R&D et Workforce Development au quartier général de la NSF

Un récent sommet à la NSF (National Science Foundation) a proposé plusieurs panels sur le financement public de la R&D aux USA, et plus généralement sur l'état et l’avenir du duo public-privé en la matière, avec un accent mis sur l’intelligence artificielle (IA) et la cybersécurité.
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Le 21 avril s’est tenu un événement à la NSF à Alexandrie intitulé : “6G: OPEN & RESILIENT BY DESIGN – a White House Workshop at the National Science Foundation”. Une partie des conférences de l’après-midi concernait des enjeux en recherche et développement scientifiquement impactants, en particulier les panels 3 : Fireside Chat on federal funding for R&D et 4: Workforce Development

Le panel 3 était animé par 3 représentants du gouvernement, du monde universitaire et de l’industrie, les parties prenantes concernées par la question du financement fédéral de la R&D. La question de la compétition en R&D entre le secteur privé (industry) et universitaire (academia) apparaissait comme un point central des débats. On fera aisément le lien avec l’AI Index Report de Stanford publié tout récemment qui répète combien le secteur privé a largement pris l’avantage en IA grâce aux moyens financiers mais aussi à la data dont il dispose en plus grande quantité [voir cet article]. 

Lors des échanges,  le point de vue universitaire (américain) s’est plutôt prononcé en défaveur du modèle européen en matière de R&D, jugé lumbering (encombrant). Ceci fait notamment référence à une inertie trop forte et une régulation trop rigide, contre-productive. Cet avis a été globalement partagé par les personnes invitées à s’exprimer sur ce sujet.. Les membres du panel se sont par ailleurs félicités de ce que la recherche universitaire réalise d’excellentes preuves de concept (Proof of Concept), dans la mesure où elle n’a pas vocation à implémenter le résultat de ses recherches, ce qui bénéficie donc à l’industrie. La recherche académique a donc encore entièrement sa place et sa légitimité malgré son retard par rapport au secteur privé.

Le Machine Learning (ML), ensemble de méthodes informatiques qui visent à enseigner à une machine un mode d’apprentissage “humain”, a été une nouvelle fois au cœur de nombreuses discussions. Son actualité brûlante ainsi que son rôle dans  les transformations numériques actuelles ont été bien entendu soulignés. 

Sur une note plus politique, on mentionnait la Chine, son influence croissante en R&D, et surtout, comment la contrer ou dépasser. C’était aussi l’occasion de réaffirmer les enjeux de sécurité nationale que représente en particulier la cryptographie post-quantique. On rappelle que beaucoup d’algorithmes de cryptographie – utilisés dans les transactions bancaires notamment – reposent sur des propriétés mathématiques bien précises (factorisation en nombre premiers notamment) et dont le calcul nécessaire à la résolution dépasse de loin les capacités des ordinateurs traditionnels. Les ordinateurs quantiques en développement peuvent résoudre ces problèmes mathématiques de manière triviale. Il y a donc un enjeu majeur de disposer d’algorithmes de cryptographie robustes qui résisteront à l’ordinateur quantique à l’échelle d’une dizaine d’années. 

Le panel suivant était consacré à la question de la main-d’œuvre en Electrical Engineering (EE) notamment. Les membres du panel, dont la plupart était issue de départements d’ingénierie électrique et du domaine des télécommunications, ont déploré le manque d’ingénieurs et d’étudiants dans ces spécialités  au profit en particulier des sciences de l’information et de la donnée, beaucoup plus en vogue comme l’intelligence artificielle et le ML. 

Pour l’une des intervenantes, l’une des problématiques serait d’exiger des étudiants qu’ils reçoivent un apprentissage de connaissances trop  théoriques et abstraites, jugées non nécessaires pour certaines fonctions, et les éloignant de vocations potentielles en génie électrique. Ce constat fait écho à une discussion avec la directrice de la cybersécurité et de l’aérospatial du département du commerce (DoC) du Maryland qui se félicitait du retrait d’une règle interne au département imposant l’obtention d’un diplôme universitaire pour travailler dans le service de cybersécurité du DoC, le privant des talents autodidactes de plus en plus nombreux dans le domaine. Il est intéressant de souligner que cette position diffère notablement de celle adoptée par la France, qui valorise encore énormément les apprentissages de base en sciences dures – y compris en ingénierie électrique – une qualité des ingénieurs français qui leur est fortement reconnue outre-Atlantique.

Enfin, les membres du panel se sont accordés pour dire que la culture en cybersécurité et les bons gestes devaient être démocratisés et enseignés à un plus jeune âge. Un échange avec Ayan Islam, membre du panel 4 travaillant au sein de l’Office of the National Cyber Director (ONCD), anciennement employée du CISA (Cybersecurity & Infrastructure Security Agency) et membre du think-tank R Street, nous apprenait qu’un document similaire à la National Cyber Strategy publiée en mars 2023 était en préparation à la Maison Blanche et qu’il porterait spéficiquement sur l’éducation de la population aux questions de cybersécurité, avec une parution prévue courant juillet 2023. 

Rédacteur: Antoine Glory, Chargé de mission pour la Science et la Technologie à l’Ambassade de France à Washington, [email protected]

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