Le Department of Energy publie une version finale de sa stratégie “hydrogène propre” envisageant la co-combustion pour la production d’électricité

Après avoir publié en septembre 2022 une version préliminaire de Stratégie et de Feuille de Route Nationales des Etats-Unis pour l’Hydrogène Propre, le Department of Energy (DOE) en a publié le 5 juin 2023 la version finale [1], qui tient compte des retours de tous les acteurs concernés.

Le document liste les actions à entreprendre d’ici 2035 par les leaders politiques, autorités de régulation et industriels en matière de production, stockage, transport et utilisation de l’hydrogène “propre” (bas carbone), en mettant à profit les 9,5 Md$ d’investissements alloués par l’Infrastructure Investment and Jobs Act de 2021, auxquels l’Inflation Reduction Act de 2022 ajoute des possibilités de crédits d’impôts.

Ces actions sont censées permettre une diminution de 10% des émissions de gaz à effet de serre des Etats-Unis d’ici 2050 (par rapport au niveau de 2005).

La production d’hydrogène propre visée est de 10 millions de tonnes par an en 2030 – équivalente à la production actuelle d’hydrogène, qui se fait quasi exclusivement par des méthodes fortement émettrices de CO2 (vaporeformage du méthane). Cette production doit ensuite doubler d’ici 2040, puis atteindre la valeur de 50 millions de tonnes par an en 2050.

Les trois volets de la stratégie sont :

  • le ciblage d’applications prioritaires (industries lourdes les plus difficiles à décarboner : métallurgie, pétrochimie, production d’ammoniac, de méthanol ; marchés de niche tels que les chariots élévateurs, bus, camions ; stockage de l’énergie, en particulier dans les réseaux alimentés par des énergies renouvelables intermittentes)
  • la forte réduction des coûts, en particulier grâce au soutien à l’innovation (Hydrogen Energy Earthshot, cf notre brève dans la newsletter de février 2023)
  • le développement de “hubs” régionaux rapprochant production et consommation

L’une des principales évolutions par rapport à la version préliminaire est la mention répétée, parmi les applications envisagées pour l’hydrogène propre, de la co-combustion d’hydrogène et de méthane (co-firing) dans les centrales électriques thermiques.

Cette évolution est étroitement liée à la publication le 11 mai 2023, par l’Environmental Protection Agency (EPA), d’un projet de réglementation portant sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre des centrales thermiques à combustibles fossiles neuves ou existantes [2]. Ce projet, qui fait l’objet d’une consultation publique jusqu’au 24 juillet 2023, est la première tentative de l’EPA de fixer une limite juridiquement contraignante aux émissions des centrales thermiques.

Pour les nouvelles centrales à gaz fonctionnant à plus de 50% de leur facteur de charge [3], ou pour les centrales existantes de plus de 300 mégawatts, le projet de réglementation autorise deux approches : la captation et séquestration (CCS) d’au moins 90% du CO2 émis à partir de 2035 ; et la co-combustion du méthane avec au moins 30% d’hydrogène propre à partir de 2032, et au moins 96% à partir de 2038 (ce qui revient donc à avoir converti à cette date les turbines à gaz naturel en turbines à hydrogène).

On note toutefois que si la co-combustion pour la production d’électricité a fait son apparition comme utilisation possible de l’hydrogène propre entre la version préliminaire et la version finale du document de stratégie, cela n’a pas encore conduit le DOE a modifier ses projections chiffrées sur le marché, les créations d’emploi et la réduction des émissions de gaz à effet de serre associées.

De fait, si la co-combustion peut représenter  pour les exploitants de centrales thermiques à gaz une alternative attractive – en leur permettant de se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation de l’EPA tout en leur épargnant le coût de la mise en place du CCS – les conditions de rationalité thermodynamique, économique et environnementale de l’ensemble du cycle de la production de l’hydrogène  et de sa co-combustion avec du méthane pour produire de l’électricité méritent certainement d’être examinées avec soin [4].

 

Rédacteur
Joaquim Nassar, Attaché pour la Science et la Technologie, Ambassade de France à Washington, [email protected]

 

Références

[1] https://www.hydrogen.energy.gov/pdfs/us-national-clean-hydrogen-strategy-roadmap.pdf

[2] https://www.epa.gov/newsreleases/epa-proposes-new-carbon-pollution-standards-fossil-fuel-fired-power-plants-tackle

[3] ratio entre l’énergie électrique réellement produite  et l’énergie théoriquement produite à pleine charge sur une année

[4] l’hydrogène est produit soit par vaporéformage du méthane (dans ce cas, il faut évaluer l’avantage de la co-combustion par rapport à la combustion directe du méthane qui a servi à produire l’hydrogène), soit par électrolyse (dans ce cas, il faut évaluer l’avantage par rapport à l’utilisation directe de l’énergie électrique nécessaire à cette électrolyse)

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