Biodiversité : l’administration Biden publie un projet de réglementation renforçant la protection des espèces menacées et de leur habitat

Un pilier légal important de la protection de la biodiversité aux Etats-Unis est l’Endangered Species Act (ESA) de 1973. Cette loi protège les espèces en danger de la chasse et des trafics, ainsi que les écosystèmes fragilisés par les activités humaines.

Dans son application, deux listes ont été définies : espèces en danger (endangered species) et espèces menacées (threatened species), à savoir : “susceptibles d’être en danger dans un futur prévisible”. La responsabilité de la tenue de ces listes est partagée entre le Fish and Wildlife Service (FWS, qui relève du Department of Interior)  pour les espèces continentales [1] et le service de la pêche (National Marine Fisheries Service) de la  National Ocean and Atmosphere Administration (NOAA) pour les espèces marines [2]. 

Des règles générales, connues sous le nom de “blanket 4(d) rules”, ont étendu, par défaut, aux espèces menacées, certaines mesures basiques de protection garanties par l’ESA aux espèces en danger ; elles interdisent en particulier, et sauf dérogation, leur “prise” (take), leur transport, leur commerce, etc.

L’ESA et ses règlements d’application sont réputés avoir sauvé de l’extinction des espèces américaines emblématiques telles que l’aigle à tête blanche, l’alligator, le grizzly, le faucon pèlerin, la loutre de mer du sud, la baleine à bosse, la tortue verte, le loup gris, le lamantin de Floride, le condor de Californie.

Le condor de Californie, espèce en danger. Crédit photo : US Fish and Wildlife Service

Les élus républicains et l’industrie pétrolière ont, en revanche, constamment imputé à cette interprétation large de la portée de l’ESA un impact négatif sur la croissance économique et l’exploitation des ressources naturelles, énergétiques et minières.

L’administration Trump a œuvré –  jusqu’aux toutes dernières semaines de son mandat –  à en réduire la portée par voie réglementaire. Elle a notamment : (i) remplacé les blanket 4(d) rules par des niveaux de protection définis au cas par cas lors des enregistrements de nouvelles espèces menacées ;  (ii) allégé les critères et procédures de retrait de la liste des espèces menacées ; (iii) supprimé une clause qui excluait les critères d’impact économique dans la décision d’inscrire ou de retirer une espèce dans la liste ; (iv) limité les eaux et territoires dans lesquels les espèces menacées peuvent bénéficier d’une protection fédérale. La légalité de ces réglementations vis-à-vis de l’ESA a été contestée en justice par des associations de défense de l’environnement.

Dès 2021, l’administration Biden a annoncé son intention de revenir sur ces changements.

Un projet de réglementation, publié le 21 juin 2023 [3], fait l’objet d’une consultation publique de 60 jours. Il revendique une approche “fondée sur la science”. Il affranchit de nouveau l’inscription sur (ou le retrait de) la liste d’espèces menacées de toute considération d’impact économique. Il restaure les blanket 4(d) rules évoquées plus haut, offrant ainsi, par défaut, des mesures de protection communes à toutes les espèces menacées.

Ce projet clarifie aussi la désignation d’habitats “critiques”, qui peuvent inclure des aires inoccupées au moment de l’inscription d’une espèce dans la liste, mais dont on peut prévoir qu’elles deviendront essentielles pour sa conservation, notamment dans un contexte d’adaptation au changement climatique et à la perte de biodiversité.

Dès sa publication, ce projet a été salué par certaines organisations de défense de l’environnement – même si d’autres lui reprochent de garder certaines dispositions de l’ère Trump – et sévèrement critiqué par les élus républicains. L’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation est espérée pour le printemps 2024.

Dans le même temps, une proposition de loi “Recovering America’s Wildlife Act[4],  déposée en mars 2023 et parrainée conjointement (co-sponsored) par des sénateurs républicains, démocrates et indépendants, est actuellement examinée par la Chambre des Représentants. Dans un contexte où les politiques environnementales sont une des cibles principales des coupes budgétaires réclamées par la nouvelle majorité républicaine, cette proposition bipartisane, largement saluée par les associations, prévoit un soutien financier annuel de 1.4 Md$ aux États, territoires et tribus dans leurs actions de protection des espèces menacées et de restauration de leurs habitats.

 

Références :

[1] https://ecos.fws.gov/ecp/

[2] https://www.fisheries.noaa.gov/species-directory/threatened-endangered

[3] https://public-inspection.federalregister.gov/2023-13054.pdf

[4] https://www.congress.gov/bill/118th-congress/senate-bill/1149/text

 

Rédacteur :

Joaquim Nassar, Attaché pour la Science et la Technologie, Ambassade de France à Washington

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