A la mi-Septembre 2022, le président américain Joe Biden a lancé un plan ambitieux de 2 milliards de dollars pour stimuler la bio-économie et la biotechnologie aux États-Unis. Les principaux objectifs de cette initiative nationale seraient, selon Biden, « d’améliorer et d’étendre la capacité et les processus de production de bio-fabrication nationale, tout en augmentant les efforts de pilotage et de prototypage en biotechnologie et en bio-fabrication pour accélérer la mise en pratique des résultats de la recherche fondamentale ». A plus long terme, l’ambition du gouvernement, grâce à ces mesures, est de baisser le coût de la vie des citoyens, de créer des emplois, de sécuriser l’approvisionnement en médicaments, en carburants, en produits chimiques et en matériaux, et de réduire les émissions de CO2.
Grâce à l’établissement d’un décret exécutif, le gouvernement fédéral prend la responsabilité des financements en recherche et innovation afin de les orienter vers l’utilisation de micro-organismes et d’autres ressources d’origine biologique. Ces ressources permettront de fabriquer de nouveaux aliments, engrais et semences, et ont l’ambition de rendre les opérations minières plus efficaces. En laissant la main aux agences fédérales sur la définition des besoins prioritaires en R&D pour accélérer le transfert de technologie en bioscience et biotechnologies, ce décret ouvre la voie au renforcement des chaînes d’approvisionnement nationales (visant l’indépendance en matières premières et en bio-production) et vise à permettre des avancées scientifiques nécessaires à la santé publique, au cœur du programme politique de Biden. Il est par exemple question de développer des moyens de prévention par la vaccination et de détection précoce lors d’un examen médical annuel pour lutter contre le cancer, priorité du gouvernement de Biden, lui-même fortement sensibilisé par la cause.
Biden entend, par cette initiative, sécuriser et protéger la bio-économie américaine et se préparer aux futures pandémies « en adoptant une approche proactive et tournée vers l’avenir pour évaluer et anticiper les menaces, les risques et les vulnérabilités potentielles (y compris les efforts d’intrusion, de manipulation et d’exfiltration numériques par adversaires étrangers), et en s’associant avec le secteur privé, et d’autres parties prenantes concernées, pour atténuer conjointement les risques, afin de protéger le leadership technologique et la compétitivité économique ».
Développer la bio-fabrication nationale
Cette initiative implique plusieurs ministères et agences gouvernementales, notamment le ministère de la Défense (Department of Defense, DoD), qui, sur une période de cinq ans, investira un total de 1 milliard de dollars dans la mise en place d’une infrastructure de fabrication nationale pour l’industrie bio-sourcée et l’innovation en bio-production. Conjointement à ces investissements structurels, le DoD lance un programme de 270 millions de dollars pour accélérer la valorisation de la recherche de produits et de nouveaux matériaux bio-sourcés avancés pour les chaînes d’approvisionnement de la défense, tels que les carburants, les composites résistant au feu, les polymères et les résines, et les matériaux de protection. Un montant additionnel de 200 millions de dollars servira également à assurer une meilleure bio-sécurité et cybersécurité de ces installations de production.
Ouvrir la voie à un développement durable
Le ministère de l’énergie (Department of Energy, DoE), quant à lui, fournira jusqu’à 100 millions de dollars pour la recherche et le développement de la conversion de la biomasse en carburants et produits chimiques, mais aussi pour améliorer la production et le recyclage des bio-plastiques. Le DoE ajoutera à cela 60 millions de dollars pour réduire les risques liés à l’intensification de la biotechnologie et de la bio-fabrication. L’objectif à terme est de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre provenant des transports, de l’industrie et de l’agriculture, via le développement de l’activité commerciale de bio-raffineries produisant des produits chimiques et des carburants renouvelables.
Le ministère de l’agriculture (Department of Agriculture, USDA) contribue également à hauteur de 500 millions de dollars pour la production d’engrais américains indépendants, innovants et durables pour les agriculteurs américains. En mai 2022, ce même ministère avait annoncé un financement de 32 millions de dollars pour les matériaux à base de bois. 93 millions de dollars supplémentaires seront mobilisés pour développer ces nouveaux produits dérivés de bois prélevé directement dans les forêts américaines.
Accélérer la bio-innovation
La National Science Foundation (NSF) a récemment annoncé un concours pour financer les moteurs régionaux d’innovation à travers les États-Unis. Ces acteurs soutiendront des domaines clés d’intérêt national et de promesse économique, et donc avant tout des projets de biotechnologie et de bio-fabrication visant à réduire les déchets et atténuer le changement climatique ou produire de médicaments vitaux.
En effet, si une grande part des plans de financements, au niveau fédéral comme régional, se concentre sur l’environnement, le secteur de la santé est aussi une priorité. De leurs côtés, les National Institutes of Health (NIH) s’engagent à élargir le NSF Innovation-Corps, un programme d’entrepreneuriat visant à favoriser l’innovation en biotech, grâce à leur soutien économique. Dans l’objectif de former de futurs talents, le NIIMBL (National Institute for Innovation in Manufacturing Biopharmaceuticals) continuera d’offrir son programme d’immersion d’été, le NIIMBL eXperience, en partenariat avec la National Society for Black Engineers, qui relie les étudiants de communautés défavorisées et/ou isolées aux grandes entreprises bio-pharmaceutiques américaines.
Orienter les projets de R&D sur la santé publique, avec un accent mis sur la thérapie génique
Le plan santé s’axe notamment sur le développement des chaînes d’approvisionnement pharmaceutiques et sur une meilleure production et distribution de tissus et d’organes régénératifs. Au sujet des nouvelles thérapies, l’Alliance pour la médecine régénérative (ARM) a déclaré qu’elle saluait les efforts de l’administration Biden pour accélérer l’accès des patients aux thérapies géniques dans le cadre de cette initiative nationale, ce qui place ces thérapies au centre de la bio-économie américaine. L’ARM salue également la cohérence stratégique de cette politique qui instaure des cadres de fabrication et de réglementation pour garantir l’accès à ces nouvelles thérapies aux patients. La Maison Blanche a par ailleurs déclaré que le Consortium de thérapie génique sur mesure de l’Accelerating Medicines Partnership des NIH (NIH’s Accelerating Medicines Partnership® Bespoke Gene Therapy Consortium) soutiendra jusqu’à six nouveaux essais cliniques, chacun axé sur une maladie rare différente.
Mettre en place un cadre réglementaire pour accroître l’accès aux produits de la biotechnologie
Telle est la mission de la Food and Drug Administration (FDA) pour soutenir la fabrication de pointe grâce à la science réglementaire, que la FDA définit comme une discipline scientifique qui consiste à développer et à mettre en œuvre des méthodes scientifiques, des outils, des approches, et toutes sortes de procédés pertinents dérivés de différentes disciplines scientifiques pour les utiliser en support de la réglementation et des nouvelles politiques. Cette science réglementaire se place donc au croisement stratégique entre les sciences et la politique, en s’appuyant sur des conseils techniques et également sur un engagement accru avec l’industrie, pour optimiser l’utilisation des biotechnologies émergentes.
Capitaliser sur les avancées en biotechnologie pour renforcer les chaînes d’approvisionnement
Le ministère de la Santé et des Services sociaux investira 40 millions de dollars pour élargir le rôle de la bio-fabrication d’ingrédients pharmaceutiques actifs (API), d’antibiotiques et des principales matières premières nécessaires pour produire des médicaments essentiels et répondre efficacement aux pandémies, pour répondre aux besoins de la population américaine de la façon la plus indépendante possible par rapport aux pays étrangers.
Mieux mesurer et normaliser les avancées bio-économiques
Le ministère du Commerce (Department of Commerce, DoC) prévoit de verser l’année prochaine 14 millions de dollars supplémentaires à l’Institut national des normes et de la technologie (NIST) pour financer des programmes de recherche en biotechnologie. Ces programmes viseront à développer des outils de mesure de performances, à mettre en place des normes et à collecter des données pour analyser et orienter l’évolution de la bio-économie américaine. L’objectif est de réduire les risques financiers en investissant dans le même temps dans la recherche en bio-sécurité et en facilitant le partage de données pour faire progresser la bio-économie.
Dès lors, si la part du financement global des États-Unis pour la R&D par rapport au PIB a chuté depuis le pic des années 1950, Biden s’est engagé à inverser la tendance. En plaçant la biotechnologie comme fondamentale pour l’économie et la sécurité nationale, les États-Unis entendent rester en tête de compétition internationale grâce à des solutions innovantes face aux défis mondiaux, tout en anticipant les risques associés, en s’engageant à avoir des discussions transparentes et ouvertes sur la bio-sûreté et la bio-sécurité. Le plan stratégique pensé à long terme s’appuie aussi sur la formation d’une main d’œuvre qui exploite la diversité de ce vaste pays et qui donne des opportunités à tous, et sur la prise compte des questions éthiques et sociétales tout au long du cycle de vie des bio-innovations, du développement et du déploiement des technologies. Pour réussir au mieux ce projet d’envergure, le gouvernement Biden a embarqué l’ensemble des acteurs, et en a fait un réel défi national et trans-disciplinaire en créant un écosystème moteur qui rassemble instances gouvernementales, académies, et industries autour d’une vision bio-économique commune, tout en s’appuyant sur une forte collaboration internationale.
C’est donc unie que la communauté opèrera, avec un financement de plus de 2 milliards de dollars, pour mettre en œuvre ce décret du président Biden visant à lancer une initiative nationale de biotechnologie et de bio-fabrication pour réduire les prix, créer des emplois pérennes, renforcer les chaînes d’approvisionnement, améliorer les résultats de santé, et réduire les émissions de carbone. Quand deux crises majeures se dessinent d’ici 2050, d’abord démographique avec une population globale estimée à 10 milliards de personnes, puis alimentaire, les innovations en matière de bio-fabrication sont une transition vue comme fondamentale pour le 21e siècle. L’investissement du gouvernement américain dans ce domaine montre son engagement à atteindre des objectifs ambitieux en matière de changement climatique (zéro émission nette d’ici 2050), tout en assurant dans le même temps une croissance économique américaine, grâce à la création d’emplois et à la sécurité de l’approvisionnement alimentaire et sanitaire.
Rédactrice : Clara Devouassoux, Chargée de mission scientifique, Los Angeles, [email protected]
Sources :
https://www.scienceboard.net/index.aspx?sec=ser&sub=def&pag=dis&ItemID=4717
https://endpts.com/us-government-pledges-2b-for-new-initiative-on-biomanufacturing/
https://www.genengnews.com/industry-news/biotechnology-gets-2-billion-boost-from-the-white-house/
