Récemment soulignée par l’intervention du gouverneur Brian Kemp à Davos, dont l’objectif est de faire de son État la “capitale de la mobilité électrique aux Etats-Unis”[1], la Géorgie se démarque comme un des leaders dans l’innovation et la manufacture de véhicules électriques. Depuis 2018, 35 projets liés aux véhicules électriques ont apporté 23 Md$ d’investissements dans cet Etat du sud-est des Etats-Unis 2. Des groupes majeurs de l’industrie automobile tels que Hyundai Motor Group, Yamaha Motor Manufacturing et Caterpillar ainsi que de nouveaux acteurs tels que Rivian ont décidé d’investir massivement en Géorgie à travers la construction de nouvelles usines. Cette dynamique est également incarnée par l’Etat de Géorgie qui favorise l’acquisition de nouveau véhicule à travers des réductions d’impôts mais également en proposant l’un des réseaux de stations publiques de recharge électrique le mieux développé au monde avec plus de 1 500 stations publiques. Le gouvernement fédéral a joint cet effort en offrant une enveloppe de 135 M$ dans le cadre du projet de loi sur les infrastructures.
Afin de créer une dynamique à long terme et de faire de la Géorgie une référence en la matière, la recherche scientifique s’est également spécialisée dans les problématiques liées au stockage d’énergie. Le ministère américain de l’énergie, le Department of Energy (DOE), a accordé 100 M$ à la startup Sila4, issue de la recherche développée à Georgia Tech, et dont la technologie permet d’accroître la densité énergétique des batteries lithium-ion de 20% en utilisant des nanomatériaux et en remplaçant les traditionnels anodes en graphite par des anodes en silicium. Cette initiative s’inscrit dans un plan de soutien à la transformation et à la fabrication de batteries sur le sol américain. L’ambition affichée par M. Yushin, cofondateur de Sila et professeur au département Materials and Engineering à Georgia Tech, est clair: « Notre mission est d’aider l’Amérique à atteindre l’indépendance énergétique et à devenir un leader de la transformation énergétique ». Cet effort est relayé par d’autres entités au sein de Georgia Tech. Récemment, une équipe de chercheurs du département Chemical and Biomolecular Engineering a mis au point un nouveau type de batterie permettant de rendre les énergies renouvelables plus efficaces. En effet, les énergies renouvelables tels que l’éolien et le solaire offrent une source d’électricité qui fluctue et cela peut rendre leur intégration au réseau électrique complexe. Une manière de linéariser cette production est d’utiliser des batteries dites à flux redox. Jusqu’alors cette solution n’était pas applicable car le coût des batteries ainsi que le volume occupé était trop important pour des utilisations pratiques. L’équipe du professeur Liu vient d’apporter une solution à ce problème en réduisant la taille des cellules de la batterie de 75% grâce à des structures microtubulaires 5. La densité énergétique de la batterie est donc fortement améliorée et le coût par kW/h s’en trouve réduit. Fort de ce succès, Georgia Tech a pour objectif de développer des processus industriels pour automatiser l’assemblage des microtubules et ainsi commercialiser cette solution à grande échelle. Une des prochaines étapes envisagées serait le déploiement de la batterie dans le microgrid de 1.4 MW de Georgia Tech afin de tester son intégration en environnement réel.
L’intérêt de la Géorgie pour la mobilité du futur ne s’arrête pas à l’électrification des véhicules et au développement de nouvelles batteries. Tout un pan de la recherche et de l’innovation se concentre également sur les véhicules autonomes et automatiques. C’est donc dans ce contexte que le Service pour la Science et la Technologie de l’ambassade de France aux Etats-Unis a organisé une visite exploratoire de l’écosystème d’Atlanta autour du développement du véhicule autonome pour une délégation de chercheurs français (dans le cadre d’un programme intitulé DIGItal Transportation for Urban Sustainability, DigitUS). L’objectif était de mettre en regard les innovations et les visions développées sur cette thématique en France comme aux Etats-Unis afin d’assurer une meilleure compréhension mutuelle et d’envisager des synergies entre les différents projets et acteurs. La délégation française était composée de représentants des principales institutions impliquées en France dans la thématique: CNRS, CEA, Université Gustave Eiffel, Ecole des Ponts, Ecole des Mines, IRT System-X ainsi qu’un représentant de la DGITM. Des représentants de Valeo et de Dassault Systèmes ont suivi la délégation sur l’ensemble du programme. Sur le plan opérationnel, la principale préoccupation de la ville d’Atlanta est l’électrification des véhicules. L’expérimentation concernant les véhicules autonomes est un enjeu plus lointain qui intéresse davantage les chercheurs, le département des transports de Géorgie, Georgia Department of Transport (GDOT) et l’incubateur Curiosity Lab qui expérimente actuellement des prototypes de navettes autonomes (Navya). La rencontre entre les membres de la délégation, des chercheurs de Georgia Tech issus de différents départements scientifiques (College of Urban Planning, of Design, of Engineering) et les scientifiques travaillant au sein du Curiosity Lab, ont permis d’aborder les problématiques suivantes : l’usage des parkings libérés par les véhicules autonomes, la question de l’inclusivité dans le développement du VA (participation des communautés), l’usage de l’IA pour optimiser les systèmes de navette “sur commande”, l’enjeu du “last mile”, l’usage du Machine Learning pour l’analyse des déplacements, les aspects éthiques, cyber et énergie liés aux transports, l’usage des véhicules autonomes de type robot pour les livraisons, le partage donnant-donnant d’information et de données entre opérateurs et administrations, les freins au déploiement à grande échelle de véhicules autonomes qui amène à parler plutôt de véhicules automatisés et connectés. Ces échanges ont permis une prise de contact entre les acteurs de la recherche des deux côtés de l’Atlantique et de créer des opportunités de collaborations entre les différentes institutions.
En conclusion, la Géorgie compte bien devenir un acteur incontournable dans la recherche, le développement et la manufacture du véhicule de demain. Cette ambition est incarnée par des politiques de subvention fédérales et locales, l’installation d’acteurs majeurs de l’industrie automobile dans la région et les recherches effectuées par des pôles universitaires d’excellence tels que Georgia Tech.
Rédacteur:
Yann Ferry, Chargé(e) de mission scientifique au Consulat Général de France à Atlanta, [email protected]
REFERENCES:
1 Brian Kemp and the Electric Car: A Love Story
2 Electric Vehicle Manufacturing | Georgia Department of Economic Development
3 Hyundai Breaks Ground on $5.5B Electric Car Plant in Georgia (usnews.com)
4 Energy Dept Invests $100M in Gleb Yushin’s EV Battery Startup (gatech.edu)
5 How Georgia Tech ChBE is Revolutionizing Flow Battery Technology