Lancement officiel de la Mission pour l’Innovation Agricole pour le Climat, AIM for Climate, à la COP26

L'Initiative internationale AIM for Climate, ou Agricultural Innovation Mission for Climate, six mois après les premières annonces, a été officiellement lancée par le gouvernement américain à l'occasion du Sommet des Nations Unies sur le Climat ce 2 novembre 2021. Par cela, son site a été rendu public, ce qui permet d'étudier les projets mettant en oeuvre les axes d'action clés de l'initiative. A date, déjà 4 milliards USD ont été mobilisés pour soutenir ses différentes activités.
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Comme annoncé plus tôt cette année dans cet article de juin, le gouvernement américain, aux côtés des Emirats Arabes Unis (EAU), a officiellement lancé l’initiative Agriculture Innovation Mission for Climate, ou AIM for Climate, (qui pourrait se traduire par « Mission pour l’Innovation Agricole pour le Climat », ou « Objectif Climat ») le 2 novembre à l’occasion de la Conférence des Nations Unies sur le Climat de Glasgow, la COP 26.

 

Des objectifs ambitieux partagés par un large panel d’organisations et gouvernements

 

Aux côtés de 31 pays et plus de 48 partenaires non gouvernementaux, les Etats-Unis ainsi que les EAU se placent comme meneurs dans la poursuite de politiques d’innovation pour une agriculture compatible avec les trajectoires climat définies à l’occasion du Sommet, en catalysant les investissements nécessaires à la transition sur les 5 prochaines années. Le Président Joe Biden, dans son discours officiel de lancement (disponible sur le site de la Maison Blanche), a invité tous les gouvernements à rejoindre volontairement l’initiative, et annoncé son ambition de doubler le montant d’investissement d’ici la COP27 en novembre 2022.

 

Cette initiative internationale, rejointe par l’Australie, le Brésil, le Japon, le Royaume-Uni, la Corée, l’Ukraine, la Finlande et bien d’autres, se veut pionnière dans le domaine, et vise à faciliter les partenariats public-privé à travers les secteurs, pour augmenter l’ambition climatique et soutenir une action transformative dans tous les pays. Selon le gouvernement (communiqué officiel du Département de l’Agriculture consultable ici), AIM for Climate voit d’ores et déjà ses efforts porter leurs fruits, avec une première levée de fonds de 4 milliards de dollars (USD), qui sera mobilisée pour combler le manque d’investissement en innovation dans les domaines des systèmes alimentaires et de l’agriculture en faveur du climat.

L’approche adoptée consiste à promouvoir des actions à forts impacts permettant de réorienter les systèmes alimentaires afin qu’ils remplissent trois objectifs : l’augmentation durable de la productivité agricole et des revenus, l’adaptation et la résilience au changement climatique, ainsi que la réduction voire la suppression des émissions de gaz à effet de serre. En dirigeant des incitations vers les acteurs concernés  et en promouvant des mécanismes maximisant l’impact des nouveaux investissements, AIM for Climate ambitionne de préparer le secteur agricole à faire face au changement climatique.

 

Les termes de référence fixent un cadre aux objectifs spécifiques et aux activités recommandées

 

Sept sous-objectifs qui permettent d’appréhender les enjeux de la participation

 

Ce lancement officiel est l’occasion de promouvoir l’initiative, mais aussi de dévoiler son site aimforclimate.org, sur lequel sont recensés tous les projets allant dans le sens de l’innovation agricole pour le climat. Les termes de référence officiels du programme sont également disponibles. S’y retrouvent les critères de participation, et comme listés ci-dessous, les membres de AIM for Climate s’engagent à :

  • Augmenter et accélérer l’investissement pour l’agriculture et l’innovation pour les systèmes alimentaires en soutien à l’action climatique;
  • Endosser et amplifier les objectifs de l’initiative;
  • Identifier des investissements et/ou d’autres formes d’appui permettant l’atteinte des objectifs;
  • Promouvoir la nécessité de fonder les décisions politiques sur une base scientifique et soutenue par des données;
  • Reconnaitre l’importance de la coopération et des partenariats pour favoriser l’innovation en agriculture durable, via l’identification de Scientifiques en Chef ou équivalents, en tant que points focaux pour AIM for Climate;
  • Participer aux futures activités d’AIM for Climate pour permettre un cadre de discussion et promouvoir les priorités d’innovation aux niveaux national et international;
  • Mettre en œuvre des activités supportant la conservation de la nature et la biodiversité, et alignées avec les « Principes pour un Investissement Responsable en Agriculture et Systèmes Alimentaires »*, en rapport avec les positions du participant.

 

*Ces principes sont ceux défendus par le Comité pour la Sécurité Alimentaire Mondiale (CSA) dans sa déclaration officielle de 2014.

 

Six activités ciblées permettant aux acteurs partenaires de s’approprier les lignes directrices

 

Les membres d’AIM for Climate sont par ailleurs encouragés à s’engager dans les activités ci-dessous, ainsi qu’à développer des activités supplémentaires :

– Une réunion annuelle de haut niveau réaffirmant les engagements politiques pour l’innovation en agriculture et promouvant les investissements à venir et les priorités émergentes ;

– Des discussions annuelles portant sur les priorités globales en innovation agricole entre ministères participants et entités à travers les gouvernements partenaires ;

– L’identification des « sprints d’innovation » visant à co-créer et coordonner des initiatives de financement entre les participants intéressés ;

– La coordination d’AIM avec d’autres initiatives pertinentes pour éviter la duplication des activités et porter ses objectifs spécifiques ;

– Des communications conjointes promouvant AIM et ses objectifs ;

– Un suivi indépendant et volontaire sur les dépenses annuelles et l’allocation des ressources pour l’innovation agricole.

 

 

Comment les différentes parties prenantes peuvent-elles s’engager dans l’initiative ?

 

Il est possible de consulter les différentes modalités de participation à l’initiative sur le site d’AIM for Climate. Un formulaire d’engagement est également disponible.

 

Les gouvernements partenaires sont à la base de la fondation de l’initiative, puisqu’ils doivent en théorie aligner leurs investissements publics pour promouvoir ces pratiques durables. Les autres secteurs, comme les entreprises, les organisations philanthropiques ou les organisations non gouvernementales, sont invités à mettre en place des « sprints à l’innovation », c’est-à-dire à financer des efforts spécifiques accélérés, mesurables et à fort impact. Ils ont également pour rôle de produire les connaissances critiques nécessaires à l’identification des manques d’investissements, défis, et opportunités. Il est donc possible de rejoindre l’initiative via trois canaux : par décision gouvernementale, en investissant dans la Recherche et le Développement (sprints à l’innovation), ou en participant à la connaissance autour des enjeux.

 

Des sprints à l’innovation déjà réalisés

 

Plusieurs entreprises, mais aussi des acteurs de la Recherche et Développement, se sont déjà mobilisés pour l’axe 2, en proposant des investissements dans le cadre des « sprints à l’innovation ».

Parmi eux, le CGIAR (anciennement Groupe Consultatif pour la Recherche Internationale en Agriculture), a déclaré investir 40 millions USD, en partenariat avec la Fondation Bill & Melinda Gates et la Fondation de Recherche pour l’Alimentation et l’Agriculture, pour un projet d’utilisation de données génétiques prometteuses en termes de résilience face au changement climatique. Ce projet pourrait permettre de promouvoir l’application de traits génétiques résilients pour les millions de petits agriculteurs.

Un autre projet porté par CropLife International, une association de commerce international basée à Bruxelles, prévoit d’investir 13 millions USD pour promouvoir le déploiement de pratiques innovantes permettant d’augmenter la productivité en réduisant la quantité d’intrants, avec pour objectif la dissémination de ces pratiques auprès des petits agriculteurs en Asie, Afrique et Amérique centrale.

Plusieurs autres projets ont déjà été annoncés, dans des domaines comme la télédétection des sols pour les systèmes d’élevage pastoraux, la séquestration carbone dans les sols agricoles, l’agriculture régénératrice pour le secteur cotonnier, la réduction des émissions de méthane issues des fermentations digestives chez les ruminants, ou encore l’intelligence artificielle au service de la prise de décision sur le terrain.

 

La participation du monde de la recherche facilitée

 

Le troisième et dernier axe d’engagement est essentiellement dirigé vers les producteurs de savoir et notamment les organismes de recherche, et consiste en plusieurs activités. Ils sont invités à partager les meilleures pratiques visant à la diffusion équitable des efforts d’innovation agricole centrés sur l’adaptation et la réduction des effets du changement climatique, mais aussi à promouvoir une collaboration flexible et inclusive basée sur des valeurs de mérite, réciprocité, transparence et ouverture. Parmi les activités sont également cités le développement des capacités, y compris l’amélioration des ressources allouées aux institutions d’innovation existantes, ou la coordination pour faciliter le partage d’information et le développement de partenariats entre les organismes nationaux, les centres internationaux et les réseaux de laboratoires, ainsi que les domaines expérimentaux agricoles (ou fermes expérimentales). Enfin, les instituts de recherche sont invités à appuyer les efforts d’AIM dans la  démonstration et le déploiement des pratiques innovantes auprès des agriculteurs, et ce particulièrement dans les pays les plus vulnérables  face au changement climatique.

 

La recherche, le développement, ainsi que l’innovation, étant fortement connectés, certains organismes de recherche, tels que la Fondation de Recherche pour l’Alimentation et l’Agriculture (FFAR), ont rejoint l’initiative à la fois comme producteur de savoir et comme « sprinter pour l’innovation ». Cette double participation pourrait faciliter la coordination des projets et la diffusion des connaissances.

 

 

Rédactrice : Juliette Paemelaere, Chargée de coopération scientifique INRAE, [email protected]

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