La fin d’un règne : le départ d’Anthony Fauci après plus de 50 ans de carrière au National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID)

Anthony Fauci a quitté ses fonctions de directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID ; NIH) et de conseiller médical en chef du président Joe Biden. De l'épidémie de VIH/SIDA à celle de COVID-19, il aura supervisé un vaste portefeuille de recherches fondamentales et appliquées et conseillé sept présidents américains sur les réponses à apporter à diverses crises de santé publique.
Anthony Fauci – Photographer: Greg Nash/The Hill/Bloomberg

Anthony Fauci a quitté en décembre 2022 ses fonctions de directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (National Institute of Allergy and Infectious Diseases ; NIAID) et de principal conseiller médical du président Joe Biden. Reconnu comme l’un des plus grands experts en maladies infectieuses, il aura contribué à diriger les réponses américaines à diverses crises de santé publique nationales et internationales et conseillé sept présidents américains au cours de sa carrière.

Durant son internat (residency) en médecine, Anthony Fauci s’intéresse à l’interface entre les maladies infectieuses et l’immunologie humaine, un domaine alors relativement naissant mais en pleine expansion. Il rejoint en 1968 le NIAID en tant qu’associé clinique au laboratoire d’investigation clinique, avant d’y exercer successivement les fonctions de directeur de la section de physiologie clinique puis de directeur du laboratoire d’immuno-régulation. En 1984, Anthony Fauci devient directeur du NIAID, un poste qu’il occupera jusqu’à fin 2022 [1]

Anthony Fauci aura été, de l’épidémie de VIH/SIDA à celle de COVID-19, une figure publique du monde scientifique américain. Il a supervisé un vaste portefeuille de recherches fondamentales et appliquées visant à prévenir, diagnostiquer et traiter les maladies infectieuses établies telles que le VIH/sida, les infections respiratoires, les maladies diarrhéiques, la tuberculose et le paludisme, ainsi que les maladies émergentes comme celles liées aux virus Ebola, Zika et plus récemment le COVID-19 et la variole du singe. Il a également dirigé les efforts de recherche du NIAID sur la transplantation et les maladies liées au système immunitaire, notamment les troubles auto-immuns, l’asthme et les allergies. 

Il a été l’un des principaux architectes du plan présidentiel d’urgence d’aide à la lutte contre le sida (United States President’s Emergency Plan for AIDS Relief ; PEPFAR), mis en place en 2003 en réponse à une épidémie mondiale de VIH en pleine expansion et destiné à soutenir les efforts de lutte dans les pays en développement. Par le biais du PEPFAR, le gouvernement américain a investi plus de 100 milliards de dollars dans la lutte mondiale contre le VIH/sida, sauvant ainsi plus de 20 millions de vies, prévenant des millions de nouvelles infections par le VIH et servant de plateforme pour combattre la grippe aviaire, le virus Ebola et, plus récemment, le COVID-19 [2].

« Autrefois considérée comme un domaine de la médecine potentiellement statique, l’étude des maladies infectieuses s’est avérée dynamique, car les maladies infectieuses émergentes et réémergentes représentent des défis permanents », écrit Anthony Fauci dans un récent article publié dans le New England Journal of Medicine [3]. Dans cet article, Fauci revient sur sa carrière dans la lutte contre les maladies infectieuses. 

L’émergence du VIH/sida en 1981 a, selon lui, entraîné une forte augmentation de l’intérêt pour les maladies infectieuses chez les personnes s’investissant dans la médecine. Depuis lors, les spécialistes des maladies infectieuses ont été confrontés à de nombreux défis médicaux, notamment la pandémie de grippe H1N1 de 2009, Ebola, Zika, le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) et le COVID-19, écrit-il. 

Bien que le COVID-19 ait été « le signal d’alarme le plus fort depuis plus d’un siècle sur notre vulnérabilité aux épidémies de maladies infectieuses émergentes », Anthony Fauci juge que l’un des succès de la réponse a été la rapidité de développement des tests et de la distribution des vaccins permise grâce à des années de recherche et d’investissement dans de nouvelles plateformes vaccinales hautement adaptables et dans des outils de biologie structurelle pour concevoir des immunogènes vaccinaux. Ces avancées technologiques, parmi d’autres, profiteront grandement au domaine des maladies infectieuses, écrit-il. Il conclut en soulignant l’importance d’améliorer les capacités de réponse aux maladies infectieuses établies comme le paludisme et la tuberculose tout en répondant aux menaces émergentes.

Anthony Fauci a tout au long de sa carrière interagit avec les scientifiques, les responsables de la santé et les politiciens, et il est devenu beaucoup plus visible aux yeux du grand public à mesure que l’épidémie de COVID progressait aux États-Unis. Devenu le visage de la réponse américaine à la pandémie de coronavirus, il s’est heurté à plusieurs reprises aux républicains du Congrès sur la politique des masques, des vaccins et des confinements. Les républicains, qui ont pris le contrôle de la Chambre des représentants au début du mois, ont promis d’enquêter sur l’origine du virus et sur la gestion de la pandémie de coronavirus et de l’appeler à témoigner au Capitole. Anthony Fauci a déclaré qu’il coopérera pleinement avec les républicains de la Chambre s’ils lançaient une telle enquête.

Après 54 ans de carrière aux National Institutes of Health (NIH) dont 38 ans à la tête du NIAID, Anthony Fauci est résolu à rester actif. Dans une interview menée par The New York Times [4], il déclare qu’il envisage d’écrire ses mémoires et songe à encadrer la prochaine génération de scientifiques. Il y souligne également son inquiétude quant à la politisation des principes de santé publique. A bientôt 82 ans, il aimerait utiliser le bénéfice de son expérience pour inspirer les nouvelles générations à s’engager dans la médecine et la science, ou, pour les personnes évoluant déjà dans ces domaines, à considérer une carrière dans les services publics. « Il est de notre responsabilité collective de s’assurer que les décisions politiques de santé publique soient guidées par les meilleures données disponibles », insiste-t-il.

 

Sources :

  1. Anthony S. Fauci, M.D., National Institute of Allergy and Infectious Diseases (www.niaid.nih.gov)
  2. The United States President’s Emergency Plan for AIDS Relief (www.state.gov/pepfar)
  3. Fauci AS. It Ain’t Over Till It’s Over … but It’s Never Over – Emerging and Reemerging Infectious Diseases. N Engl J Med. 2022 Dec 1;387(22):2009-2011. doi: 10.1056/NEJMp2213814.
    4. After Half a Century, Fauci Prepares for Life After Government. The New York Times Dec. 29, 2022. By Sheryl Gay Stolberg.

 

Rédacteurs :

Karim Belarbi, Attaché Scientifique, Los Angeles, [email protected]

Mireille Guyader, Conseillère pour la Science et la Technologie, Washington D.C.

Partager

Derniers articles dans la thématique
,