Les deux projets de loi, intitulés Zero Food Waste Act et Cultivating Organic Matter through the Promotion Of Sustainable Techniques (COMPOST) Act, reconnaissent le rôle clé de la réduction du gaspillage alimentaire dans la lutte contre le changement climatique, et posent les jalons pour le développement d’emplois de qualité, des coupes significatives dans les émissions de Gaz à Effets de Serre (GES), et l’amélioration de la santé des sols. Ils s’inscrivent dans une logique d’atteinte de l’objectif national de réduire le gaspillage alimentaire de 50% d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 2010. Cet objectif a été fixé en 2015 par les agences fédérales (voir plus bas).
Le gaspillage alimentaire est un défi majeur à l’échelle mondiale comme nationale, mais constitue parallèlement une opportunité de taille pour réduire l’impact de la production et la consommation alimentaire sur les émissions de GES, comme le souligne Julia Brownley, Représentante de Californie. En effet, aux Etats-Unis en 2020, presque la moitié de la nourriture – environ 35% d’après l’USDA (US Department of Agriculture) est perdue ou gaspillée, ce qui correspond à une perte annuelle de $408 milliards, tandis qu’au moins un habitant sur huit souffre d’insécurité alimentaire. La nourriture représentante la part la plus importante des déchets solides municipaux, soit 35 millions de tonnes annuelles, et d’après l’EPA (Environmental Protection Agency), les décharges constituent la troisième sources d’émissions de méthane d’origine humaine aux Etats-Unis. Finalement, d’après ReFED, une association nationale partenaire des agences fédérales, le gaspillage alimentaire représente 4% du total des émissions de GES du pays.
A savoir, selon l’Organisation onusienne pour l’Alimentation et l’Agriculture, la FAO, les pertes alimentaires correspondent à la diminution de la masse des denrées alimentaires comestibles constatée dans le segment de la chaîne alimentaire où sont précisément produits des aliments comestibles destinés à la consommation humaine, au stade de la production, de l’après récolte et de transformation. Les pertes constatées en bout de chaîne alimentaire (distribution et consommation finale) sont généralement appelées «gaspillage alimentaire», se référant au comportement des distributeurs et des consommateurs (Parfitt et. al., 2010).
Les deux textes de loi introduits au Congrès suggèrent des politiques complémentaires, notamment par l’extension du réseau de traitement des déchets, en installant des infrastructures alternatives aux décharges et centres d’incinération à tous les niveaux : foyer, entreprise, municipalité, état et fédéral. Par ailleurs, ils ouvrent la voie au développement d’infrastructures critiques pour la gestion des déchets, à travers des politiques transversales promouvant l’emploi et la réduction des GES. Ils traduisent les deux axes d’action complémentaires de la lutte contre le gaspillage alimentaire : la réduction des sources de déchets et l’utilisation durable des matériaux organiques.
Le Zero Food Waste Act
Le Zero Food Waste Act suggère la mise en place par l’EPA d’un programme récompensant – à hauteur de 650 millions USD par an jusqu’en 2030 – les gouvernements étatiques, tribaux et locaux cherchant à développer des politiques, programmes et infrastructures favorisant la réduction du gaspillage alimentaire au niveau local. Ces projets peuvent se concentrer sur des stratégies d’évitement de production des déchets pour une communauté/zone spécifique, de mesures quantitatives (identification de la nature et des sources des déchets), des méthodes de récupération des surplus et de recyclage des déchets alimentaires (upcycling par exemple). Les projets de digestion anaérobie sont éligibles selon des modalités particulières.
Les projets éligibles concernent ainsi les activités d’évaluation et de mesure visant à identifier les sources locales de gaspillage et à créer des stratégies permanentes de quantification, perçues comme essentielles au suivi des initiatives de réduction. Les propositions ciblant des actions ciblées de réduction du gaspillage alimentaire, à tous les niveaux de la chaine de production, y compris par la création de nouveaux marchés et la stimulation de la demande pour des produits issus du compost.
Les propositions intégrant des communautés de couleur, aux revenus faibles, ou tribales ayant été sur-affectées par des impacts sanitaires ou environnementaux, seront privilégiées.
Le COMPOST Act
Le recyclage des matières organiques et de la nourriture en compost permet de bénéficier de nombreux avantages environnementaux, comme l’amélioration de la santé des sols et la réduction de l’érosion, la diminution des émissions de GES et notamment du méthane issu des déchetteries, le recyclage des nutriments dans les sols et l’optimisation de la rétention d’eau, réduisant ainsi la quantité nécessaire aux activités de production agricoles. Le COMPOST Act vise à promouvoir les programmes garantissant la transformation des déchets issus du gaspillage alimentaire en nutriments régénératifs pour les sols.
Plus précisément, il aspire à faire du compostage une pratique de conservation certifiée, comme les cultures de couverture, par les programmes de conservation de l’USDA (US Department of Agriculture), rendant ainsi son recours éligible à des fonds et à un appui fédéral. Cet aspect nécessite l’amendement du Food Security Act de 1985. Les actions de production de compost à partir de sources de déchets organiques et d’utilisation du compost sur une ferme agricole seraient ainsi qualifiées de pratiques de conservation. De plus, il crée un fond USDA dédié et un programme de garantie de prêts allouant 200 millions USD annuels sur 10 ans à des projets d’infrastructures de compostage, dont la collecte et la transformation du foyer à l’industrie. Il prévoit par ailleurs 50 millions USD annuels spécifiquement dédiés aux projets de compostage produisant moins de 10 000 tonnes par an.
Les propositions intégrant la participation de petites entreprises diversifiées (comme celles dirigées par des populations de couleur ou indigènes), créant des opportunités de formation professionnelle inclusives et promouvant des salaires décents, au service des communautés défavorisées, et/ou soutenant des plans de justice environnementale, retiendront particulièrement l’attention du jury.
D’autres efforts dans ce sens existent. En décembre 2020, l’EPA (Environmental Protection Agency), l’USDA (U.S. Department of Agriculture) et la FDA (U.S. Food and Drug Administration) signaient un accord de coordination et coopération sur les pertes et les gaspillages alimentaires, dans le cadre de leur Initiative Winning on Reducing Food Waste, stratégie interfédérale cherchant l’amélioration de la communication entre les agences en vue de mieux éduquer les Américains sur les impacts de ces pertes et gaspillages alimentaires. Cette stratégie inclut l’ensemble de la chaine de production, de la production agricole au stockage des denrées alimentaires, en passant par les phases de manufacture, transport, vente, manipulation et préparation. Pour ce faire, les agences s’appuient notamment sur les engagements précédemment annoncés entre l’USDA et l’EPA tels que les partenariats public-privé intitulés les U.S. Food Loss and Waste 2030 Champions.
Parallèlement, le US Food Loss and Waste Action Plan, élaboré en 2020 par un consortium composé du Natural Resources Defense Council, de la Harvard Food Law and Policy Clinic, du World Widlife Fund et de l’ONG ReFED, appelait le gouvernement fédéral à se positionner sur le sujet. Les projets de lois soumis bénéficient d’un large support auprès des entreprises, gouvernements locaux et organisations de la société civile, dont plusieurs sont partenaires au sein de l’initiative Food Matters.
Ce Plan suggère des actions sur 5 axes :
- Investissement dans des infrastructures permettant de mesurer, récupérer, recycler et empêcher les déchets organiques de finir en décharges ou incinérateurs ;
- Développement des incitations officialisant les donations de surplus alimentaires et renforçant les chaînes de production régionales ;
- Affirmation du leadership américain sur les pertes et le gaspillage alimentaire à l’échelle nationale et globale;
- Education des consommateurs par des campagnes publiques et privées de modifications des comportements de gaspillage alimentaire ;
- Mise en place d’un standard national de labellisation des dates d’expiration des produits.
Le consortium soutient ces projets de loi, aux côtés d’autres organisations et d’associations de consommateurs, qui le perçoivent comme une avancée majeure pour le pays, pour la lutte contre le changement climatique mais aussi comme un progrès vers la résilience communautaire.
Article rédigé par : Juliette Paemelaere, Chargée de coopération scientifique INRAE, [email protected]