Une équipe de chercheurs du Biodesign Institute de l’université d’Arizona State a conçu un composant électronique à partir d’une molécule unique : une diode moléculaire. Concevoir des diodes plus petites, moins chères, plus rapides et plus efficaces représente un grand espoir pour le futur de l’électronique. Les diodes en électronique représentent un ingrédient essentiel, elles sont utilisées partout et dans toutes les puces électroniques de l’industrie du semiconducteur. Les experts de cette industrie ont depuis longtemps annoncé que la fameuse loi de Moore, sur l’évolution de la microélectronique, qui stipule que le nombre de transistors intégrés sur une puce en silicium double tous les 18-24 mois, risque bientôt de ne plus pouvoir être respectée car l’on atteint déjà les limites physiques en termes de taille pour la gravure des transistors. Comme les transistors, les diodes sont irremplaçables, par exemple pour des systèmes de conversion de puissance, pour les radios, les portes logiques, des photo détecteurs, ou en électro luminescence (les fameuses LEDs).
Le principe d’une diode est de ne laisser passer le courant que dans une unique direction. Pour qu’une molécule ait cette propriété, elle doit être physiquement asymétrique, et bien sûr pouvoir s’intégrer dans un circuit électronique, c’est-à-dire avec un coté capable de former une liaison covalente avec l’anode chargée négativement, et l’autre coté avec la cathode chargée positivement.
L’idée de surpasser les limites de l’électronique sur silicium grâce à l’électronique moléculaire existe déjà depuis un certain temps : en 1974 les chimistes Mark Ratner et Ari Aviram avaient lancé l’idée. Cela fait donc plus de trente ans que les chercheurs se penchent sur la faisabilité de l’électronique moléculaire. La plupart des efforts faits dans cette direction impliquent de nombreuses molécules, mais seuls de très récentes tentatives ont été fructueuses dans l’utilisation de molécules uniques. Un des défis est de relier une molécule unique à au moins deux électrodes et à y faire passer du courant. Un autre défit implique l’orientation de la molécule dans le système. Les chercheurs sont maintenant capables de faire ceci, en construisant un système mono moléculaire avec une orientation bien définie.
Dans l’étude faite par NJ Tao et ses collègues, on compare une molécule symétrique avec une molécule asymétrique, détaillant les performances de chacune en termes de transport d’électrons. Avec une molécule symétrique, le courant passe dans les deux sens, elle agit donc comme une résistance ordinaire. C’est potentiellement intéressant aussi, mais la diode est bien plus intéressante (et compliquée) à reproduire.
Le projet a été fait en collaboration avec le professeur Luping Yu de l’université de Chicago et le professeur Ivan Oleynik de l’université de South Florida. L’équipe a utilisé des molécules conjuguées dans lesquelles les atomes sont accrochés ensembles avec alternativement des liaisons simples et multiples. De telles molécules affichent une grande conductivité électrique et ont des cotés asymétriques capables de former des liaisons covalentes avec les électrodes pour créer un circuit clos. La molécule asymétrique est une série d’anneaux de pyrimidinyle, liés par des liaisons covalentes à une paire d’anneau phényle. Le pyrimidinyle a une carence d’électrons tandis que le phényle est en excès d’électrons. La technique développée par l’équipe de Tao repose sur la modulation AC. Le principe est d’appliquer une petite perturbation mécanique périodique à la molécule. Si la molécule relie les deux électrodes, il y a une réponse électronique dans un sens, sinon la molécule ne relie pas les deux électrodes. Lorsque la molécule relie les deux électrodes en or, l’asymétrie de la molécule ne permet au courant que de passer dans un seul sens.
Richard Nichols, expert en électronique moléculaire de l’université de Liverpool est impressionné par les résultats de l’étude. D’après lui la combinaison de la théorie chimique avec l’utilisation de la microscopie à effet tunnel pour des mesures sur une molécule unique constituent le moyen d’orienter une molécule asymétrique dans une jonction, et cette stratégie peut montrer le chemin à l’élaboration de circuits moléculaires plus complexes.
Source :
– "Small… smaller… smallest? Researchers create molecular diode", 12 Octobre 2009 : https://www.biodesign.asu.edu/news/smallsmallersmallest-researchers-create-molecular-diode
– "Diode breakthrough in molecular electronics" 11 Octrobre 2009 : https://www.rsc.org/chemistryworld/News/2009/October/11100901.asp
Pour en savoir plus, contacts :
Electronique moléculaire : Rapport d’ambassade "L’électronique moléculaire aux Etats-Unis", 07/2007
https://www.bulletins-electroniques.com/rapports/smm07_054.htm
Code brève
ADIT : 60837
Rédacteur :
Alban de Lassus, [email protected]