Production de bio-carburants et consommation d’eau aux Etats-Unis

Plusieurs études montrent que l’industrie des biocarburants avec les nouvelles stratégies de production en cours de développement serait une importante consommatrice d’eau. Ce point avait déjà été abordé dans un précédent bulletin électronique en avril 2009 [1]. Cet article s’appuyait sur les travaux d’une équipe de chercheurs de l’université du Minnesota sur les estimations de la consommation d’eau de manière globale pour la production de bioéthanol dans différentes régions des Etats-Unis. Ici, les travaux de l’équipe de May Wu de l’Argonne National Laboratory publiés dans le journal Environmental Management en septembre 2009 [2], nous apportent un complément d’informations avec la comparaison des besoins en eau nécessaires à la production de 3 types de carburants : le bioéthanol issu du maïs, les biocarburants réalisés à partir de biomasse cellulosique (comme par exemple le panic érigé, Panicum virgatum, ou "switchgrass") et les carburants traditionnels issus d’énergies fossiles.

Tout d’abord, ces travaux soulignent le fait que la consommation d’eau intervient à deux niveaux : dans les procédés de culture de la biomasse et dans ceux de production de bioéthanol.

La demande en eau pour irriguer les cultures varie considérablement selon les conditions géographiques : sol et climat. La présente étude est focalisée sur les plus importantes régions agricoles pour l’industrie des biocarburants (sur la base de la cartographie réalisée par l’USDA, découpant les Etats-Unis en 10 régions d’Est en Ouest) et plus particulièrement sur 3 de ces régions, comprenant des Etats comme l’Illinois, le Minnesota, le Dakota du Nord, et qui comptabilisent à elles seules près de 88% du maïs total produit dans le pays (2003). Ces régions productrices utilisent 70% des volumes totaux en eau nécessaires pour l’irrigation des cultures de maïs ; les 30% restant sont le fait de deux autres régions qui ont des besoins en eau plus élevés (Texas, Arizona, …).

En ce qui concerne les procédés de fabrication de bioéthanol à partir de ces cultures, l’eau est nécessaire pour les différentes étapes de broyage, liquéfaction, fermentation, séparation et séchage. Cependant cette consommation est en constante baisse (moins 48% en l’espace de dix ans) aux Etats-Unis grâce à l’amélioration des équipements spécialement conçus pour une utilisation plus efficace des ressources en eau. Les améliorations apportées sont entre autres le développement de techniques éliminant la vapeur dans le procédé de séchage des grains, ou encore l’optimisation des processus de recyclage de l’eau.

Cependant, l’étape la plus consommatrice d’eau reste la culture des céréales avec une consommation pouvant aller de 10 litres (Illinois) à 324 litres (Kansas) pour produire un litre de bioéthanol. Les régions irriguant le moins, c’est à dire consommant de 10 à 17 litres d’eau pour produire un litre d’éthanol, totalisent près de 70% de la production de maïs américain.

Selon les auteurs, si l’on considère les nouveaux procédés de production d’éthanol cellulosique tels que ceux utilisant le Panic érigé, "switchgrass" ou les résidus dérivés du bois des forêts, la consommation d’eau devrait être nettement moindre. Les volumes d’eau utilisés seraient principalement liés aux procédés de conversion de la biomasse. Traditionnellement deux grands types de process sont utilisés : les Conversions Biochimiques (BC) et les Conversions Thermochimiques (TC). Ainsi, la production d’un litre d’éthanol cellulosique nécessiterait globalement entre 1,9 et 9,8 litres d’eau selon la technique employée. Les processus de BC utilisés actuellement utilisent quasiment autant d’eau (9,8 litres) que l’éthanol produit à partir du maïs dans l’Illinois par exemple (10 litres), alors que de l’éthanol cellulosique produit à partir de Panic érigé à l’aide d’une technique de TC par vaporisation nécessiterait 80% d’eau en moins. Notons que ces deux types de procédés (BC et TC) sont en cours d’amélioration avec notamment des méthodes de pyrolyse rapide qui devraient permettre à l’avenir de diminuer encore la consommation d’eau de 14% environ.

Un dernier aspect intéressant de l’étude de l’équipe du Argonne National Laboratory est la comparaison avec la consommation en eau des procédés de production des carburants issus du pétrole. Les données sur la consommation en eau des trois sources de carburants étudiées sont indiquées dans le tableau ci-dessous :


On constate que pour les carburants issus des énergies fossiles, la consommation d’eau est comprise entre 3 et 7 litres d’eau environ par litre d’essence produit. L’optimisation des procédés de production de bioéthanol cellulosique devrait permettre d’approcher ces valeurs.

N.B. : Les chercheurs soulignent les incertitudes relatives à l’ensemble des données fournies dans cette étude (manque de données sur la production industrielle d’éthanol cellulosique notamment), d’où le recours à des simulations dans certains cas.

Cette étude nous montre que des mesures pour réduire la consommation d’eau sont nécessaires pour assurer une production de carburants et biocarburants selon une politique de développement durable. Améliorer la gestion de l’irrigation est primordial dans des régions où l’eau est rare et également dans les zones où se concentrent les infrastructures pour la production de carburants traditionnels et biocarburants. Il est également souhaitable de développer des variétés de plantes résistantes à la sécheresse qui permettront de maintenir les rendements. De façon générale, quel que soit le carburant produit, il est important d’améliorer les procédés de recyclage de l’eau et ceux intégrant de la vapeur.

Source :

– [1] Biocarburants : une soif en eau qui pèse sur les réserves des Etats-Unis, Agathe Dumas, 17/04/2009 – https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/58699.htm
– [2] Water Consumption in the Production of Ethanol and Petroleum Gasoline, Environmental Management 44, May Wu & al., 22/09/2009, pages 981 à 997

Pour en savoir plus, contacts :

Consumptive Water Use in the Production of Ethanol and Petroleum Gasoline, M. Wu, M. Mintz, M. Wang, and S. Arora, Center for Transportation Research – Energy Systems Division, Argonne National Laboratory, Janvier 2009, 90 pages – https://www.transportation.anl.gov/pdfs/AF/557.pdf
Code brève
ADIT : 61134

Rédacteur :

Magali Muller, [email protected]; Adèle Martial, [email protected]

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