Des chercheurs de l’université du Michigan et de l’université de Bath (Royaume-Uni) ont découvert que des nanostructures de tellurure de cadmium (CdTe) torsadées sont capables de convertir de la lumière rouge en lumière bleue. Ce nouvel effet photonique identifié pourrait permettre le développement rapide de nouveaux médicaments en offrant un nouvel outil d’analyse au criblage à haut débit des molécules.
Le criblage à haut débit consiste à tester dans un test biologique un nombre très élevé de molécules différentes, en un temps limité. L’objectif est d’identifier de nouvelles substances actives via l’analyse d’une collection de composés chimiques appelée chimiothèque. Ce travail à grande échelle s’effectue grâce à un ensemble d’appareillages automatisés combinant robotique, informatique et bio-informatique.
La méthode consiste à associer des cellules à un composé chimique dans un puit disposé sur une microplaque à l’aide d’un bras robotisé. Ce dernier est nécessaire puisque les puits sont extrêmement petits (volume inférieur à 1 mm3 ou 1 µL). La microplaque, quant à elle, a une taille comparable à celle d’une tablette de chocolat et contient plus d’un millier de puits. La miniaturisation des échantillons accroit l’efficacité de la procédure mais se retrouve limitée par le volume minimal actuellement nécessaire aux analyses biologiques. Afin de satisfaire l’évolution technologique des outils robotisés, il devient primordial d’accélérer la miniaturisation des méthodes d’analyses associées.
L’étude réalisée par les chercheurs anglo-américains est basée sur le principe de chiralité des molécules. Une molécule chirale est une entité non superposable à son image réfléchie dans un miroir. On distingue alors une forme lévogyre et une forme dextrogyre, faisant référence à leurs capacités respectives de renvoyer différemment la lumière.
Cette propriété n’est pas anodine puisque chaque forme de la molécule présente des effets biologiques et des propriétés optiques différentes. A titre d’exemple, dans les années 1950 à 1960, la thalidomide a été prescrite aux femmes enceintes pour soulager les nausées matinales. Alors que la forme dextrogyre de la molécule traitait les nausées, sa forme lévogyre provoquait des malformations chez le fœtus. Malheureusement, la formule commercialisée de ce médicament contenait les deux formes chirales.
La nouvelle méthode découverte par les chercheurs permet de mesurer la chiralité d’une molécule dans des volumes 10 000 fois inférieurs au millimètre cube. Cette précision permettra alors aux chercheurs d’utiliser des quantités infimes de molécules actives, souvent coûteuses, afin d’étudier leur activité à grande échelle.
Cette méthode originale s’appuie sur une structure chimique développée à l’université du Michigan. Du tellurure de cadmium (CdTe), un semi-conducteur couramment utilisé dans les panneaux solaires, est façonné en nanoparticules de forme torsadée. Ces derniers s’assemblent spontanément en hélices, imitant ainsi la manière dont les protéines prennent leurs conformations tridimensionnelles.
Représentation et photographie d’hélices de CdTe. Crédits : Ohnoutek et al.
Lorsqu’elles sont éclairées par une lumière rouge, les hélices semi-conductrices génèrent une nouvelle lumière hélicoïdale, dans le spectre bleu, émise dans une direction spécifique, ce qui la rend facile à capter et à analyser.
Pour utiliser ces propriétés dans le cadre d’un criblage à haut débit, les nanoparticules de CdTe peuvent être mélangées aux médicaments candidats. Lorsque les nano-hélices forment une structure de type « serrure-et-clé » avec le médicament, simulant ainsi sa cible biologique moléculaire, la torsion des nano-hélices change radicalement, ce qui peut être mesuré au niveau de la lumière bleue.
La génération de la lumière bleue à partir du rouge est également utile pour la détection de médicaments dans des échantillons approchant la complexité des fluides biologiques. Ces effets optiques inhabituels réduisent considérablement le bruit de fond analytique ainsi que les pourcentages de faux positifs et faux négatifs.
Selon les chercheurs, les applications de leur découverte en recherche pharmaceutique ne sont plus qu’une question de développement technologique. La prochaine étape consistera donc à rechercher des financements pour ce développement.
L’université du Michigan a déposé une demande de brevet et recherche des partenaires pour commercialiser cette technologie innovante.
Plus d’information :
https://news.umich.edu/new-photonic-effect-could-speed-drug-development/
https://www.nature.com/articles/s41566-021-00916-6#Abs1
Article rédigé par : Benjamin Doreilh, Attaché adjoint à la Science et la Technologie au Consulat général de France à Chicago; [email protected]