. L’Université de Chicago avait appelé les écoles de médecine à s’affranchir de ce classement en Novembre 2022.

Pourtant, le classement publié par le US News and World Report n’était pas en défaveur de ceux qui refusent désormais d’y figurer : la plupart des facultés de droits concernées sont dans le top 15 de ce classement. Et quand bien même cela pourrait leur porter préjudice, d’autres universités, à un niveau plus bas dans le classement, quittent ce système. Cependant, le média persiste à afficher ces universités dans son classement, et s’appuie sur des données publiques (notamment celles fournies par American Bar Association) pour l’alimenter.

Qu’est-ce qui pousse ces universités à vouloir quitter ces classements ?

George Daley considère que US News and World Report ne valorise pas l’excellence éducative de Harvard Medical School, le savoir-être humain qu’elle transmet (sur les questions d’empathie et d’équité de prise en charge face à la diversité notamment), ou la préparation des diplômés à l’action sur le terrain. Ces aspects semblent pourtant clé dans la formation des médecins de demain. De manière générale, le classement pénaliserait les facultés dont les diplômés se tournent vers des carrières d’intérêt public plutôt que vers le secteur privé.

Le doyen pointe également du doigt un problème d’intégrité, qui rejoint les arguments des facultés de droit ayant suivi plus tôt la même démarche, ainsi que ceux mis en avant par deux administrateurs de la faculté de l’Université de Chicago. Ce type de classement inciterait les universités au mensonge sur leurs “performances” (définies selon les critères du classement) et les pousserait à diriger les bourses vers les étudiants les plus performants plutôt que vers ceux issus de milieux moins favorisés. 

À titre d’exemple, Columbia University a chuté de 16 places dans le classement lorsque le professeur de mathématiques Michael Thaddeus a dénoncé la soumission de données erronées par Ivy League (qui regroupe Brown, Columbia, Cornell, Harvard, Dartmouth, Penn, Princeton et Yale). Dans la même veine, le doyen de Temple Business School à Philadelphie (Pennsylvanie) a été condamné à 14 mois de prison et 250.000 dollars d’amende pour données falsifiées.

Alors que New York University (classée deuxième université en médecine après Harvard), ainsi que Columbia University et University of California San Francisco (classées troisièmes) ne se sont pas prononcées sur la question, Johns Hopkins University (également troisième du classement) affirme être consciente du biais apporté par le classement peu nuancé publié par US News and World Report et considère s’en défaire à terme. Néanmoins, elle y reste fidèle pour 2023.

Comment les jeunes étudiants vont-ils pouvoir aiguiller leurs choix de façon plus juste et plus honnête?

George Daley invite les jeunes étudiants à se faire une opinion par eux-mêmes ou à étoffer ce que leur suggère ce type de classement en explorant les outils de communication (en particulier les sites internet) des universités. Il leur suggère également d’utiliser des outils comme les services en ligne proposés par l’Association of American Medical Colleges (AAMC) qui leur permettront de comparer les facultés de médecine selon leurs propres critères.

Rédactrice :  

Clara Devouassoux, Chargée de mission scientifique, Los Angeles, [email protected]

Sources :

Harvard Medical School rejects US News rankings

AAMC – Ignore the National Rankings and Make Your Own School List

Partager

Derniers articles dans la thématique