Une startup française parmi les lauréats du MIT Climate & Energy Prize

Le MIT Climate & Energy Prize est un concours international organisé par des étudiants du Massachusetts Institute of Technology (MIT) sur le thème du climat et de l’énergie. Pour sa 16ème édition, plus de 110 startups ont candidaté au concours, un record qui reflète l’engouement grandissant autour de ces sujets. En 2023, pour la première fois des startups européennes ont pu participer au concours et la première demi-finale a eu lieu en mars à la Station F à Paris. Le 13 avril, lors de la finale à Boston, PRONOE, une jeune startup française, a remporté le prix “Ocean Innovation”. Nicolas Sdez, CEO et co-fondateur de PRONOE, a répondu à nos questions.
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Que fait PRONOE et quelle est sa raison d’être ?

Nicolas Sdez : Depuis le dernier rapport du GIEC en avril 2022, il est clairement établi que tous les scénarios d’évolutions modélisés qui limitent le réchauffement à 1.5°C (>50%) sans dépassement ou avec un dépassement limité, et ceux qui limitent le réchauffement à 2°C (>67%) impliquent une réduction rapide, profonde et dans la plupart des cas immédiate des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs […], ainsi que le déploiement de méthodes d’élimination carbone (EDC) pour contre-balancer les émissions résiduelles. Or la capacité technique à éliminer le carbone atmosphérique est aujourd’hui limitée. PRONOE est un projet d’élimination du dioxyde de carbone (CO2) de l’air. Notre approche restaure la capacité naturelle de l’océan à capturer et stocker durablement le CO2 atmosphérique. Nous valorisons les effluents d’industries côtières existantes en améliorant les performances environnementales, ce qui permet (i) de restaurer un puits de carbone naturel et (ii) d’atténuer localement l’acidification des eaux de surface. Nous fournissons ainsi des certificats d’élimination carbone de haute qualité à des clients ayant des objectifs Net Zero (Corporates, PMEs, administrations, individus). En d’autres termes, la finance carbone nous permet d’installer et d’opérer, sur les sites d’industries partenaires, des systèmes automatisés de traitement de l’eau et d’aller au-delà des minima requis réglementairement. 

Quelle technologie développe PRONOE ?

NS : Nous développons des systèmes industriels qui produisent (à partir d’eau de mer et d’électricité bas carbone) et dispersent de manière contrôlée un flux alcalin, ce qui renforce la capacité naturelle de l’océan à capter et à stocker de manière permanente le CO2. Nous mettons en jeu des briques technologiques existantes, agencées ensemble en un procédé résolument innovant et pour une application innovante (élimination carbone). Ces briques correspondent à des technologies industrielles mâtures et des matériels modulaires. Au travers d’un procédé Net Négatif en carbone, nous produisons le type d’alcalinité le plus éco-compatible (utilisée dans l’industrie agroalimentaire depuis des décennies), en ne générant pas de déchets mais en générant des co-bénéfices environnementaux au travers de la mitigation de l’acidification des eaux de surface, en ce qu’elle restaure l’acidité des eaux de surface à leur niveau préindustriel. Enfin, nous proposons une solution intégrée d’élimination ; c’est-à-dire capture et stockage du carbone, sans nécessité de recours à une société tierce pour le stockage et sans nécessité de stockage géologique (création de nouveaux puits par fracturation hydraulique).

Notre technologie a un fort potentiel de mise à l’échelle et de réduction de coûts, qui sont deux enjeux clés pour le déploiement des technologies d’élimination.

Quel est votre niveau d’avancement technologique ou TRL ? Quelles sont vos prochaines étapes de développement ? 

NS : La société a été enregistrée il y a 6 mois et nous avons pu déposer un premier brevet avec le soutien de l’INPI (dispositif Pass PI) après expertise de notre innovation. PRONOE s’appuie sur des briques technologiques mâtures et déployées à l’échelle industrielle. L’innovation repose dans l’intégration de ces briques et dans la finalité du procédé mis en œuvre. Nous avons pu valider la faisabilité technique de chaque brique technologique dans le cadre de notre application et passons aux essais de laboratoire pour (a) dérisquer l’intégration de ces briques et (b) acquérir expérimentalement les cinétiques de réaction utiles pour modéliser et optimiser notre procédé à plus grande échelle ; avec l’objectif d’avoir un pilote de laboratoire d’ici à 5-6 mois. Nous sommes notamment soutenus par BPI France au travers du dispositif Bourse French Tech Emergence et par des partenaires de recherche publics et privés. Ce pilote sera alimenté par les effluents industriels réels de nos partenaires, ce qui nous permettra d’atteindre un TRL 4. 

Pourquoi avoir participé au MIT Climate & Energy Prize ? Que vous apporte ce genre de concours ?

NS : Le MIT CEP est un concours particulièrement reconnu pour sa rigueur scientifique. Il s’agissait d’une vraie opportunité car c’est la première édition ouverte à des start ups hors des USA. Par ailleurs, la thématique précise du concours permet de s’adresser à un public averti et de se consacrer sur la valeur ajoutée et l’originalité de notre approche particulière, sans passer de temps à introduire le contexte. Ces concours sont très exigeants en termes de synthétisation des projets. Sélectionnés en 3 phases parmi plus de 125 projets, la finale du MIT CEP a vu concourir les 8 meilleures start ups, 4 européennes et 4 américaines. Au-delà des $15.000 remportés, avoir reçu le prix spécial « Ocean Innovation » est une vraie reconnaissance du sérieux technique et opérationnel de notre projet, ainsi que de son potentiel. Il nous apporte de la visibilité et de la crédibilité auprès d’un public averti, et les opportunités de collaboration qui vont avec.   

Envisagez-vous une installation dans la région de Boston ou aux USA ? 

NS : Nombre de financeurs et de clients de nos solutions se trouvent en Amérique du Nord. La localisation des projets d’élimination et des équipes est un paramètre important pour ces acteurs. A date, les projets d’élimination carbone manquent au niveau européen – même si la législation évolue rapidement et de manière favorable, tandis que le coût de la main d’œuvre experte y est plus faible et que l’écosystème de support est très développé. En bref, nous souhaitons rester centré sur l’Europe mais nous étendre en Amérique du Nord à moyen terme. Boston, de par sa proximité géographique avec l’Europe, avec les villes de la côte Est, avec le cœur du Canada francophone et anglophone, ainsi que ses institutions académiques de premier rang mondial présente de nombreux atouts. Nous avons particulièrement apprécié l’accueil chaleureux et convivial de la communauté française de Boston.

Avez-vous senti une différence dans le traitement de l’innovation autour du climat/environnement entre la France et les US

NS : Absolument, le traitement est très différent entre la France et les US. Le niveau de connaissance, particulièrement sur l’élimination carbone, y est beaucoup plus élevé. Les différences culturelles, notamment l’ouverture d’esprit et la capacité à poser des questions ouvertes permettent de communiquer de manière beaucoup plus efficace en dépassant les a priori qui peuvent exister – de manière tout à fait légitime – quant à la mise en œuvre de solutions technologiques dans la lutte contre le changement climatique. Solutions qui ne sont pas antithétiques mais bien complémentaires avec des mesures de sobriété, et de préservation et restauration des écosystèmes, qui sont absolument primordiales.  

Quels sont selon vous les grands acteurs de l’innovation en climat/environnement à Boston ? 

NS : Le MIT et Harvard sont évidemment des institutions de rang mondial qui s’intéressent à ces problématiques depuis longtemps. Certains des plus anciens papiers de recherche sur nombre de technologies en développement aujourd’hui émanent de ces institutions. Malgré sa taille relativement réduite, la scène climat informelle de Boston est très active – avec des newsletter dédiées (seules New York, Los Angeles et San Francisco en disposent également) et des communautés qui se retrouvent régulièrement autour d’événements ouverts. 

Quels sont les challenges inhérents aux climate/cleantech qui n’existent pas ou peu dans les autres secteurs ?

NS : Sur les sujets climatetech/cleantech, on touche rapidement à des problématiques systémiques, qui nécessitent l’engagement de nombreuses parties prenantes. On parle beaucoup de « Climate Justice » dans le sens où les conséquences du changement climatique touchent disproportionnellement les communautés les plus fragiles et les moins responsables du changement ; il s’agit de leur donner les moyens d’agir quant à la gouvernance des solutions. Evidemment, les aspects réglementaires et les sujets de gouvernance étatique sont très présents pour déployer ces technologies à l’échelle. A court et moyen termes cependant, de nombreux dispositifs permettent de valider ces technologies sur le terrain (centres de tests, milieux contrôlés etc). 

Figure : les fondateurs de PRONOE reçoivent leur prix « Ocean Innovation » au MIT CEP

Références :

Rapport de l’édition 2023 du MIT Climate & Energy Prize

Rédacteur :

Alexandre Bécache, Chargé de mission pour la Science et la Technologie au Consulat Général de France à Boston, [email protected].

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