La création de l’Advanced Research Projects Agency for Health (ARPA-H) au sein des National Insititutes of Health (NIH) doit permettre de développer des traitements innovants contre les maladies courantes aux plus forts taux de prévalence parmi la population : cancer, maladie d’Alzheimer, diabète et maladies cardiovasculaires, pour commencer.
Le projet de création de cette agence, pensée sur le modèle de la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency, une agence du département de la Défense chargée de la recherche et du développement dans les nouvelles technologies à usage militaire), soit un management souple, une structure horizontale et une autonomie totale dans la conduite des recherches et le financement, avait commencé à émerger sous la précédente administration. Les discussions autour d’une nouvelle agence fédérale visant à éliminer les obstacles à la recherche de pointe avaient abouti à la présentation devant le président Trump d’un projet mené par la fondation Suzanne Wright, un groupe de recherche contre le cancer du pancréas, et intitulé à l’époque “HARPA”. Mais le projet, jugé trop limité dans ses intentions, n’avait pas abouti.
Il a depuis été repris à son compte et remodelé par le président Biden, qui cherchait aussi une suite à une initiative similaire, Cancer Breakthroughs 2020, inaugurée par lui en janvier 2016 alors qu’il était vice-président et dotée d’un budget d’un milliard de dollars. Un an plus tard, la nouvelle administration Trump prenait ses distances avec cette initiative en sonnant la fin des stratégies de financement massif de la recherche.
En juillet dernier, l’administration Biden avait demandé au Congrès d’allouer 6,5 milliards de dollars au projet. A l’époque, l’objectif déclaré était le lancement officiel de l’ARPA-H avant la fin de l’année. Mais les négociations au Congrès se sont avérées plus compliquées que prévu, malgré un soutien bipartisan. Les commissions parlementaires chargées de la répartition du budget ont dans un premier temps proposé 2,4 milliards de dollars, avant de s’accorder sur une enveloppe de 3 milliards.
Autre revers, symbolique cette fois, mais tout aussi amer : l’ARPA-H a finalement été retirée du projet de loi global, le Build Back Better Act, l’offensive législative phare de l’administration Biden dotée d’un budget de plus de 3 500 milliards de dollars, compromettant ainsi l’objectif de sa mise en œuvre avant la fin de l’année.
L’exclusion de l’ARPA-H n’est sans doute pas étrangère à la démission annoncée de Francis Collins, qui a fait perdre de l’élan à l’initiative qu’il soutenait. Le directeur des NIH depuis 2009 a en effet annoncé qu’il quitterait son poste avant la fin de l’année, ouvrant ainsi une période de transition peu favorable à la mise sur pied d’un projet d’une telle ampleur, et ce contre l’avis de Joe Biden, qui avait pourtant exprimé son souhait de le maintenir à la tête des NIH le temps nécessaire pour poser les fondations de l’ARPA-H.
Le président pourra toutefois continuer à compter sur le soutien d’Eric Lander, directeur de l’Office of Science and Technology Policy (OSTP) de la Maison Blanche et conseiller scientifique du président, qui a cosigné en juillet dernier une tribune avec M. Collins dans la revue Science, où est détaillée la stratégie de la future agence : accélérer la cadence des avancées dans le domaine médical en finançant des projets à durée limitée portant des objectifs précis, dans un cadre de responsabilité et de transparence, sans ignorer pour autant les risques d’échec.
Depuis la mise à l’écart de l’ARPA-H en dehors du Build Back Better Act, des initiatives parlementaires ont émergé des deux camps pour faire adopter la création de l’ARPA-H dans un projet de loi distinct. Une élue démocrate et un élu républicain ont proposé d’intégrer l’agence dans un projet de loi intitulé “Cures 2.0”, qu’ils espèrent voir voté avant la fin de l’année.
Plusieurs critiques ont émergé et viennent remettre en cause la pertinence d’une nouvelle agence de recherche dans le paysage existant. Une partie de la communauté scientifique craint de voir l’ARPA-H intégrée dans le système bureaucratique des NIH, qu’elle juge inadapté au mode de fonctionnement nécessairement souple et agile de l’ARPA-H. Selon des sources internes, la future agence pourrait être délocalisée loin de Washington, à l’écart des tractations politiques de la capitale qui pourraient affecter l’indépendance et le rythme des recherches menées.
Mais l’intégration de l’agence dans les NIH doit lui permettre de bénéficier d’une infrastructure éprouvée et d’une meilleure fluidité des échanges pour prévenir les doublons avec les travaux parallèles des autres instituts sous sa tutelle. Francis Collins a d’ailleurs certifié que l’ARPA-H ne serait pas “le 28e institut” des NIH.
Il existe déjà au sein des NIH un département chargé de la conversion des découvertes scientifiques en applications pratiques, le National Center for Advancing Translational Sciences (NCATS). Une partie de l’opposition au Congrès s’oppose au projet de l’ARPA-H, arguant d’un risque de doublon avec le NCATS et affirmant que la recherche appliquée est plus efficace lorsqu’elle est assurée par le secteur privé. Mais les défenseurs du projet pensent que la nouvelle agence pourrait faire le lien entre la recherche académique et l’industrie, et jouer un rôle à l’interface entre recherche fondamentale et usages pratiques. Cette position serait facilitée par la “culture DARPA”, qui doit permettre aux chercheurs d’avancer rapidement, et de rebondir aussi vite en cas d’échec.
Rédacteur :
Julian Muller, Attaché adjoint pour la Science et la Technologie à Washington DC – [email protected]