Le Prix Nobel de Physiologie ou Médecine 2024 a été décerné à deux chercheurs du Massachusetts pour leur découverte du microARN

Les lauréats du Prix Nobel de Physiologie ou Médecine 2024 sont Victor Ambros et Gary Ruvkun. Ces deux chercheurs américains sont récompensés pour leur découverte des microARN, une classe d'ARN non codants qui jouent un rôle déterminant dans la régulation de l'expression génétique, le développement, et le fonctionnement des organismes multicellulaires.
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Stockholm, ville hôte du Karolinska Institutet, l’université décernant le prix Nobel de physiologie ou médecine.

 

Le 7 octobre 2024, l’Assemblée Nobel du Karolinska Institutet a décerné le prix Nobel de Physiologie ou Médecine conjointement à deux américains, Victor Ambros et Gary Ruvkun, pour la “découverte du microARN et son rôle dans la régulation post-transcriptionnelle des gènes”. Les travaux de ces deux chercheurs remontent à la fin des années 1980, lorsqu’ils étaient tous deux post-doctorants au Massachusetts Institute of Technology (MIT), dans le laboratoire de Robert Horvitz. Ce dernier a lui-même été lauréat du même prix Nobel en 2002, pour ses travaux sur l’apoptose (mort programmée des cellules de l’organisme). [1]

Un gène est une portion d’ADN codant les informations nécessaires à l’édification d’une protéine. L’expression d’un gène passe par plusieurs étapes. Dans le noyau de la cellule a lieu la transcription, ou production d’une copie de l’information génétique de la portion d’ADN sous la forme d’une molécule d’ARN pré-messager. L’ARN pré-messager va subir des modifications lors de la maturation pour être transformée en ARN messager (ARNm). L’ARNm va passer du noyau de la cellule au cytoplasme, dans lequel il va être traduit en protéine lors de la traduction. La régulation de l’expression des gènes est l’ensemble des mécanismes contrôlant si, et dans quelle mesure, un gène est exprimé. [2] 

Victor Ambros et Gary Ruvkun ont travaillé sur les mutants lin-4 et lin-14 du nématode Caenorhabditis elegans (C. elegans). Ces deux gènes sont impliqués dans la chronologie de développement du ver, avec des effets opposés. 

Victor Ambros a montré que le gène lin-4 était un inhibiteur du gène lin-14 [3], c’est-à-dire qu’en présence du gène lin-4, le gène lin-14 ne s’exprime pas, mais sans pouvoir identifier le mécanisme. Quelques années plus tard, il met en évidence que le gène lin-4 produit un fragment d’ARN non codant : le microARN.
Parallèlement, Gary Ruvkun découvre que, contrairement aux processus de régulations connus, ce n’est pas la transcription en ARNmessager (ARNm) qui est affectée dans le mutant lin-14 mais que la régulation arrive plus tard. Il démontre aussi qu’un certain segment dans le gène lin-14 est nécessaire pour que le gène soit inhibé. [4]

Les deux chercheurs comparent leurs résultats, et découvrent que le microARN issu du gène lin-4 est complémentaire de séquences de l’ARNm du gène lin-14. Ils montrent alors que ce microARN se lie à ces séquences, entraînant la non traduction de l’ARNm du gène lin-14 en protéines ou sa dégradation dans le cytoplasme de la cellule.
Ils publient leurs résultats en 1993, dans le journal Cell [5], [6]. Ces travaux se font peu remarquer à l’époque, car la communauté scientifique pense que ce phénomène est propre à C. Elegans.

En 2000, l’équipe de Pr. Ruvkun démontre que le gène let-7 produit aussi des microARN [7]. Ce gène a été hautement conservé au cours de l’évolution chez les eucaryotes et est présent dans le génome humain. A ce jour, on dénombre plus de mille microARNs chez l’homme. Les microARN sont très importants pour la régulation des gènes : un microARN peut se lier a plusieurs ARNm, c’est-à-dire influencer l’expression de plusieurs gènes, et a contrario un gène peut être régulé par plusieurs microARN. Ils sont essentiels pour le développement des cellules et tissus, et leur dysfonctionnement peut causer cancers, diabètes, et maladies auto-immunes.

Victor Ambros et Gary Ruvkun ont tous deux effectué leurs recherches dans le Massachusetts, au sein de plusieurs instituts. Ils ont obtenu leur thèse respectivement au Massachusetts Institute of Technology (MIT) en 1979 et à  Harvard en 1982.
Victor Ambros a été Principal Investigator (PI) à Harvard University de 1985 à 1992 puis est devenu Professeur à Dartmouth Medical School. Il est, depuis 2008, Professeur de Sciences Naturelles à University of Massachusetts Medical School.
Gary Ruvkun est devenu PI au Massachusetts General Hospital et Harvard Medical School en 1985, où il exerce toujours, en tant que Professeur de génétique.

 

Rédactrice : 

Fabienne Le Rasle, Chargée de mission pour la Science et la Technologie, Consulat Général de France à Boston, [email protected]

 

Références:

[1] The Nobel Prize. (2024, October). The Nobel Prize in Physiology or Medicine 2024 – Press Release. Available at:https://www.nobelprize.org/prizes/medicine/2024/press-release/  (le 7/10/2024)

[2] Jean, T. (2024, February). L’expression du génome – Chapitre 14. Cours de classe préparatoire BCPSTLycée Chateaubriand. Available at: https://www.svt-tanguy-jean.com/uploads/1/2/0/4/120408978/bcpst1-14-expression-genetique.pdf  (le 8/10/2024)

[3] Ambros, V. (1989) ‘A hierarchy of regulatory genes controls a larva-to-adult developmental switch in C.elegans’, Cell, 57(1), pp. 49–57. Available at: https://doi.org/10.1016/0092-8674(89)90171-2 (le 7/10/2024)

[4] The Nobel Prize. (October 2024). Advanced Information – The Nobel Prize in Physiology or Medicine 2024. Available at: https://www.nobelprize.org/uploads/2024/10/advanced-medicineprize2024-2.pdf  (le 8/10/2024)

[5] Lee, R.C., Feinbaum, R.L. and Ambros, V. (1993) ‘The C. elegans heterochronic gene lin-4 encodes small RNAs with antisense complementarity to lin-14’, Cell, 75(5), pp. 843–854. Available at: https://doi.org/10.1016/0092-8674(93)90529-y

[6] Wightman, B., Ha, I. and Ruvkun, G. (1993) ‘Posttranscriptional regulation of the heterochronic gene lin14 by lin-4 mediates temporal pattern formation in C. elegans’, Cell, 75(5), pp. 855–862. Available at: https://doi.org/10.1016/0092-8674(93)90530-4

[7] Pasquinelli, A.E. et al. (2000) ‘Conservation of the sequence and temporal expression of let-7heterochronic regulatory RNA’, Nature, 408(6808), pp. 86–89. Available at: https://doi.org/10.1038/35040556

 

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