L’étude [2] adopte la méthodologie de l’horizon scanning, une approche utilisée pour l’analyse anticipative, afin de guider les décisions au sein des institutions publiques concernant les tendances liées au changement climatique dans le secteur agricole. Le groupe de travail chargé de la rédaction du rapport a défini des thèmes majeurs en suivant des principes directeurs axés sur la pertinence politique, tout en mettant l’accent sur l’interdisciplinarité et une approche holistique dans la formulation des thèmes de recherche.
Ce rapport identifie sept thèmes interconnectés qui fournissent une structure pour la recherche en sciences du climat. Chaque thème, illustré par plusieurs aperçus approfondis, offre des éléments de réponse aux besoins identifiés. Ces thèmes explorent diverses catégories de solutions telles que la résilience climatique et la gestion des écosystèmes (systems-based innovations ; mitigation and adaptation ; regenerative agricultural practices), la recherche de solutions (participatory research processes ; climate informed water research management), ou les politiques socioéconomiques liées au changement climatique (socioeconomic and policy research ; energy smart agriculture and technology integration).
En mettant l’accent sur la gestion des écosystèmes, la justice environnementale et les innovations dans les pratiques agricoles, la feuille de route ouvre des perspectives pour des recherches intégrées. Elle encourage une exploration plus transdisciplinaire des pratiques agricoles novatrices face au changement climatique, transcendant plusieurs thèmes. Néanmoins, le rapport soulève des questions quant à l’impact des solutions suggérées, comme l’agriculture régénératrice, et leur intégration dans les systèmes agricoles existants. La viabilité de ces propositions demeure une interrogation essentielle. Ainsi, le rapport offre une gamme étendue de propositions pour éclairer la prise de décision publique.
Les thématiques et les axes stratégiques proposés traduisent une forte volonté d’adopter une approche holistique à la pratique et à la recherche en agriculture. L’inclusion des différentes parties prenantes au cours du processus est mise en avant comme facteur de réussite pour des systèmes durables. Sous cette approche socio-économique, les besoins et connaissances des peuples autochtones, agriculteurs, utilisateurs finaux, entre autres, sont pris en considération tout au long de la recherche pour des systèmes agricoles résistants au changement climatique.
Ce rapport permet donc de guider le USDA – NIFA et ses universités partenaires dans la définition de ses stratégies de recherche pour une agriculture durable. Les land-grant universities, des universités mandatées et financées par l’Etat pour disséminer à travers des extension programs des connaissances agricoles dans leur région, sont particulièrement visées pour adopter ces pratiques, ainsi que les Historically Black Colleges and Universities et les Tribal Colleges. Ce rapport sera un support incontournable pour la National Climate Action Plan for Extension Programs qui sera défini prochainement à travers des conférences et des groupes de travail [1]. Les nouvelles méthodes proposées et les thématiques prioritaires pourront ainsi être graduellement intégrées au processus de recherche des universités et faciliter leur interaction avec les parties prenantes impliquées dans les effets du changement climatique en agriculture.
Bien que les objectifs de ce rapport soient clairs, les incertitudes demeurent sur son application, notamment d’un point de vue politique. En effet, ce rapport est publié alors que la situation autour du Farm Bill est encore très incertaine. Pour rappel, Le Farm Bill est une loi omnibus, rééditée tous les cinq ans, qui édicte l’ensemble des stratégies agricoles aux États-Unis. Bien que ce texte n’édicte pas directement la stratégie en recherche agronomique, il impacte néanmoins l’attribution des subventions fédérales pour la recherche. Suite à des difficultés au Congrès, le Farm Bill actuel, censé expirer en septembre 2023, a été prolongé d’un an. Cependant, l’élaboration de ce nouveau texte semble à nouveau compromise, puisque les désaccords au sein du congrès continuent. [3]
Dans ce contexte, il est difficile de prévoir si et comment les agences fédérales pourront implémenter ces recommandations. Cependant, la stratégie de recherche de l’USDA pour 2023-2026, dévoilée en mai dernier, semble aller dans ce sens : l’accent y est mis sur l’innovation et le développement d’une agriculture plus durable. [4]
Références:
[1] USDA Announces the National Climate Change Roadmap │ NIFA
[2] National Climate Change Roadmap
[3] Lawmakers clash over farm bill future │ Politico
[4] USDA Science And Research Strategy, 2023 – 2026 │USDA
Rédacteur(s) / Rédactrice(s) :
Théophile Altuzarra, Chargé de mission scientifique à l’Ambassade de France à Washington DC, [email protected]
Laura Gonçalves De Souza, Chargée de mission coopération scientifique pour INRAE à l’Ambassade de France à Washington DC, [email protected]
Marie Poirot, Chargée de mission scientifique au Consulat Général de France à Chicago, deputy-agro@ambascience-usa.org