Compte-rendu de la réunion inaugurale du National Space Council

Le 1er décembre 2021, la VP Harris a présidé la première réunion du National Space Council (NSpC) sous l’administration Biden. Cette réunion a été l'occasion pour la VP de rappeler les trois priorités de l’Exécutif dans le secteur spatial.
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Résumé :

Le 1er décembre 2021, la VP Harris a présidé la première réunion du National Space Council (NSpC) sous l’administration Biden. Pour mémoire, le NSpC est une enceinte de dialogue inter-agence de la Maison Blanche visant à définir et coordonner la politique spatiale américaine réinstaurée par le président Trump en 2017. Renouvelé par le président Biden par un décret présidentiel le 1er décembre, ce Conseil a été élargi à 20 entités fédérales. Accompagnée par les différents représentants, la VP a détaillé les trois priorités du NSpC sous son mandat : élaboration de normes de comportement dans l’Espace, renforcement de la place du spatial dans la lutte contre le changement climatique, développement de la formation dans les STEM afin de conserver le leadership américain en matière d’innovation.

Les vulnérabilités dans l’Espace et la nécessité d’établir un cadre normatif en conservant un dialogue avec les alliés mais également avec les adversaires ont été particulièrement soulignés et mis en perspective avec le récent test russe de missile antisatellite survenu en novembre. Les différents participants ont appelé à une désescalade des menaces dans l’Espace. Le DoD a d’ailleurs demandé à ce que la communauté spatiale internationale s’abstienne à l’avenir de réaliser des tirs antisatellites.

En invitant plusieurs Ambassadeurs à cette première réunion, dont l’Ambassadeur de France aux États-Unis, la VP a souhaité réaffirmer l’importance du dialogue avec les partenaires internationaux. La France a d’ailleurs été mise à l’honneur à plusieurs reprises en rappelant l’engagement récent des États-Unis à rejoindre le Space Climate Observatory (SCO) et la position française en faveur d’une signature des Accords Artemis. Si ces accords ont été identifiés par la VP comme un outil diplomatique essentiel avec une volonté d’en augmenter le nombre de signataires, l’exploration habitée, sujet omniprésent sous l’administration précédente, n’a été que peu abordé, rappelant des priorités distinctes entre les deux administrations.

1. Introduction

Conformément à son allocution du 5 novembre au Goddard Space Flight Center (Maryland), la Vice-Présidente (VP) des États-Unis Kamala Harris a présidé le 1er décembre la réunion inaugurale du NSpC (disponible ici). Pour rappel, le NSpC est une enceinte de dialogue inter-agence de la Maison Blanche visant à définir et coordonner la politique spatiale américaine.
Réinstauré en 2017 par l’ancien Président des États-Unis Donald Trump après plus d’une décennie de mise en sommeil, le NSpC a été maintenu sous la présidence de Joe Biden. Annoncé en mars dernier, ce maintien a été formalisé par un décret présidentiel publié le 1er décembre et actant l’arrivée de 5 nouveaux représentants au sein du NSpC : les Secrétaires à l’Éducation, au Travail, à l’Agriculture, à l’Intérieur et le Conseiller climatique du Président. Ceux-ci portent à 20 le nombre d’entités fédérales représentées au sein du NSpC qui se présente sous sa plus large configuration depuis sa création en 1989 (cf. Annexe 1 listant les participants). 

2. Participants à la réunion inaugurale

  • Vice President Kamala Harris
  • Deputy Secretary of State Wendy Sherman (representing Secretary Antony Blinken)
  • Deputy Secretary of Defense Kathleen Hicks (representing Secretary Lloyd Austin III)
  • (New) Secretary of the Interior Deb Haaland
  • (New) Secretary of Agriculture Tom Vilsack
  • Secretary of Commerce Gina Raimondo
  • (New) Assistant Secretary of Labor for Policy Raj Nayak (representing Secretary Martin Walsh)
  • Secretary of Transportation Pete Buttigieg
  • Secretary of Energy Jennifer Granholm
  • (New) Secretary of Education Miguel Cardona
  • Secretary of Homeland Security Alejandro Mayorkas
  • Deputy Director for Management of the Office of Management and Budget Jason Miller (representing Acting Director Shalanda Young)
  • Director of National Intelligence Avril Haines
  • Deputy Director of the Office of Science and Technology Policy Alondra Nelson (representing Eric Lander)
  • Assistant to the President for National Security Affairs Jake Sullivan
  • (New) Assistant to the President and National Climate Advisor Gina McCarthy
  • Commander, U.S. Space Command Gen. James Dickinson (representing Chairman of the Joint Chiefs of Staff Gen. Mark Milley)
  • NASA Administrator Bill Nelson

3. Présentation des priorités du NSpC par la VP Kamala Harris

La diversité des administrations représentées au sein du NSpC a pour ambition de refléter, selon la VP, l’étendue des objectifs que le gouvernement s’est fixé en matière spatiale pour garantir le leadership des États-Unis. Ces objectifs, déclinés au sein d’un document intitulé « United States Space Priorities Framework » (cf. chapitre 6) et publié quelques heures avant la tenue de la réunion, couvrent un très large spectre de domaines. La VP a toutefois décidé de centrer la réunion inaugurale du NSpC autour de 3 thématiques spécifiques qui reflètent la ligne politique de l’actuelle administration et les récentes actualités du secteur spatial :

  • Le renforcement de la main-d’œuvre dans les STEM afin de permettre aux États-Unis de recouvrer leur suprématie en innovation
  • La lutte contre le changement climatique afin de capitaliser sur les atouts des capacités spatiales pour mieux l’analyser et s’y adapter
  • La définition de normes de comportement dans l’Espace afin de garantir la sécurité et la durabilité des opérations spatiales. Préoccupation historique de la communauté spatiale internationale, cette question s’est posée avec plus d’acuité suite au tir antisatellite mené par la Russie le 15 novembre, comportement qualifié d’« irresponsable » par la VP.

À noter, dans la formulation de ces trois priorités, l’absence de la thématique de l’exploration qui était, au contraire, l’axe fort de la politique spatiale sous Donald Trump (avec le lancement du programme Artemis). Cette absence, qui traduit vraisemblablement un moindre intérêt du plus haut niveau de l’État pour l’exploration habitée (bien qu’une continuité ait été conservée et que le programme Artemis ait été repris), s’explique peut-être également par le nouveau format adopté par l’administration dans la tenue de la réunion. Celle-ci a effectivement été organisée autour de trois panels consacrés aux trois priorités énoncées par la VP (là où les précédentes réunions donnaient la parole à tous les représentants sur l’ensemble de leurs activités spatiales).

À noter enfin que la France a été mise à l’honneur dans le discours de la VP qui l’a mentionnée à 3 reprises pour mettre en avant : sa discussion avec Emmanuel Macron sur les questions spatiales, l’adhésion des États-Unis au Space Climate Observatory (SCO) et la future adhésion de la France aux Accords Artemis. Cette réunion inaugurale était d’ailleurs placée sous l’angle de la diplomatie avec la présence de plusieurs Ambassadeurs étrangers, dont l’Ambassadeur de France aux États-Unis. La VP a enfin rappelé les discussions qu’elle a menées avec divers dirigeants sur les questions spatiales (France, Japon, Mexique, Singapour).

4. Panels thématiques

  • La définition de normes de comportement responsables

Dans un contexte de multiplication des acteurs spatiaux et dans le sillage du tir antisatellite russe, la VP a souhaité insisté sur les risques qui s’expriment actuellement en orbite, comme les comportements des nations spatiales, les débris spatiaux ou encore la congestion des orbites terrestres. Pour garantir la sécurité des opérations spatiales commerciales et gouvernementales ainsi que celle des actifs spatiaux, la VP a rappelé l’importance de travailler sous l’égide de règles communément partagées. Pour ce faire, la VP a insisté sur l’importance d’un travail en coopération avec le secteur privé ainsi qu’avec les autres nations spatiales, aussi bien alliées que rivales. Elle a ensuite invité 5 membres du NSpC à s’exprimer sur ce sujet.

La Secrétaire au Commerce a insisté sur le rôle croissant que sera amené à jouer l’Office of Space Commerce (OSC). Elle a rappelé que l’OSC est en train de développer un nouveau système de connaissance de l’environnement spatial pour soutenir les opérations spatiales civiles et commerciales. Un prototype est actuellement en cours de développement et devra conduire à la mise ou point d’un système opérationnel dans les prochaines années. À noter que la VP a aussi annoncé qu’un plan d’action serait mis en place par le DoC pour accélérer le développement de services de gestion du trafic spatial – bien qu’aucun détail supplémentaire sur ce plan n’ait été donné.

Le Secrétaire au Transport a rappelé le rôle de son Département dans l’encadrement des activités de lancements et rentrées atmosphériques et, dans ce cadre, la réforme entrée en vigueur en mars 2021 en la matière. Le Secrétaire a aussi annoncé la publication au printemps 2022 d’une nouvelle réglementation relative à la limitation du nombre de débris spatiaux (applicable aux seuls opérateurs de lancements commerciaux).

La Secrétaire d’État adjointe a rappelé la contribution de son Département à la définition de normes et standards de comportement dans l’Espace aussi bien sur le plan « multi-bilatéral » (à travers les Accords Artemis que le DoS souhaite étendre) que sur le plan multilatéral (à travers la contribution des États-Unis à plusieurs initiatives des Nations Unies comme les Long-Term Sustainability Guidelines et la résolution de l’Assemblée générale sur la définition de nouvelles normes de comportement).

La Secrétaire adjointe à la Défense a rappelé le rôle central de son Département dans ce débat ainsi que la publication en juillet dernier de cinq principes de comportement responsables dont le DoD fait la promotion au sein des instances de dialogue internationales. La Secrétaire adjointe a aussi dénoncé le tir antisatellite russe et a appelé l’ensemble de la communauté spatiale à un moratoire sur ce type de pratiques.

Le Conseiller à la Sécurité Nationale a annoncé que le National Security Council travaillera, sur la base des travaux réalisés par le DoD et le DoS (mais aussi en coordination avec l’industrie civile et les partenaires internationaux), à de nouvelles propositions de normes de comportement.

  • Lutte contre le changement climatique

La VP Kamala Harris a rappelé l’intérêt du spatial sur les questions climatiques, la responsabilité des États-Unis et les opportunités offertes par le spatial pour les citoyens américains. À ce titre, elle a indiqué le souhait de l’administration Biden d’augmenter les capacités satellitaires pour collecter plus de données mais surtout les rendre accessibles au plus grand nombre en offrant également des outils d’analyse adaptés. Différents représentants ont participé à ce panel : la Secrétaire de l’Intérieur, le Secrétaire de l’Agriculture, le Secrétaire à la Sécurité Intérieure, la Secrétaire à l’Energie et la Conseillère nationale pour le climat.

Les panélistes ont rappelé le recours aux données satellitaires dans la réponse aux catastrophes naturelles et la nécessité d’en faire profiter toutes les communautés (zones fragiles, tribus amérindiennes, etc.). Le Département de la Sécurité Intérieure a mentionné des travaux en cours sur les questions d’assurance quant aux risques d’inondation. Il a enfin été souligné les enjeux de cybersécurité et l’importance d’utiliser des données fiables et résilientes. En outre, le spatial est perçu comme un outil essentiel pour faire face aux conséquences du changement climatique mais également pour assurer un suivi des mesures adoptées.

En conclusion, la VP Harris a demandé au Climate Policy Office en partenariat avec l’OSTP d’établir un référentiel de données spatiales accessible à toutes les communautés avec des capacités d’analyse offrant des outils clairs pour lutter contre le changement climatique. La VP a également sollicité le Département d’État pour étendre le leadership américain sur la scène internationale compte tenu de la quantité de données spatiales collectées, essentielles dans la réponse au changement climatique.

  • Éducation dans les domaines scientifiques, technologiques, l’ingénierie et les mathématiques (STEM)

Afin de conserver la compétitivité des États-Unis dans le spatial et rattraper son retard dans l’innovation, la VP Harris a rappelé la nécessité d’investir dans les nouvelles générations et les former. Ce panel a ainsi regroupé la Directrice du Renseignement national, le Commandant de l’U.S. Space Command, l’Administrateur de la NASA, le Secrétaire à l’Education, le Secrétaire au Travail, le Directeur adjoint à la gestion de l’Office of Management and Budget et le Directeur adjoint de l’OSTP.

Ces derniers se sont accordés sur le besoin de former la nouvelle génération aux STEM en accordant une plus grande place aux femmes et aux minorités. Différentes initiatives et programmes ont été lancés notamment au sein du National Reconnaissance Office (NRO), de la NASA ou d’autres institutions en proposant des stages et des bourses. La NASA a indiqué que 30% de ses stagiaires décidaient de rejoindre l’Agence et l’OMB a rappelé l’âge vieillissant des employés fédéraux dans le spatial (7% ont moins de 30 ans).

La VP a ainsi demandé à l’OSTP d’étudier dans quelle mesure le spatial pourrait être utilisé pour inspirer les jeunes générations mais également d’identifier et de réduire les barrières à l’entrée dans les STEM et notamment dans le secteur spatial. Le National Security Council a été pour sa part chargé d’identifier les initiatives et opportunités pour le secteur de la défense en envisageant une modernisation du National Defense Education Act en vigueur depuis 1958.

5. Présentation du Users’ Advisory Group

Le Users’ Advisory Group (UAG), groupe composé de différents représentants du secteur spatial (industrie, recherche, etc.) et conseillant le NSpC dans ses activités, a profité de cette réunion pour revenir sur les travaux actuellement menés. Pour mémoire, un appel à candidature a été réalisé en octobre dernier pour renouveler les membres présents au sein du groupe depuis 3 ans. Aucune annonce officielle de recomposition n’a pour l’heure été dévoilée.

Jim Ellis, Président de l’UAG, a détaillé les activités des 6 sous-Comités :

  • Exploration and Discovery Subcommittee : Revue de l’architecture du programme lunaire et étude des perspectives habitées vers Mars
  • Economic Development and Industrial Base Subcommittee : Analyse des aspects économiques et sécuritaires associés aux activités en orbite basse notamment pour la Station spatiale internationale (ISS) et son avenir. Étude de l’impact de la pandémie sur l’industrie aérospatiale
  • Technology and Innovation Subcommittee : Etablissement d’une feuille de route sur les technologies spatiales critiques, perspectives du Space Traffic Management et nécessité de conserver une fiabilité et résilience des données spatiales
  • Education and Outreach Subcommittee : Proposition d’amélioration du système éducatif américain notamment dans les milieux défavorisés pour conserver le leadership américain dans le spatial
  • Space Policy and International Engagement Subcommittee : Développement d’une relation privilégiée avec plus de 100 nations spatiales et mise en place de lignes directrices et normes pour répondre aux comportements hostiles de certains États.
  • National Security Subcommittee : Opportunités de réorganiser les capacités spatiales de sécurité nationale.

7. United Sates Space Priorities Framework

En marge du Conseil, l’administration a diffusé un « US Space Priorities Framework » (téléchargeable ici), un document de 7 pages définissant des grandes orientations pour ses travaux. Le document couvre plusieurs domaines, avec un accent sur les aspects sécurité-défense et internationaux, notamment :

  • Accélération de la transition vers une posture spatiale « plus résiliente », et de la capacité à détecter et attribuer des actions hostiles
  • Renforcement de l’intégration avec les capacités des Alliés
  • Dialogue diplomatique avec les compétiteurs stratégiques pour préserver la stabilité
  • Soutien aux normes et à l’ordre international, et volonté de développer de nouvelles mesures sur la sûreté, stabilité, la sécurité et la soutenabilité à long terme
  • Poursuite de la fourniture par les US d’informations pour le trafic spatial, à travers une plateforme open data agrégeant les données de différentes sources
  • Renforcement de la résilience, de la cybersecurité et des chaînes d’approvisionnement en matière de capacités spatiales
  • Coopération avec les Alliés en matière de réglementation et de contrôle des exportations pour les activités commerciales

 Annexe 1 – Liste des membres représentés au sein du NSpC

(a)  the Vice President, who shall be Chair of the Council;

(b)  the Secretary of State;

(c)  the Secretary of Defense;

(d)  the Secretary of the Interior;

(e)  the Secretary of Agriculture;

(f)  the Secretary of Commerce;

(g)  the Secretary of Labor;

(h)  the Secretary of Transportation;

(i)  the Secretary of Energy;

(j)  the Secretary of Education;

(k)  the Secretary of Homeland Security;

(l)  the Director of the Office of Management and Budget;

(m)  the Director of National Intelligence;

(n)  the Director of the Office of Science and Technology Policy;

(o)  the Assistant to the President for National Security Affairs;

(p)  the Assistant to the President for Economic Policy;

(q)  the Assistant to the President for Domestic Policy;

(r)  the Assistant to the President and National Climate Advisor;

(s)  the Chairman of the Joint Chiefs of Staff;

(t)  the Administrator of the National Aeronautics and Space Administration; and

(u)  the heads of other executive departments and agencies (agencies) and other senior officials within the Executive Office of the President, as determined by the Chair.

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