Northwestern University dévoile un dispositif permettant d’extraire les phosphates des eaux superficielles

Ce dispositif permettrait de résoudre d’une part la problématique de pollution des eaux de surfaces par les phosphates et du risque de bloom algal associé et, d’autre part, de pallier à l’épuisement à venir de cette ressource indispensable à l’agriculture.

La pollution par les phosphates dans les rivières, les lacs et autres cours d’eau provoque la prolifération d’algues qui privent les poissons et les plantes aquatiques d’oxygène. Parallèlement, les agriculteurs du monde entier doivent faire face à la diminution des réserves d’engrais phosphatés.

Inspirée par les nombreux plans d’eau voisins de Chicago, une équipe de la Northwestern University a mis au point un moyen d’extraire et d’utiliser les phosphates présents dans les eaux de surfaces. Les chercheurs qualifient leur dispositif de « couteau suisse » de la dépollution. En effet, il permet d’extraire d’autres composés que les phosphates.

 

Schéma du fonctionnement du dispositif PEARL (©Northwestern University)

Le phosphore est à la base de la chaîne alimentaire mondiale et de toute vie sur terre. Tous les organismes vivants en ont besoin : le phosphore est présent dans les membranes cellulaires ou encore dans la structure de l’ADN. Bien que d’autres éléments clés comme l’oxygène et l’azote puissent être trouvés dans l’atmosphère, ce n’est pas le cas du phosphore. La petite fraction de phosphore disponible provient de la croûte terrestre. Au rythme actuel, selon l’USGS, les réserves connues devraient assurer les besoins pendant plus de trois siècles. Cependant, comme de nombreuses autres ressources non-renouvelables, les gisements renferment des ressources de qualités diverses. Avec le temps, la qualité et l’accessibilité des gisements de roches phosphatées va décroitre. Il est donc aberrant d’assister d’un côté, à une raréfaction à venir de la ressource et de l’autre, a une perte de phosphore dans l’environnement et ses conséquences.

Les chercheurs et ingénieurs ont traditionnellement élaboré des techniques pour répondre aux préoccupations croissantes en matière d’environnement et de santé publique liées au phosphate en l’éliminant des sources d’eau. Mais ce n’est que récemment que la priorité est passée de l’élimination à la récupération du phosphate.

La membrane PEARL (Phosphate Elimination And Recovery Lightweight) de l’équipe de recherche est un substrat poreux et flexible (semblable à une éponge) qui séquestre jusqu’à 99 % des ions phosphate de l’eau polluée. Revêtue de nanostructures qui se lient au phosphate, le fonctionnement de la membrane PEARL peut être modulé, en agissant sur le pH, pour absorber ou libérer les nutriments, ce qui permet de récupérer le phosphate et de le réutiliser.

Les méthodes actuelles d’élimination du phosphate sont basées sur des méthodes longues et complexes. La plupart d’entre elles ne récupèrent pas le phosphate au cours de l’élimination et génèrent finalement beaucoup de déchets. La membrane PEARL est un procédé simple, en une seule étape, qui permet d’extraire le phosphate tout en le récupérant efficacement. Elle est également réutilisable et ne génère aucun déchet physique.

À l’aide d’échantillons provenant du Water Reclamation District de Chicago, les chercheurs ont testé leur prototype à partir d’échantillons d’eau réels. L’équipe a démontré que l’approche à base d’éponge est efficace à des échelles allant du milligramme au kilogramme, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’aller encore plus loin.

Cette recherche s’appuie sur un développement antérieur de la même équipe appelé éponge OHM (oléophile hydrophobe multifonctionnelle) qui utilisait la même base d’éponge pour éliminer et récupérer sélectivement le pétrole contaminant l’eau. En modifiant le revêtement de nanomatériaux de la membrane, l’équipe prévoit d’utiliser ensuite la base du dispositif de type « plug-and-play » pour s’attaquer à la récupération des métaux lourds. Selon l’équipe, il est également possible de capter puis récupérer plusieurs polluants à la fois en associant plusieurs matériaux aux affinités spécifiques adaptées.

 

Rédacteur : Benjamin Doreilh, Attaché adjoint pour la Science et la Technologie, Consulat de France à Chicago ; [email protected]

 

Sources :

https://news.northwestern.edu/stories/2021/06/phosphate-water-pollution-remediation/

https://pubs.usgs.gov/periodicals/mcs2021/mcs2021-phosphate.pdf

https://www.pnas.org/content/118/23/e2102583118

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