La NOAA et l’Université du Minnesota prévoient le doublement de la surface hypoxique du golfe du Mexique par rapport à l’année passée

Chaque année depuis 1985, une cartographie de la zone hypoxique du golfe du Mexique appelée également zone morte, est réalisée.

Cette zone morte est causée par l’apport massif de nutriments, essentiellement des nitrates et des phosphates, provenant principalement des eaux usées et du lessivage des surfaces agricoles dans le golfe du Mexique via le fleuve Mississippi et ses affluents. Une fois dans le golfe, ces nutriments contribuant à la croissance des végétaux engendrent une prolifération massive d’algues qualifiée d’efflorescence algale (algal bloom). Les algues finissent par mourir et se décomposer, épuisant ainsi l’oxygène du milieu, entraînant alors l’appauvrissement puis la mort de l’écosystème aquatique par asphyxie. Ce phénomène d’eutrophisation touche, à des degrés divers, de nombreux plans d’eau à travers le globe.

Cette année, les prévisions réalisées par l’Université du Michigan pour la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) et l’USGS (United States Geological Survey) estiment la surface de la zone hypoxique à 12 640 km² (4 880 mi²), en augmentation par rapport à l’an passé. A titre de comparaison, cela correspond à la surface de l’état du Connecticut ou de la région Île-de-France. En 2020, la surface de la zone hypoxique était la 3ème plus faible surface enregistrée. A contrario, 2017 fut l’année record. La zone hypoxique atteignit 22 730 km² (8 776 mi²).

Bien que légèrement inférieure à la moyenne quinquennale (14 000 km² ; 5 409 mi²), cette année, la zone morte représenterait plus du double de l’objectif à long terme fixé par l’Interagency Mississippi River and Gulf of Mexico Hypoxia Task Force. L’objectif est d’atteindre une surface moyenne quinquennale de 4 920 km² (1 900 mi²).

La zone morte annuelle du Golfe du Mexique est principalement causée par la pollution excessive par les nutriments provenant des activités humaines dans les zones urbaines et agricoles du bassin versant du fleuve Mississippi. Lorsque l’excès de nutriments atteint le golfe, il stimule une prolifération d’algues, qui finissent par mourir et se décomposer, épuisant l’oxygène à mesure qu’elles coulent au fond. Les faibles niveaux d’oxygène, inférieurs à 2 ppm, qui en résultent près du fond du Golfe ne permettent pas à la plupart des organismes marins de survivre. Ceux capables de nager ou de se déplacer rapidement (poissons, crevettes, certains crabes) parviennent à fuir la zone. En revanche, les autres incapables de nager sont voués à un destin funeste.

Le bassin versant du Mississippi englobe plus de 40% des Etats-Unis continentaux et traverse les frontières de 22 états.

 

Il a été démontré que le débit du fleuve au mois de mai, et la charge en nutriments qui y est associée, constituent un des facteurs déterminant l’ampleur de la zone hypoxique. En mai 2021, le débit des rivières Mississippi et Atchafalaya était inférieur d’environ 2 % à la moyenne à long terme (1980-2020).

L’USGS exploite plus de 3 000 stations limnimétriques estimant le débit instantané et 60 capteurs de nitrates en temps réel afin de mesurer la charge de nutriments dans les rivières du bassin versant du Mississippi-Atchafalaya. Ces données constituent un atout majeur dans la prédiction de la taille de la zone morte et permet, en outre, d’identifier la provenance des nutriments dans le bassin versant.

Les résultats récents des modèles de l’USGS montrent que les surfaces agricoles constituent les plus grandes sources de nutriments dans le Golfe, et qu’une grande partie de ces nutriments provient du Midwest (essentiellement Illinois, Iowa et Indiana) et des zones situées le long du fleuve Mississippi. Mais les zones urbaines via les eaux usées constituent tout de même des sources importantes.

Toutefois les prévisions de la zone hypoxique reposent sur les normales climatiques. La taille de la zone morte mesurée pourrait ainsi être modifiée par des événements météorologiques majeurs, tels que des ouragans et des tempêtes tropicales qui mélangent les eaux océaniques, comme cela s’est produit en 2018, 2019 et 2020. De même, une pluviométrie anormalement élevée provoquerait un lessivage plus important des sols, accentuant ainsi les rejets de nutriments dans le Golfe.

Une étude de la NOAA, prévue plus tard cet été, confirmera la taille de la zone morte et permettra de tester la précision des modèles.

Le groupe de travail sur l’hypoxie joue un rôle essentiel dans la gestion des charges de nutriments dans le bassin du fleuve Mississippi afin de réduire au fil du temps la taille de la zone hypoxique. Il agit de concert avec les états et le Gouvernement fédéral qui mettent en œuvre les stratégies et les réglementations visant à réduire le rejet de nutriments (RESTORE Act, Farm Bill…). Ce groupe bénéficie également de l’appui d’agences fédérales et de partenaires de recherche. Cependant, le défi demeure grand afin d’atteindre l’objectif à long terme de 4 920 km² (1 900 mi²).

La compréhension des effets et des causes de l’hypoxie dans le golfe du Mexique constituent un objet de recherche de la NOAA. L’agence et ses partenaires continuent de mettre en place des outils de mesure supplémentaires et d’affiner les modélisations pour comprendre les impacts sur les ressources marines et les économies côtières. L’agence estime que le coût pour le secteur de la pêche et du tourisme avoisinerait 82 millions de dollars chaque année.

 

Rédacteur : Benjamin Doreilh, Attaché adjoint pour la Science et la Technologie, Consulat de France à Chicago ; [email protected]

 

Sources :

https://www.epa.gov/ms-htf/northern-gulf-mexico-hypoxic-zone#:~:text=Louisiana%20State%20University.-,Funding%20source%3A%20NOAA,of%20the%20large%20zone%20measurement.

https://www.usgs.gov/mission-areas/water-resources/science/sparrow-modeling-estimating-nutrient-sediment-and-dissolved?qt-science_center_objects=4#qt-science_center_objects

https://www.nature.org/en-us/about-us/where-we-work/priority-landscapes/gulf-of-mexico/stories-in-the-gulf-of-mexico/gulf-of-mexico-dead-zone/

news.umich.edu/average-sized-dead-zone-forecast-for-gulf-of-mexico

https://www.epa.gov/ms-htf/hypoxia-task-force-nutrient-reduction-strategies

https://www.ucsusa.org/sites/default/files/2020-05/reviving-the-dead-zone.pdf

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