L’enjeu de ces French-American Innovation Days était de taille et les participants au rendez-vous. En présence du Consul Général de France à San Francisco, Frédéric Jung, et de la Conseillère pour la Science et la Technologie, Mireille Guyader, plus d’une centaine de chercheurs et industriels internationaux étaient réunis – avec une représentation très forte et notable de la France et du Canada – pour couvrir l’étendue des domaines concernés : des neurosciences à l’Intelligence Artificielle, en passant par la neuromodulation spinale, l’anatomie du cerveau, les sciences cognitives, la science des données (data science), la programmation et l’informatique, pour n’en citer que quelques uns.
A la question qui leur était posée de savoir comment les recherches en neurosciences pouvaient inspirer le développement d’algorithmes plus intelligents et plus aptes à apprendre, chacun a tenté de répondre en apportant des idées, des ébauches de réponse, de nouvelles questions, que tous ont ensuite partagé avec beaucoup d’ardeur et de technicité. La question inverse de savoir comment l’intelligence artificielle participait à faire progresser notre compréhension du cerveau humain a également animé les débats entre chercheurs des mondes académiques, hospitaliers et industriels.
Porté par une équipe organisatrice extrêmement dynamique, et réunissant un auditoire inhabituellement interdisciplinaire – un différenciant très fort selon les dires des participants – cet évènement a été le témoin de la concrétisation de multiples collaborations franco-américano-canadiennes. Ces dernières étaient soit pré-existantes (ex.: initiées à distance lors de la période pandémique), soit en émergence, en particulier à l’occasion d’une table ronde sur l’avenir du projet IN-BIC.
Avec un auditoire en présentiel de 50 à 60 chercheurs en moyenne, auquel s’ajoute les connexions à distance – entre 20 et 55, selon les sessions et les créneaux horaires – cette série de présentations, d’un niveau technique et scientifique extrêmement élevé, a permis d’accroître encore la visibilité de nos chercheurs français, invités d’honneur du Consulat de France à San Francisco, et dont la pertinence au sein de cet écosystème est déjà largement démontrée.
Audience du Symposium NeuroAI à l’université de Washington. Crédit photo : Service pour la Science et la Technologie du Consulat Général de France à San Francisco.
Retour sur les panels qui ont marqué ce Symposium
Le Service pour la Science et la Technologie (SST) a permis à quatre chercheurs venus de France de prendre part aux échanges et de partager leurs recherches.
Intervenants ayant fait le déplacement depuis la France pour participer au Symposium NeuroAI à l’université de Washington, de gauche à droite : Frédéric Alexandre (INRIA Université de Bordeaux), Jean Daunizeau (Paris Brain Institute), Jean-Baptiste Masson (Institut Pasteur – CNRS – Université Paris Cité – INRIA – Avatar Medical) et Boris Gutkin (ENS Paris – Institut Pasteur). Crédit photo : de gauche à droite, F. Alexandre, J. Daunizeau, J-B. Masson,, B. Gutkin.
- Frédéric Alexandre, INRIA Université de Bordeaux, est venu parler de contrôle cognitif, et de l’importance de comprendre les interactions entre différentes régions de la mémoire.
- Jean Daunizeau, Paris Brain Institute, a partagé les découvertes de son équipe sur la manière dont l’attitude face au risque s’adapte en fonction de l’échelle de risque encourue.
- Jean-Baptiste Masson, Institut Pasteur – CNRS – Université Paris Cité – INRIA et l’un des fondateurs d’AVATAR MEDICAL, cherche à établir avec son équipe le lien entre stratégies physiques et systèmes biologiques, par exemple s’agissant de circuits de décision inspirés des systèmes neurodégénératifs.
- Boris Gutkin, ENS Paris – Institut Pasteur, a abordé la notion de prédictibilité, répondant au besoin pour un système biologique apprenant, de préserver son intégrité physiologique sur la plus longue durée possible.
D’autres intervenants de renom ont pris part à cet évènement et en particulier le français Yann Le Cun, Vice-President et Chief Artificial Intelligence Scientist à Meta et Blaise Agüera y Arcas, Vice-President Fellow à Google Research. Leurs keynotes ont d’ailleurs fait salle comble avec un pic de fréquentation excédant 150 participants.
Présentation de Blaise Aguera y Arcas, “AI: where did it come from, what is it now and where is it going?” (à gauche) ; Présentation de Yann Le Cun, “A Path Towards Autonomous AI » (à droite). Crédit photo : SST du Consulat Général de France à San Francisco.
- Blaise Aguera y Arcas a choisi de mettre l’accent sur le fait que “nos seuls cerveaux ne peuvent plus être les seuls garants de l’intelligence collective, nous devons trouver de nouvelles manières d’être intelligents à mesure que le nombre de cerveaux disponibles décroît” (traduit de l’anglais, en référence à la stagnation de la population terrestre, NDLR). Lors de sa présentation, Aguera a présenté de nouvelles architectures à base de modèles d’attention inspirés des neurosciences et d’apprentissage non-supervisé. En point d’orgue, une démonstration très convaincante de l’intelligence artificielle LaMDA (Language Model for Dialog Applications) vue comme la seule voie de développement viable de l’IA à court et moyen terme.
- Yann Le Cun a quant à lui insisté sur la nécessité, pour briser les barrières actuelles de l’apprentissage algorithmique, de concevoir des systèmes capables de se façonner une représentation du monde (world model), c’est-à-dire un savoir élémentaire, collégial, appris dès les premiers stades de l’apprentissage (par analogie avec l’apprentissage humain). Le Cun définit ainsi les systèmes d’IA autonomes, capables de se bâtir un world model en combinant différentes stratégies d’IA, afin d’aboutir à une architecture modulaire. Il s’agit alors pour le système de savoir à tout instant prédire les états futurs du monde qui l’entoure et de savoir à quels modules faire appel pour un apprentissage adapté et optimisé. L’ensemble de ces concepts est présenté dans son article intitulé : “A Path Towards Autonomous Machine Intelligence” .
Des acteurs industriels ont également été invités à partager leur vision sur le rôle des entreprises dans ces transitions aussi bien technologiques que sociétales. Parmi eux, Julie Harris (Cajal Neuroscience), Babak Parviz (Amazon), Philip Sabes (Starfish Neuroscience), Corrine Teeter (Sandia) et Jean-Baptiste Masson (Avatar Medical).
Panel réunissant les acteurs industriels et de la R&D : de gauche à droite, Corrine Teeter (Sandia), Philip Sabes (Starfish Neuroscience), Julie Harris (Cajal Neuroscience), Jean-Baptiste Masson (Avatar Medical) et Babak Parviz (Amazon). Crédit photo : SST du Consulat Général de France à San Francisco.
Parmi les sujets débattus, les intervenants se sont accordés à souligner l’importance pour les chercheurs académiques d’exploiter les moyens mis à disposition par le monde industriel et de promouvoir la création de startups, lorsque cela est pertinent. Car en effet, si toutes les startups sont construites sur de vrais problèmes scientifiques, la réponse qu’elles offrent n’est pas unique. Enfin, sur le plan des enjeux sociétaux, la question des conflits de valeur et de l’échelle de temps des retombées positives des technologies d’IA a été longuement discutée, sans que soit privilégié un positionnement plutôt qu’un autre, la volonté première de cette communauté étant de se donner des perspectives communes de développement et d’impact sociétal et environnemental positif sur le long terme.
En marge des panels, des sessions posters ont été organisées afin de permettre aux étudiants de prendre une part active à l’événement, et de profiter ainsi de la vivacité des échanges pour accroître la qualité et la portée de leur travail.
Session posters lors du Symposium NeuroAI à Seattle. Crédit photo : SST du Consulat Général de France à San Francisco.
Après NeuroAI Paris et Seattle, une prochaine édition à Montréal en 2023
Cet événement NeuroAI in Seattle, à l’intersection entre les Neurosciences et l’Intelligence Artificielle, s’inscrivait dans la lignée de l’événement NeuroAI in Paris qui avait eu lieu en France au mois d’avril dernier. Une troisième édition, toujours portée par le consortium IN-BIC, est d’ores et déjà prévue à Montréal en 2023 sous l’impulsion de Guillaume Lajoie, de McGill University / MILA.
De gauche à droite : Eb Fetz (Université de Washington), Eric Shea-Brown (Université de Washington), Guillaume Lajoie (Université de Montréal – Mila), Adrienne Fairhall (Université de Washington), Emmanuelle Pauliac-Vaujour (SST), Yann LeCun (Meta), Mireille Guyader (SST) et Héloïse Pajot (SST). Crédit photo : avec l’autorisation de Computational Neuroscience Center, University of Washington.
Ces symposia reçoivent le soutien financier de la NSF par le biais de la bourse AccelNet obtenue par Adrienne Fairhall et Eric Shea-Brown, co-directeurs du Computational Neuroscience Center de l’Université de Washington. L’édition 2022 à Seattle a bénéficié d’un soutien financier et organisationnel supplémentaire de la part du SST de San Francisco ainsi que du soutien financier de Accelerated AI Algorithms for Data-Driven Discovery Institute (A3D3) (également un programme financé par le NSF) et du Weill Neurohub (réseau d’universités privées et publiques, University of California Berkeley, University of California San Francisco et University of Washington, fédéré par la Weill Family Foundation et soutenu par des partenaires industriels), et la Shanahan Family Foundation.
Rédactrices
Emmanuelle Pauliac-Vaujour, Attachée pour la Science et la Technologie au Consulat Général de France à San Francisco, [email protected]
Héloïse Pajot, Chargée de mission scientifique au Consulat Général de France à San Francisco, [email protected]