La FDA prend des nouvelles mesures pour garantir la diversité dans les essais cliniques

Bien que des progrès aient été faits au cours des trois dernières décennies pour améliorer la diversité dans les essais cliniques, notamment dans l’inclusion de femmes blanches, les avancées sont minimes en ce qui concerne les minorités ethniques, personnes âgées et personnes enceintes. Ce manque de diversité n’est pas sans conséquences sur la recherche et la santé des populations. Un important rapport de la US National Academies of Sciences, Engineering and Medicine (NASEM) paru en 2022 [1], fait état de la situation dans la représentation au sein des essais cliniques. Ce rapport met en lumière le fait que la démographie des participants des essais cliniques n’est souvent pas assez représentative de l’incidence réelle de la pathologie au sein de ces populations.

Ceci a de nombreuses conséquences, pour la recherche d’abord : ce manque de diversité dans les populations étudiées pourrait faire passer à côté de découvertes et d’innovations. Pour la santé ensuite : les traitements produits ne sont pas forcément adaptés aux différents groupes, et les entreprises pharmaceutiques manquent de recul sur les effets d’un traitement sur des populations spécifiques, comme les enfants, les personnes âgées ou les femmes enceintes. De plus, l’absence de données cliniques sur une population spécifique engendre un manque de confiance de celle-ci dans le traitement, ce qui peut la rendre plus vulnérable aux pathologies.

C’est ce qui a été observé pour le vaccin contre la Covid-19 : le manque de données existant pour les personnes enceintes a engendré un taux de vaccination très bas au sein de ce groupe vulnérable, y causant un taux de mortalité plus élevé [2]. Plus récemment, le US Government Accountability Office alertait sur le manque de jeunes patients dans les tests de traitements contre le cancer [3], ce qui pourrait être une cause possible du manque de traitements existants contre les cancers pédiatriques, et les taux de mortalité élevés observés. 

L’inclusion de certains groupes ethniques dans les essais cliniques a très peu progressé ces dernières années. Ainsi, une étude [4] menée sur les essais cliniques en oncologie entre 2008 et 2018 révèle non seulement que les populations afro-américaines et hispaniques restent sous-représentées, mais aussi que leurs proportions ont très peu évolué en dix ans (de 2,9 à 3,6% pour les Afro-américains ; de 5,3 à 6,7% pour les Hispaniques). Ces proportions ne sont pas représentatives de l’incidence réelle des cancers au sein de ces populations.

Auparavant, la question de diversité ethnique dans les essais cliniques ne faisait pas l’objet d’une réglementation stricte, bien que de nombreux efforts aient été fait par les différents acteurs fédéraux de la santé au cours des trente dernières années. En avril dernier, la FDA a publié une importante série de recommandations visant à améliorer la diversité dans les essais [5]. Cette nouvelle réglementation, qui s’appuie sur ces recommandations, exigera des chercheurs et des entreprises pharmaceutiques de soumettre un plan de diversité pour les essais cliniques de phase III et plus. Cette stratégie devra lister les objectifs démographiques des essais avec leur justification, ainsi que la méthode employée pour atteindre ces objectifs.

Cette nouvelle réèglementation a été accueillie de façon globalement positive par la communauté scientifique et les acteurs concernés, avec néanmoins quelques réserves. Certains craignent que la FDA ne soit pas en mesure de la mettre en place de façon efficace, et soulignent un manque de clarté sur la façon concrète dont elle sera mise en œuvre. De plus, ils craignent que certaines exceptions, par exemple en cas d’urgence sanitaire, limitent son efficacité. [6] 

Le défi sera désormais de développer des stratégies pour recruter des groupes plus variés. Le rapport de la NASEM montre que, contrairement aux idées reçues, les minorités ethniques ne sont pas forcément moins enclines à participer aux essais cliniques, bien qu’un manque de confiance historique dans les institutions médicales perdure au sein de ces groupes. Un moyen efficace d’enrôler une plus grande proportion de ces populations serait de décentraliser les études et d’aller directement à la rencontre des communautés. Pour répondre à ce besoin, l’entreprise pharmaceutique Lilly a mis en place un laboratoire mobile pour recruter des femmes afro-américaines pour le développement d’essais cliniques sur la maladie d’Alzheimer [7]. 

Plusieurs étapes restent à franchir avant l’implémentation concrète de cette législation. La FDA devra notamment remanier certains points de ses recommandations pour s’aligner sur les demandes du Congrès afin de proposer des mesures concrètes [8] ; finalement, la législation pourrait ne pas être mise en place avant au moins deux ans.

 

Références:

[1] Improving Representation in Clinical Trials and Research │ National Academies of Science, Engineering and Medicine 

[2] COVID vaccines safely protect pregnant people: the data are in │ Nature

[3] The Push to Increase Pediatric Research and Greater Diversity in Cancer Treatment Trials │ US Government Accountability Office

[4] Disparity of Race Reporting and Representation in Clinical Trials Leading to Cancer Drug Approvals From 2008 to 2018 │JAMA Oncology

[5] FDA Takes Important Steps to Increase Racial and Ethnic Diversity in Clinical Trials │ FDA

[6] FDA to require diversity plan for clinical trials │ Nature

[7] Eli Lilly recruits Black patients for Alzheimer’s trial, as drugmakers seek more diversity in clinical studies │ CNBC

[8] Diversity in Clinical Trials at FDA Gets a Boost From New Law │ Bloomberg Law

 

Rédactrice : Marie Poirot, Chargée de mission scientifique au Consulat Général de France à Chicago, [email protected] 

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