Joe Biden a annoncé mardi 21 juin dernier son intention de nommer Arati Prabhakar au poste de conseillère scientifique du président et à la tête du bureau exécutif de la politique scientifique et technologique de la Maison-Blanche (White House Office of Science and Technology Policy, OSTP), un poste de rang ministériel qui lui fait intégrer l’équipe rapprochée du président.
L’ingénieure de 63 ans succède ainsi à Eric Lander, poussé à la démission après sa mise en cause en février dernier pour ses méthodes de travail inappropriées et ses propos hostiles au sein de son équipe (NDI-2022-0064377). Alondra Nelson, jusqu’alors directrice adjointe de l’OSTP en charge de la branche “science et société”, avait assuré l’intérim à la tête du bureau, en partage avec Francis Collins, ancien directeur des National Institutes of Health (NIH), qui avait repris le rôle de conseiller scientifique du président.
Outre qu’elle devient ainsi la première femme, de couleur et d’origine immigrée à accéder à ce poste, son profil scientifique en technologies émergentes et ses expériences passées, publiques et privées, accentuent la rupture avec ses prédécesseurs.
Arati Prabhakar a déjà dirigé deux agences fédérales en charge de la R&D : le National Institute of Standards and Technology (NIST) responsable de l’élaboration des normes technologiques, de 1993 à 1997 sous l’administration Clinton, et de 2012 à 2017 sous l’administration Obama, la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA), rattachée au département de la Défense et spécialisée dans la R&D des nouvelles technologies à usage militaire. Dans l’intervalle, Mme Prabhakar a travaillé 15 ans dans le domaine du capital-risque dans la Silicon Valley, où elle a orienté des investissements dans des technologies émergentes autour de l’énergie, de l’électronique et des semi-conducteurs.
Ingénieure électrique de formation et titulaire d’un doctorat en physique appliquée de l’Institut technologique de Californie (CalTech), Arati Prabhakar a fondé et dirigé à la DARPA le bureau des technologies microélectroniques (MTO) de développement de la recherche militaire et duale dans les technologies de semi-conducteurs, nouvelles techniques industrielles, optronique, imagerie infrarouge et nanoélectronique.
Promouvoir une culture DARPA à travers l’administration
Dans la continuité des efforts entrepris par l’administration Biden depuis son accession au pouvoir en janvier 2021, Arati Prabhakar devra poursuivre la mise en place de l’agenda scientifique de l’administration Biden, concentrée autour de trois piliers : utiliser l’expérience de la gestion de la pandémie COVID-19 pour avancer sur le front de la santé publique, en finançant massivement la recherche contre le cancer ; accompagner le développement des nouvelles technologies au service du climat et des énergies propres ; conserver le leadership américain en sciences et technologies et veiller à ce que les fruits de l’innovation profitent au plus grand nombre d’Américains.
S’exprimant lors d’un séminaire sur le climat organisé à Caltech ce mois-ci, Mme Prabhakar a expliqué que “l’un des problèmes de la mise à l’échelle des nouvelles technologies est que tout le monde – des entreprises technologiques et financières aux régulateurs gouvernementaux – fonctionne indépendamment”. Son objectif est de sortir des silos qui ralentissent l’innovation.
Forte de son expérience à la DARPA, la nomination de Mme Prabhakar confirme la volonté du président et de son administration de faire prévaloir une “culture DARPA” dans tous les domaines de la recherche scientifique, fondée notamment sur la culture du risque, sur des investissements massifs dans des domaines ciblés et sur un management souple et horizontal. Une vision que l’ingénieure a détaillée dans un article paru l’année dernière.
Parmi les chantiers dont elle aura la charge, elle devra notamment superviser la création de l’Advanced Research Projects Agency for Health (ARPA-H), dernière née des agences inspirées de la DARPA et centrée sur la recherche biomédicale de pointe, avec pour objectifs des avancées importantes dans la lutte contre le cancer et d’autres maladies prévalentes au sein de la population : maladie d’Alzheimer, diabète et maladies cardiovasculaires. Mme Prabhakar devra composer avec un Congrès prudent, qui n’a attribué à l’ARPA-H qu’un financement d’un milliard de dollars sur les 6,5 proposés par le président Biden l’année dernière.
La nomination d’Arati Prabhakar a été saluée par l’ensemble des agences fédérales scientifiques, fédérations de scientifiques du pays et le camp républicain n’a pas exprimé de désapprobation qui laisserait à penser qu’elle pourrait échouer à être confirmée par le Sénat. Comme l’exige la Constitution, la nomination présidentielle sera en effet soumise à un vote de confirmation du Sénat.
[1] : A titre de comparaison, la requête budgétaire pour 2023 alloue un budget de 8 millions de dollars à l’OSTP et de 8,5 milliards de dollars à la National Science Foundation, une des principales agences de financement de la recherche fondamentale.
Rédacteur : Julian Muller, chargé de mission, Washington D.C. – julian.muller at ambascience-usa.org