L’importance de la préservation des forêts dans la lutte contre le changement climatique

La sous-commission "Department Operations, oversight, nutrition and Forestry" de la commission pour l’Agriculture a tenu une audition le mercredi 3 juin à la chambre des représentants visant à déterminer les évolutions possibles, sous la nouvelle administration, des réglementations existantes sur les forêts. Avec plusieurs témoins provenant de différentes institutions (représentants du gouvernement, d’ONG et d’entreprises), cette commission avait notamment pour but d’apporter des éléments de réponses face aux récents événements survenus dans l’ouest américain (feux de forêts de forte intensité en Californie).

Actuellement, les espaces forestiers aux Etats-Unis représentent une superficie de 174 millions d’hectares, la moitié (57%) de cet espace étant sous la propriété de particuliers. Afin de gérer l’ensemble des espaces publics ("national Forest"), l’"U.S. Forest Services" a demandé un budget d’environ 5 milliards de dollars, soit une augmentation de 9% par rapport à l’année dernière. En effet, les forêts sont un élément clé pour la gestion des ressources naturelles, la santé des espaces boisées ayant de fortes interactions avec le cycle de l’eau (quantité et qualité de l’eau) et la protection de la biodiversité (problématique des espèces invasives [1]). Le rôle de la forêt quant à la réduction des GES (Gaz à Effet de Serre) et à la production d’énergie a par ailleurs été abordé. La commission pour l’Agriculture a ainsi rappelé son intention de revoir les réglementations afin de permettre un développement des bioénergies dans une optique de développement durable.

Ces thématiques sont d’actualité si l’on en juge par le rapport publié ce mois-ci par WWI (WorldWatch Institute) sur le thème de l’agriculture et du changement climatique [2] ainsi que par la série de conférences organisées par l’IFPRI ((International Food Policy Institut). Le jeudi 28 Mai s’est tenu la seconde conférence sur le rôle de l’agriculture dans les futures négociations climatiques (Copenhague en décembre 2009). Cet événement a donné la parole à Ross Garnaut, professeur d’économie à l’université "Australian National University" et membre du conseil de l’IFPRI, à William Hohenstein, directeur du programme sur le changement climatique à l’USDA (United States Department of Agriculture) et à Gerald Nelson, chercheur à l’IFPRI. Globalement, les intervenants ont présenté les différents enjeux et problèmes auxquels sera confronté le secteur agricole dans le cas de l’adoption d’une régulation des GES au sein des Etats-Unis et à l’échelle internationale.

Selon eux, l’agriculture est amenée à jouer un double rôle dans les futures négociations climatiques. Il est vrai que si ce secteur est responsable de 7% des émissions de GES aux Etats-Unis (fertiliseurs, déforestation), il peut par ailleurs apporter une contribution non négligeable dans la réduction de ces émissions (stockage de CO2 par la production de biomasse). Un système de régulation tenant compte de l’ensemble des sources d’émission (ce qui ne fut pas le cas lors de l’élaboration du protocole de Kyoto) doit être mis en place afin de restreindre la portée des conséquences du changement climatique. Comme l’a rappelé W. Hohenstein (USDA), les impacts du changements climatiques varieront selon les zones géographiques tout comme la capacité des populations et écosystèmes à s’adapter.

La mise en place d’un système équitable permettra d’inclure les pays émergents, lesquels sont amenés à largement contribuer aux futures émissions de GES en l’absence de partage de technologies par les pays développés. En effet, si la croissance économique des pays émergents est actuellement freinée par la récession économique, les pays émergents (Inde, Indonésie..) devraient rebondir rapidement et leur croissance économique sera accompagnée par d’importantes émissions.

Pour cela, les négociations climatiques doivent faire appel à des stratégies financières innovantes. Par exemple, G. Nelson suggère la mise en place d’un fond international pour l’adaptation. De plus, inclure l’agriculture nécessitera de résoudre un certain nombre de problèmes juridiques tels que ceux liés aux droits de propriété. Le comité de Copenhague 2009 devra ainsi définir des seuils d’émissions accessibles et un marché économique offrant des opportunités aux pays émergents. De ce système, pourrait résulter des bénéfices important qui devront être répartis de façon à inciter les pays émergents à participer à un tel système.

Tenir compte de stratégies agricoles dans le contrôle des GES pose cependant un certain nombre de problème notamment vis-à-vis de la demande croissante en alimentation (3 milliards de personnes en plus d’ici 2030). Si l’augmentation de la productivité permettra de répondre en partie aux besoins croissants de la population et diminuera la pression existante sur les espaces boisés (diminuant ainsi les émission liées à la déforestation..), il n’en reste pas moins que cette action sera accompagnée par d’importantes émissions de CO2 (liée à l’utilisation de fertiliseurs à l’origine d’un dégazage des couches supérieures du sol). Le problème de compétition entre les terres agricoles destinées à l’alimentation et à la culture de matière première pour les biocarburants a par ailleurs été soulevé par l’audience lors de la conférence. A cela, G. Nelson a rappelé que le gouvernement américain mise beaucoup sur la production de bioéthanol cellulosique (synthétisés à partir d’algues et de bactéries [3]) et que le développement des bioénergies sera principalement axé sur les résidus de cultures, ne monopolisant pas des surfaces de sols importantes.

Au final, si l’intégration de l’agriculture dans les mécanismes de contrôle des GES est importante, de plus amples recherches sont nécessaires pour déterminer dans quelles mesures le CO2 pourra être stocké dans les couches supérieures du sol. Plus de données scientifiques sont nécessaires pour améliorer la compréhension de la variabilité naturelle (nécessité d’utiliser à plus grande échelle la technique remote sensing) et faire face aux incertitudes soulevées par les modélisations informatiques [4].

Source :

– Audition au Congrès. "To review the future of forestry policy in the United States." Commission de l’Agriculture – https://agriculture.house.gov/hearings/schedule.html
– Forest Carbon Offers Cheaper Way To Curb Warming, 01/06/2009, Reuter – https://planetark.org/wen/53172
– Dealing with Climate Change. The Need to Include Agriculture and Land Use, 28/05/2009, IFPRI – https://www.ifpri.org/events/seminars/2009/20090528climate.asp

Pour en savoir plus, contacts :

– [1] BE Etats-Unis 136. (03/10/2008) – "Le scarabée : acteur du réchauffement climatique" : https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/56165.htm
– [1] BE Etats-Unis 142. (14/11/2008) – "Les forêts du Nord Est américain menacées par un coléoptère asiatique" : https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/56659.htm
– [2] Rapport "Mitigating Climate Change Through Food and Land Use" du WorldWatch Institute – https://www.worldwatch.org/node/6128#toc
– [3] BE Etats-Unis 119. (17/10/2008) – "Le plan d’action national sur les biocarburants vient d’être publié par le ministère de l’énergie (DoE) et le ministère de l’agriculture (USDA)" : https://www.bulletins-electroniques.com/cgi/htsearch
– [4] BE Etats-Unis 120. (21/04/2008) – "La quantité de carbone séquestrée par les arbres est difficile à cerner" : https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/54048.htm
Code brève
ADIT : 59404

Rédacteur :

Agathe Dumas, [email protected]; Lila Laborde [email protected]

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