La Californie du Sud, pôle majeur pour les sciences de la vie aux États-Unis (source : Pexels)
Les sciences de la vie, qui englobent des domaines travaillant en synergie tels que les biotechnologies, les sciences biomédicales et l’industrie pharmaceutique, sont concentrées aux États-Unis dans trois principaux pôles : Boston, la baie de San Francisco et la Californie du Sud. Ces régions se distinguent par la présence conjointe d’universités prestigieuses, menant des recherches de pointe, et de leaders industriels, dont la complémentarité assure le dynamisme du secteur. De nouveaux pôles d’innovations secondaires dans les sciences de la vie émergent également, à l’image de l’Oklahoma, qui a récemment annoncé la création du hub Life Science Oklahoma ou encore de Salt Lake City en Utah, où l’industrie des sciences de la vie a connu en 2023 une des croissances les plus rapide du pays [1].
Cet article met en lumière le pôle de Californie du Sud, qui englobe, du nord au sud, les régions métropolitaines de Los Angeles, Orange County et San Diego. En 2023, l’industrie des sciences du vivant de l’ensemble de ces régions a généré un chiffre d’affaires impressionnant de 170 milliards de dollars, soutenant quelques 234 000 emplois directs [2].
Voici un aperçu des atouts qui font du sud de la Californie une région de choix pour les sciences du vivant, ainsi qu’une sélection d’initiatives instaurées par divers acteurs de la région pour maintenir sa compétitivité dans un écosystème en constante expansion.
La sud de la Californie, un pôle d’excellence pour les sciences de la vie :
En plus d’offrir un climat agréable et un cadre de vie ensoleillé marqué par la proximité de la nature et des plages, le sud de la Californie est un véritable cluster académique et privé pour les sciences de la vie grâce à la concentration d’universités et d’instituts de recherche de renommée mondiale, ainsi qu’à la présence de grandes entreprises du secteur.
Parmi les acteurs universitaires, on retrouve cinq campus du réseau public de l’Université de Californie (UC) : UCLA à Los Angeles, UCSD à San Diego, UCI à Irvine, UCR à Riverside et UCSB à Santa Barbara. D’autres universités prestigieuses pour le secteur biomédical y sont également implantées : l’University of Southern California (USC) et le California Institute of Technology (Caltech).
L’écosystème de la région inclut également de nombreux instituts de recherche de réputation mondiale, comme le Salk Institute for Biological Studies, Scripps Research Institute, Scripps Institution of Oceanography, La Jolla Institute for Immunology et Sanford Burnham Prebys.
En outre, le sud de la Californie accueille de nombreuses entreprises privées, principalement situés dans la région de San Diego, surnommée “Biotech Beach”. Ce hub biotechnologique dynamique abrite plus de 2 000 établissements consacrés aux sciences du vivant, tels qu’Illumina, Pfizer, Bristol Myers Squibb et Vertex Pharmaceuticals, ainsi que des entreprises soutenant la recherche biomédicale comme Eurofins et ThermoFisher.
L’ensemble de ces acteurs publics et privées participent activement à la création de nombreuses startups, la proximité géographique favorisant le transfert de technologie et d’innovation.
Principaux acteurs académiques et privés du secteur des sciences de la vie en Californie du Sud. Source : Biospace
Témoignant de ce dynamisme, les National Institute of Health (un des plus grands centres de recherche médical au monde et le point focal fédéral pour le soutien de la recherche dans les domaines de la médecine, de la santé et du comportement aux États-Unis) et la National Science Foundation (agence fédérale indépendante qui soutient la recherche scientifique et coordonne la majorité des programmes d’éducation nationaux en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) ont accordé en 2023 des financements de 4 milliards de dollars pour la recherche en Californie du Sud [2].
La région se distingue également par l’accueil régulier de nombreuses conventions majeures. Parmi elles, la BIO International Convention, le plus grand rassemblement mondial dédié aux biotechnologies, qui a attiré en 2024 près de 18 000 participants de plus de 70 pays. Parmi les autres événements notables, on peut citer Cell Bio, la réunion conjointe de la Société américaine de biologie cellulaire et de l’Organisation européenne de biologie moléculaire, ainsi que l’Infection Disease Week, Neuroscience ou encore la réunion annuelle de l’American Association for Cancer Research.
La métropole de Los Angeles renforce son attractivité grâce à des investissements stratégiques dans les sciences de la vie :
Afin de maintenir et d’étendre son attractivité, plusieurs acteurs majeurs de la métropole de Los Angeles ont intensifié leurs investissements dans les infrastructures de recherche pour l’innovation
C’est le cas de UCLA, qui a récemment réaffirmé son engagement envers l’innovation en santé et les technologies émergentes en acquérant début 2024 un ancien centre commercial qu’elle transformera en un nouveau parc de recherche [3]. Ce campus hébergera le nouveau California Institute for Immunology and Immunotherapy et le Center for Quantum Science and Engineering. Pour ce projet, l’État de Californie a injecté 500 millions de dollars, démontrant sa volonté de rester compétitif et attractif dans ces secteurs. Le gouverneur Gavin Newsom a déclaré : « La Californie est l’épicentre de l’innovation mondiale […] l’avenir de l’humanité se joue d’abord ici, en s’appuyant sur les prochaines vagues technologiques et scientifiques – l’informatique quantique et l’immense potentiel de l’immunologie – le parc de recherche de l’UCLA consolidera la domination économique, scientifique et technologique de la Californie au 22e siècle, et au-delà ».
Outre la création d’un écosystème interdisciplinaire propice aux découvertes biomédicales, l’institut soutiendra le développement de startups et offrira une formation de pointe en immunologie et immunothérapie aux étudiants et post-doctorants de UCLA, renforçant ainsi l’expertise de l’université à l’échelle mondiale. « L’objectif est de créer à Los Angeles l’équivalent de la Silicon Valley pour l’immunologie », a déclaré avec enthousiasme le Dr. John Mazziotta, directeur général de UCLA Health.
Ce nouvel espace, attendu pour 2027, se situe à 3km du campus principal de UCLA, offrant des opportunités pour le développement d’entreprises, ce qui renforcerait encore l’influence de UCLA.
À l’est de la ville, USC se prépare à agrandir son campus des sciences de la santé avec la création d’un nouveau hub, dont l’autorisation a été votée en mai 2024 lors de la commission d’urbanisme de la ville de Los Angeles [4]. Ce centre, nommé Discovery and Translational Hub, sera construit à la place d’un parking situé au centre du campus et couvrira près de 20 000 mètres carrés répartis sur 7 étages, pouvant accueillir jusqu’à 80 chercheurs principaux répartis dans plusieurs laboratoires de pointe [5]. Ce futur pôle de recherche se veut “innovant et emblématique” favorisant la collaboration entre équipes interdisciplinaires afin d’accélérer les découvertes et le transfert d’innovations. Il se concentrera sur des domaines allant de la médecine régénératrice à la biologie de synthèse, en insistant notamment sur la médecine de précision, une discipline qui adapte la prévention et le traitement des maladies à la génétique, à l’environnement et au mode de vie de chaque individu. Le centre souhaite mettre l’accent sur l’inclusion des communautés sous-représentées dans les essais cliniques, répondant ainsi au projet de directive soumis en juin 2024 par la Food and Drug Administration (agence du ministère américain de la santé et des services sociaux (U.S. Department of Health and Human Services) pour la protection de la santé publique) en faveur de la diversité pour garantir une santé équitable pour tous [6].
Parallèlement, le comté de Los Angeles investit massivement dans la rénovation de l’hôpital historique du campus, laissé vacant, pour en faire des logements [7]. Cette initiative renforcera sans aucun doute l’attractivité de ce futur hub, le centre de Los Angeles étant tristement dépréciée pour son trafic automobile très dense.
Les défis économiques du sud de la Californie : un cadre fiscal exigeant et un coût de la vie élevé favorisant les délocalisations
Malgré une expansion visiblement croissante, une ombre plane au tableau. Le coût élevé de la vie et des affaires en Californie du Sud incite de plus en plus d’entreprises à se délocaliser vers des États plus abordables offrant un cadre fiscal plus avantageux. C’est le cas par exemple de Astura Medical et d’Incora, respectivement une entreprise biomédicale et une entreprise spécialisée dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement pour l’industrie pharmaceutique, qui ont toutes deux déménagé au Texas. Cet État apparaît comme une providence, sans taux d’impôt sur les sociétés hormis l’impôt fédéral de 21% (contrairement à la Californie où s’ajoute un taux d’impôt à 9%), et pratiquant des réductions de taxes pour les entreprises relocalisant sur son territoire [8].
Ces défis économiques ont des répercussions déjà notables. En effet, il est observé une légère décélération du dynamisme des sciences du vivant à San Diego, avec une diminution d’environ 2.5% de l’emploi dans ce secteur entre 2022 et 2023, la plus marquée de la région. Par exemple, Novartis a annoncé en juillet 2024 la fermeture de l’un de ses sites de recherche, éliminant une centaine d’emplois [9]. De même, Takeda, un géant japonais de l’industrie pharmaceutique ferme définitivement son centre de recherche et développement à San Diego, menaçant directement 300 emplois [10].
Une explication supplémentaire possible de cette tendance pour les entreprises pharmaceutiques pourrait être la réforme fédérale du plan de réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act, IRA) mis en place par le gouvernement Biden-Harris en 2022, qui implique notamment de réguler le prix des médicaments sur ordonnance pour rendre la santé plus accessible [11]. Cette loi impose aux industries pharmaceutiques des remises à l’assurance-maladie en cas d’augmentation du coût des médicaments et exige que l’assurance-maladie négocie le prix de certains médicaments. En réponse, certaines entreprises pharmaceutiques ont ainsi commencé à réduire leurs effectifs pour compenser les pertes financières conséquentes.
Un bon compromis à la délocalisation dans un autre État pourrait être la décentralisation en périphérie.
Cette stratégie a déjà porté ses fruits plus au nord, à South San Francisco. Autrefois en forte décroissance, cette ville au sud de San Francisco a été entièrement revitalisée par l’implantation de l’industrie biomédicale et pharmaceutique, devenant ainsi un véritable moteur des sciences de la vie pour la baie.
Le même cas de figure se dessine à Los Angeles, où, misant sur des opportunités immobilières plus attractives, des villes en périphérie se positionnent comme de nouvelles destinations de choix pour l’implantation des sciences du vivant. Ainsi, Thousand Oaks, situé au nord de Los Angeles, est en train de construire un campus dédié à la R&D en sciences de la vie, comprenant bureaux, laboratoires et commodités [12]. Cette ville est notamment connue pour abriter Amgen, une entreprise leader de l’industrie pharmaceutique.
Plus au nord, la ville de Camarillo se prépare également à accueillir des entreprises des sciences de la vie, en mettant en avant, outre leur proximité avec le futur hub de Thousand Oaks, des terrains disponibles avec une législation assouplie pour la construction de bâtiments de R&D, à proximité de main-d’oeuvre industrielle [13].
Ces développements pourraient donner naissance à un nouveau corridor des sciences de la vie, reliant Los Angeles à Camarillo via Thousand Oaks.
Soutien aux sciences de la vie : initiatives étatiques et locales en action
Les sciences de la vie engendrent d’importants enjeux économiques, et des stratégies politiques sont mises en place à plusieurs niveaux pour les soutenir.
À l’échelle de l’État, le California Department of Tax and Fee Administration (CDTFA) a instauré en 2018 une réduction du taux de taxe sur les ventes et l’utilisation des équipements destinés à la recherche [14]. L’état propose également plusieurs programmes pour promouvoir les sciences de la vie, tels qu’un crédit d’impôt pour des entreprises souhaitant s’installer ou se développer en Californie, ainsi qu’un programme de financement pour la formation des employés d’entreprises de sciences du vivant, leur permettant d’acquérir de nouvelles compétences [15].
Sur le plan local, plusieurs villes s’efforcent de stimuler le secteur des sciences du vivants grâce au soutien actif de leurs responsables politiques.
C’est le cas de Pasadena, déjà connue pour la présence de Caltech et du Jet Propulsion Laboratory, financé par la National Aeronautic and Space Agency (NASA). Pasadena héberge également de nombreuses entreprises de R&D en sciences de la vie telles que Xencor, Protomer, Huntington Medical Research Institutes et Doheny Eye Institute. Grâce à l’engagement des autorités locales, la ville est en passe de devenir un hub incontournable pour la recherche et l’innovation dans ce secteur [16]. En 2023, la ville a revu sa stratégie de planification urbaine, en étroite collaboration avec des leaders locaux de l’industrie biotechnologique et des experts en architecture et en immobilier. Cette initiative vise à simplifier le processus de création et d’expansion des infrastructures R&D. Concrètement, cela se traduit par un assouplissement des restrictions sur les permis de construire, l’utilisation de l’espace, les transports en commun et le stationnement, ainsi que sur la gestion des déchets issus des laboratoires, soumise à des réglementations très strictes.
Cette nouvelle législation doit favoriser l’établissement de centres de recherche, de laboratoires et d’installations à la pointe de la technologie, créant ainsi un environnement propice aux avancées scientifiques et à la création d’emplois.
Le secteur des sciences de la vie en Californie du Sud joue donc un rôle économique crucial et la région est indubitablement considérée comme un pôle incontournable dans ce domaine. Malgré les défis liés aux coûts élevés et aux réformes fédérales, la région continue de créer un environnement propice à l’innovation scientifique, soutenue par des investissements stratégiques et des initiatives politiques à tous les niveaux.
Rédactrice :
Célestine Belloeil, Chargée de mission scientifique au Consulat Général de France à Los Angeles, [email protected]
Références :
Greater LA Life Science Forum, Biocom California, July 2024
[1] Fast growing life sciences industry in Utah
[2] Life Science Economic Impact Report, Biocom California, 2024
[3] New UCLA Research Park in an empty mall, UCLA Newsroom, 2024
[4] Los Angeles City Planning Commission approves USC Discovery and Translational Hub
[5] Proposition for the Discovery and Translational Hub at USC Health Sciences Campus, 2023
[6] FDA Guidance on Diversity Action Plans for Clinical Studies, 2024
[7] Turning an empty hospital into housing, Los Angeles Daily News, 2023
[8] Corporation and businesses relocating from California to Texas, 2021
[9] Novartis closes San Diego R&D site, 2024
[10] Takeda shuts down San Diego R&D site, 2024
[11] Inflation Reduction Act of 2022, US Department of Health and Human Services
[12] Biotech campus in Thousand Oaks, 2022
[13] Camarillo Welcomes Life Sciences
[14] Reduced Californian Taxes on Equipment for Research, CDTFA, 2018
[15] Californian programs for biotech
[16] Pasadena’s strategic changing in zoning to boost life science industry, 2023
Pour en savoir plus :
Aperçus régionaux du secteur des sciences de la vie par California Life Sciences :